Il vaut mieux la fin avec horreur qu’une horreur sans fin (Proverbe Allemand)”Lieber ein Ende mit Schrecken als ein Schrecken ohne Ende”
Le désastre européen se déroule comme une tragédie grecque. Inéluctablement, nous franchissons chacune des étapes qui va nous amener vers la catastrophe finale et je vais donc commencer par rappeler les stations par lesquelles nous sommes déjà passés avant que de préciser la prochaine destination qui sera la nationalisation de toute l’épargne longue dans la zone euro (compagnies d’assurance, caisses de retraite etc.)
Tout commence avec la création de l’Euro en 1998, et j’annonce la première station, c’est -à -dire la faillite de l’Europe du Sud en 2002 (voir des Lions menés par des Ânes), qui se produit vers 2011 -2012.
L’industrie Italienne est moins efficace que l’industrie Allemande mais avait pu rester compétitive de 1970 à 1998 grâce à des dévaluations répétées, ce qui permettait à la production industrielle italienne d’avoir le même taux de croissance que son homologue en Allemagne. Hélas, le mécanisme d’ajustement entre les deux industries, le taux de change, est bloqué en 1998 (ligne noire devenant horizontale), et s’est vu remplacé par la rentabilité des sociétés italiennes, espagnoles grecques, qui s’effondrent. Dix ans plus tard, la Grèce, l’Espagne et l’Italie « sautent », les taux sur les obligations à 10 ans montant comme des fusées (le Portugal atteignant 14 %), signe patent que les marchés financiers refusent de financer les déficits budgétaires de ces pays.
Des gens « normaux », c’est-à-dire non-idéologues auraient dû dire : « Désolés, mais nous nous sommes trompés, nous devons retourner aux monnaies nationales, nous donnons notre démission, vous n’entendrez plus parler de nous » et aujourd’hui l’Italie et la zone Euro iraient très bien. C’était mal les connaître. A la place de reconnaître ses erreurs, monsieur Draghi prit la décision de manipuler les taux courts et longs en faisant acheter par la BCE toutes les obligations de ces pays qui viendraient à se présenter sur les marchés, ce qui était formellement interdit par les Traités qui avaient été signés. Ce fut un échec économique total, comme en témoigne l’indice de la production industrielle Italienne (voir le premier graphique) qui est aujourd’hui plus bas qu’en 1986, ce qui veut dire que la dépression Italienne a été plus forte et plus longue que la grande dépression aux USA ! Mais un succès financier puisque les taux baissèrent …
Et, pour arriver à ce résultat, « ils » nous ont imposé, non seulement des faux prix de marché pour les taux de change (l’euro) mais aussi des faux prix de marché pour les taux d’intérêts qui, du coup, furent fixés à des niveaux qui ne permettaient plus aux banques de couvrir leurs risques lorsqu’elles prêtaient de l’argent à des sociétés industrielles ou commerciales, mais qui permettaient à l’Italie de ne pas voir son déficit budgétaire exploser à la hausse parce qu’elle serait retournée dans ce qu’il est convenu d’appeler une « trappe à dette », ce qui garantit sa faillite finale. Bien entendu, c’est là où elle est, à nouveau.
La trappe à dettes est une notion assez simple mise en lumière par Keynes dans les années 20. Dans un pays, si les taux d’intérêts sont supérieurs aux taux de croissance, (ligne rouge au-dessus de la ligne bleue dans le graphique du haut), alors la dette par rapport au PIB ne peut que monter (ligne jaune en bas, et la faillite du pays est inéluctable. Ce qui revient à dire que si j’emprunte à 3 % pour investir à 1 %, en général ça se termine mal.
L’Italie vient de rentrer dans sa troisième trappe à dettes depuis 1990 (deuxième station), et comme les taux d’intérêts cette fois-ci, sont déjà très bas, la solution a été de mutualiser la dette Italienne avec les autres pays européens, ce qui était une fois de plus formellement interdit par les traités et par la Constitution allemande, même si la Cour Constitutionnelle allemande qui doit se prononcer sur le fond, un de ces jours, ne paraît pas très pressée de rendre sa décision… Heureusement, un certain nombre de pays « économes » tels les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche… ne voient pas pourquoi ils devraient augmenter leurs impôts pour sortir les Italiens du trou et la bataille de la mutualisation est loin d’être terminée. Bref, ce n’est pas gagné pour Bruxelles.
Hélas, le mal est fait. Comme je l’ai déjà mentionné, maintenir des taux trop bas pour les prêts ne permet pas aux banques aux banques commerciales de couvrir leurs risques, et du coup, elles font des pertes, et comme elles font des pertes, leurs cours de bourse s’écroulent et c’est ce que le graphique suivant montre. La seule différence entre les banques suédoises et les banques de la zone euro est toute simple : La Suède ne fait pas partie de l’Euro, le peuple suédois ayant été consulté par référendum et l’ayant refusé. Du coup, taux de change et taux d’intérêts étant des prix de marché, les banques suédoises vont tres bien et l’investisseur Suédois a fait près de six fois sa mise depuis 2003 en les détenant, alors que le boursier de la zone euro a perdu 22% de son capital, dividendes réinvestis en détenant les valeurs bancaires, ce qui indique bien que les banques européennes ne valent plus rien (troisième station).
Mais comment la BCE réussit-elle à masquer le fait que les banques sont en faillite ? Par un tour de bonneteau simple et tout d’exécution et je crains que les lecteurs n’aient un grand moment de lassitude une fois que je leur aurai expliqué.
Le voici.
La BCE prête des milliers de milliards d’euro aux banques commerciales de la zone … à – 1% (vous avez bien lu, à moins un pour cent) avec la consigne, non écrite bien sûr, d’acheter des obligations Italiennes ou Espagnoles, qui rapportent environ du + 1%, ce qui garantit une marge gigantesque aux dites banques, sans qu’elles aient investi aucun capital, et empêche de surcroît les taux Italiens et Espagnols de monter.
C’est l’un des plus beaux cas de ce que j’appelle le « capitalisme de connivence » que j’ai vu dans ma carrière. En fait, le système bancaire européen a été purement et simplement nationalisé et détourné de son objet, les dépôts des clients servent uniquement à maintenir un système monétaire, l’Euro, qui aurait dû sauter depuis longtemps et plus du tout à financer les entreprises européennes.
La première conclusion de ce papier est donc simple. Grace à l’Euro, nous n’avons plus de prix de marché pour les taux d’intérêts, plus de prix de marché pour les taux de change, et plus de système bancaire concurrentiel puisqu’il a été transformé en une machine à financer des déficits budgétaires inimaginables (et donc le capitalisme ne peut pas fonctionner) et tout cela est déjà acquis.
Schumpeter disait que pour qu’une économie capitaliste fonctionne il fallait trois choses
- La sécurité juridique
- Des prix de marché
- Un système bancaire indépendant et convenablement contrôlé
Aucune des trois conditions n’est présente, me voilà donc rassuré.
Mais le pire est à venir, puisque ce système va maintenant détruire toute notre épargne longue, c’est-à-dire toutes nos compagnies d’assurances et tous nos fonds de retraite, selon un mécanisme que je vais maintenant décrire, mais qui ne s’est pas encore vraiment mis en route.
Vers la disparition de l’épargne longue (quatrieme station).
Dans nos pays existe une épargne longue > à 10 ans, et elle est gérée en majorité par des compagnies d’assurance et des caisses de retraite.
Pour couvrir leurs risques, ces gérants ont besoin de titres à duration longue >10 ans ou plus, émises par des entités ne présentant que peu de risque de faillite. En Europe, depuis les années 70, les Bunds à 10 ans ou plus (les obligations émises par la République Fédérale Allemande) étaient perçues comme le « placement sans risque » car ils offraient une rentabilité d’environ 3 % en termes réels sans aucun risque, c’est-à-dire qu’ils remplissaient leur fonction à la satisfaction générale.
Mais le lecteur sait que l’économie Italienne croit de 1 % par an, et encore… Si l’Italie devait payer 3 %, elle serait déclarée en faillite en une semaine. Il a donc fallu baisser les rendements sur les Bunds pour que l’Italie ne rentre pas dans une trappe a dettes (voir plus haut), à cause de l’Euro. Et les taux allemands à 10 ans, le cœur des placements de l’épargne longue en Europe, ont été abaissés manu militari à… -0.7 %, c’est-à-dire à près de -3 % en termes réels. Par exemple, celui qui achète un zéro coupon allemand aujourd’hui paiera 102 et sera remboursé dans 10 ans à 100 qui en vaudront 85 en pouvoir d’achat, c’est-à-dire qu’il est certainde perdre de l’argent dans les 10 ans qui viennent. A la place de gagner 40 % dans les 10 ans suivants comme en 1990, il va perdre au moins 20 % de son capital en termes réels dans les 10 ans qui viennent, et donc ne pourra payer ni retraites ni sinistres.
J’ai donc fait une petite simulation de la rentabilité de l’épargne longue en Europe dans le graphique ci-dessous, qui montre que dans les deux ans qui viennent la rentabilité de l’épargne longue va s’écrouler en Europe, et que compagnies d’assurance et caisses de retraites vont devoir être nationalisées vers 2027 au plus tard, comme l’ont été les banques mais pour une raison différente. Les banques ne peuvent plus gagner de l’argent en faisant de l’intermédiation du risque tandis que l’épargne longue ne peut plus intermédier le temps, qui n’a plus de valeur, à cause de l’Euro. Le résultat final sera le même : la faillite des caisses de retraite et des compagnies d’assurance suivra celle des banques, quelques années plus tard.
Conclusion : Vendez les actions des compagnies d’assurance, sortez des assurances vie et ne comptez pas trop sur votre retraite.
Et surtout, surtout, continuez à voter pour ceux qui ont inventé cette horreur. Comme le disait Einstein, « Compter sur ceux qui ont créé le problème pour le résoudre, est faire preuve d’une solide imbécillité «