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Y-a-t-il une cohérence cachée de la politique de Donald Trump?

par Edouard Husson 16 janvier 2025

Les observateurs sont désorientés. Un jour, Trump laisse déstabiliser des gouvernements européens par Elon Musk; un autre, il annonce sa volonté d’annexer des territoires sur le continent américain ou le jouxtant; et puis il tord le bras de Netanyahou, le forçant à un accord avec le Hamas, pour libérer les otages israéliens. Où est la cohérence? En fait, on ne la cherche pas où elle est. Il faut regarder vers la politique intérieure. C’est l’hypothèse que fait Alex Krainer dans un billet passionnant publié hier.

Et si nous n’avions pas compris la priorité de Donald Trump? Le président n°47 a aussi été le président n°45, celui qui a été en partie entravé par le groupe des globalistes et leurs relais dans tous les secteurs d’influence. Il semble qu’il ait décidé de donner la priorité à la politique intérieure.

Un entretien d’Alex Krainer avec Steve Bannon
Krainer, que je tiens pour l’un des meilleurs analystes des questions financières mondiales – du niveau d’un Bhadrakumar pour la diplomatie, raconte une histoire passionnante:

Hier soir, j’ai eu le privilège de participer à un appel Zoom avec Steve Bannon, ancien banquier d’affaires et dirigeant de médias, animateur de l’émission « War Room » et stratège politique en chef pendant les sept premiers mois du premier mandat de Donald Trump. La plupart des informations présentées par M. Bannon n’étaient pas surprenantes, mais ce qui semblait important, c’est qu’il a confirmé que M. Trump et son équipe passeraient à l’offensive dès le premier jour de leur mandat. « Les jours de tonnerre commencent lundi », a-t-il déclaré, et le monde ne sera plus jamais le même. Bannon ne parlait pas de l’offensive de Trump contre les Chinois, les Iraniens ou les Russes. Trump et son équipe se préparent à affronter le « ils ».

« Ils », pour reprendre les termes de Bannon, sont les personnes qui contrôlent l’empire le plus puissant du monde et, élections ou pas, démocratie ou pas, ils ne renonceront pas volontairement à leurs privilèges et au contrôle de leur empire : il y aura un combat. Dans quelques podcasts récents, j’ai discuté de ce que cela implique probablement, simplement sur la base de ce que la nature de cette lutte pour le pouvoir implique.

En effet, s’attaquer à la cabale impériale est un combat à mort. « Ils » sont vicieux, sans scrupules et extrêmement vindicatifs. Si Trump et son équipe échouent dans cette lutte, la cabale ne se contentera pas de vaincre Trump politiquement. Je crois qu’ils ne relâcheront pas leurs efforts jusqu’à ce qu’ils l’aient entièrement détruit, lui, sa fortune, ses collaborateurs et sa famille. (…)

Tout comme au Moyen-Orient, en Ukraine et ailleurs, ce à quoi nous allons assister est un autre front dans la lutte entre deux systèmes de gouvernance. En ce sens, les conflits géopolitiques mondiaux risquent d’être subordonnés à la guerre civile qui se prépare aux États-Unis et qui pourrait s’avérer être la bataille centrale de tout le conflit. Cette guerre civile pourrait ne pas ressembler aux guerres civiles du passé, avec de grandes armées s’affrontant dans les champs et des insurrections dans les villes. Au lieu de cela, nous assisterons probablement à un chaos, à des sabotages, à des assassinats et à du terrorisme aux États-Unis, mais aussi en Europe et au Royaume-Uni.

En somme, il semble que les jours de tonnerre commencent la semaine prochaine. C’est le moment d’être courageux. Peut-être que Trump et les gens qui l’entourent veulent simplement une plus grande part du gâteau et qu’il n’y a rien de plus que cela. Mais peut-être que la lutte est plus importante que cela. Steve Bannon a récemment passé quatre mois en prison – pas dans un country club, comme il l’a dit, mais dans une véritable prison. Trump a fait l’objet de deux tentatives d’assassinat, voire plus. La lutte est bien réelle.

Cependant, les adversaires de Trump sont en panique, selon Bannon. La plupart d’entre eux ne pensaient vraiment pas que Trump remporterait les élections en novembre dernier. Bannon a déclaré que Trump est un « instrument contondant » et que la cabale a subi un « traumatisme contondant ». Des centaines, voire des milliers de leurs sous-fifres, dont le Dr Anthony Fauci, se démènent pour obtenir la grâce de l’équipe Biden, même à titre préventif. Nous verrons bien – ce ne sera pas ennuyeux.
Tout devient cohérent
Lu dans cette perspective, le « deal » imposé à Netanyahou prend son sens! Trump ne veut pas être détourné de ses priorités de politique intérieure par la gestion d’un éternel affrontement à Gaza. De même, c’est pour cela qu’il essaiera de résoudre rapidement le conflit ukrainien. C’est pour cela aussi qu’il veut recentrer la politique étrangère sur le continent américain!

Bien entendu, il n’est pas sûr qu’il y arrive, pour deux raisons: les interactions extérieures sont complexes. Et puis, aussi, comme l’indique Krainer, il y a un lien intrinsèque entre les guerres du globalisme et la politique intérieure américaine.

Cependant, rappelons-nous une chose, Donald Trump a 78 ans; il pourrait éventuellement se représenter, au titre des deux mandats consécutifs, mais n’en aura pas la force physique. Il va donc livrer une bataille principale. Ce que Bannon dit à Krainer: c’est la bataille intérieure, qui pourrait être une guerre civile de fait, hybride. Mais il est essentiel de comprendre que c’est en fonction de cette bataille intérieure que seront prises les décisions de politique étrangère.