L’une des nouvelles de Stefan Zweig m’a profondément marqué. L’histoire se passe dans une ville de villégiature dans les montagnes Autrichiennes, en été, dans un petit hôtel. La température est étouffante et un orage gronde dans le lointain. Et Stefan Zweig nous décrit la réaction des clients et du personnel de l’hôtel à cette situation. La femme, écrasée sur son lit, éperdue d’angoisse. L’homme, s’emportant contre tout un chacun, le personnel devenant invisible, la nature immobile, les animaux silencieux. L’orage éclate, extraordinairement violent, et une fois passé, tout redevient normal, les choses reprennent leurs cours, les sourires renaissent et tout le monde de descendre dîner tranquillement…
Eh bien, comme les lecteurs le savent, depuis un petit moment, je trouve que l’air financier est en train de devenir quelque peu irrespirable, ce qui ne facilite pas la réflexion.
J’ai souvent utilisé une image pour décrire les crises financières, en les comparant à la pêche à la dynamite. Vous balancez un bâton de dynamite dans l’eau et vous observez le résultat. Remontent en premier les petits poissons, ventres en l’air. Viennent ensuite les thons et autres mérous, suivis par les dauphins et les cachalots Et enfin en dernier lieu, apparaissent les grandes et majestueuses baleines bleues, mais bien, bien plus tard.
En décidant, il y a à peu près un an, de contracter son bilan après des années d’expansion monétaire débridée, la banque centrale américaine a en fait décidé de pêcher à la dynamite.
Et déjà nous avons vu les crypto monnaies (les petits poissons) remonter à la surface. Depuis peu émergent les cachalots (Argentine, Turquie) et des rumeurs commencent à courir sur les baleines Italienne ou Brésilienne. Mais pour moi, la vraie baleine qui risque de remonter à la surface en détruisant tout son éco système dans les convulsions de son agonie, c’est bien entendu le système bancaire européen tiré vers le fond par la Deutsche Bank.
Que le lecteur veuille bien considérer le graphique suivant.
Petit rappel historique : 2012, opération de sauvetage de l’euro.
Les taux longs baissent fortement.
Les bourses remontent en Europe (ligne rouge), mais PAS LES BANQUES, qui continuent à se casser la figure avec beaucoup d’entrain. Et cette baisse des banques depuis le début de cette année semble s’accélérer.
Or si j’ai appris quelque chose tout au long de ma carrière c’est que quand les banques se cassent la figure, en général, cela veut dire que le reste va suivre. J’en tire comme conclusion que les efforts de monsieur Draghi sont en train d’échouer, ce que semblent confirmer les élections italiennes.
Et parmi toutes ces banques, qui semblent bien malades, l’une d’entre elles se détache très clairement, comme le montre notre deuxième graphique, l’immense banque allemande, la Deutsche Bank qui a un bilan très supérieur au PIB allemand, et qui a vraiment l’air très, très souffrante.
Je suis loin d’être un spécialiste de l’analyse financière des banques, mais depuis des années, j’entends dire que la Deutsche est devenue une espèce d’immense « hedge fund » et qu’elle porte en son bilan des positions absolument colossales en ‘’produits dérivés » que Warren Buffet a appelées « des armes de destruction massive ».
Et Lehmann Brothers et AIG me reviennent en mémoire…
- Je sais que les banques de la zone euro ont des prêts non performants à hauteur de 1000 milliards d’euro et que la situation pour toute une série de banques est pire que la situation qui prévalait en 2009 ou en 2012.
- Je sais que l’Italie pourrait décider de sortir de l’euro, ce qui entraînerait une débâcle de tout le système financier européen.
- Je sais que la Turquie ne va pas bien et que les banques qui ont prêté à ce pays risquent de prendre une claque de plus et que plusieurs d’entre elles ne pourront pas absorber cette claque.
- Je sais qu’il y a trop de banques en Europe et que ce secteur va être l’une des victimes des révolutions technologiques que nous connaissons.
- Et donc je comprends pourquoi l’indice des banques baisse.
- JE NE SAIS PAS POURQUOI la Deutsche Bank se casse la figure plus rapidement que tout le monde comme elle le fait depuis quelques mois et la seule explication possible est qu’il y aurait des horreurs sans nom dans son portefeuille de produits dérivés et que les pertes risquent d’être absolument gigantesques, ce qui forcerait l’Allemagne à la nationaliser …
- Or la nationalisation ou le soutien à une banque sont interdits par les traités européens… à la demande des Allemands.
Le billet de cette semaine sera donc particulièrement court.
Entre l’Italie, la Turquie et la Deutsche Bank, les éléments d’une crise financière majeure sont peut-être en train d’être réunis.
Surveillez le cours de la Deutsche et le cours du dollar/euro. La Deutsche a – peut-être – une position à découvert gigantesque sur le dollar, par l’intermédiaire de produits dérivés.
Ce qui expliquerait pourquoi le dollar monte…
Attachez vos ceintures.