En Polynésie française, la coutume est de séparer les hommes des arbres et les hommes des bateaux. Les hommes des arbres suivent les consignes de Georges Brassens « Auprès de mon arbre, je vivais heureux, je n’aurais jamais dû le quitter…, mon arbre » . Les hommes des bateaux, eux, coupent l’arbre sous lequel ils sont nés, en font une pirogue et vont voir si l’île d’à côté n’est pas plus belle et si l’herbe n’y est pas plus verte.
Il y a quelques années, j’avais émis l’hypothèse que nos systèmes politiques, scindés depuis la Révolution française entre la gauche et la droite, étaient en train de s’organiser autour d’une nouvelle césure, cette fois entre les hommes des arbres et les hommes des bateaux, les premiers enracinés dans leur patrie (l’endroit ou leurs pères sont enterrés ) et les seconds n’ayant pas de patrie mais étant citoyens du monde. Et cette constatation, m’amenait à prévoir la disparition des partis traditionnels, la gauche ayant trahi le Peuple et la droite la Nation, les instances dirigeantes des deux camps ayant rejoint le camp des hommes des bateaux et laissant de ce fait les hommes des arbres quelque peu désemparés, ce qui se voyait dans les taux d’abstention aux élections. Cette analyse a été largement corroborée par des faits tels que l’élection de Trump , le Brexit, l’émergence de partis de droite identitaires en Europe de l’Est, au Brésil , aux Philippines, tous ces mouvements étant plus ou moins hostiles à la « globalisation » et au libre-échange.
Au début de ma réflexion, j’ai appliqué ce nouveau concept à l’analyse de la situation politique à l’intérieur de chaque pays, pour essayer de comprendre comment les hommes des arbres allaient trouver la représentation politique que leur grand nombre méritait. Mais je me rends compte aujourd’hui que cela était très insuffisant : les hommes des arbres ont par nature une grande difficulté à créer des alliances entre eux, ce qui n’est pas le cas pour les hommes des bateaux, qui dès de départ, ont monté une série d’alliances internationale (ONG, organisations internationales, Cours de Justice extra territorialisées, traités internationaux capturant les souverainetés des peuples etc..), visant à leur permettre de garder le pouvoir dans chaque pays alors même que la majorité de la population avait bien envie de se débarrasser d’eux. Les prochaines élections françaises risquent d’en être un exemple parfait.
Quand je les appelais les « hommes de Davos », je ne savais pas à quel point j’avais raison tant tous ces hommes se sont reliés entre eux, trahissant de ce fait leurs concitoyens. Et mes hommes de Davos aujourd’hui, en Europe et aux USA, contrôlent à peu près complètement :
- Toutes les cours de Justice, aussi bien domestiques qu’internationales, à l’exception de la Cour Suprême aux USA (Merci Trump).
- Toutes les instances parlementaires , à l’exception des parlements Britanniques, Hongrois et Polonais.
- Tous les pouvoirs exécutifs, sauf pour les trois pays mentionnés plus haut, mais la Pologne et la Hongrie sont coincés par leur appartenance à l’Europe politique, complètement dans les mains des hommes des bateaux .
- Quasiment toutes les universités dans tous les pays d’Europe, du Canada et des USA.
- Et ces universités enseignent le rôle néfaste de l’homme blanc dans l’histoire, la globalisation heureuse avec Minc, le devoir d’ingérence avec BHL, la fin de l’histoire, avec Fukuyama, le gouvernement par les plus compétents avec Attali ( ce qui me fait rire aux éclats) ou que sais-je encore. Et il est très intéressant de constater que tous ces groupes ont comme matrice originelle les idées de Jean Monnet, qui haïssait la démocratie, la nation (c’est-à-dire les patries) et entendait créer un système de pouvoir technocratique, c’est-à-dire non élu, s’appuyant sur des Cours de Justice indépendantes des pouvoirs nationaux. Et chacun connaît les liens que Jean Monnet a eu avec les cercles de pouvoir aux USA pendant toute sa carrière.
Le monde que les gens de Davos espèrent et préparent est donc le suivant :
- Une alliance militaire (OTAN) sous le contrôle des USA, où le poids du FBI, de la CIA, des GAFA et du parti politique portant ce projet (le parti démocrate) se fait de plus en plus pesant.
- Un système non démocratique de gouvernance pour l’Europe, basé sur le pouvoir de la Commission monopolisant les pouvoirs exécutif et législatif, et visant à supprimer les souverainetés nationales grâce au pouvoir monétaire exercé par ceux qui contrôlent le dollar (extra territorialisation du droit américain pour le dollar, cf. la saisie des réserves de change russes) et la fin des indépendances monétaires nationales en Europe, grâce à l’Euro et à la prééminence des cours de justice internationales, indépendantes des nations.
- Dans le système économique, seront favorisées les sociétés « monopolistiques » qui embrassent le mieux le projet technocratique et millénariste de la classe dirigeante et tout sera fait pour empêcher l’émergence de concurrents.
- En ce qui concerne le système de production, l’intérêt supérieur de la Nation n’a plus cours, comme l’ont fort bien montré les exemples de Creusot-Loire et de l’EDF en France, ou la fermeture des centrales nucléaires en Allemagne.
- Dans le domaine social, l’homme seul, l’homo festivus de Philippe Murray, sera mis au centre de tout, ses volontés ou caprices ayant force de Loi pour tous les autres. S’opposer au projet aura donc vocation à être criminalisé.
- Dans le domaine du Logos , le langage sera surveillé et tous ceux qui refusent d’utiliser la « novlangue », seront repérés très facilement, excommuniés et souffriront d’une mort économique et sociale définitive.
A ce point du raisonnement , il me faut faire une remarque : cette société que l’on nous prépare est extraordinairement fragile, au sens de Nassim Taleb.
Une société anti-fragile est par nature capable d’assumer ses contradictions, ses disputes, ses désaccords, que, par le passé, on résolvait par des élections contradictoires, des cours de justice indépendantes , des changements de gouvernements, des changements d’élites… Les démocraties, les vraies, sont anti-fragiles.
Les technocraties, les dictatures sont extraordinairement fragiles. Il est donc certain que les structures de pouvoir du monstre que l’on nous prépare seront extraordinairement fragiles et s’écrouleront d’un seul coup, comme nous l’avons vu pour son avatar précèdent, l’Union -Soviétique. Et comme nous le savons tous, son effondrement viendra d’une envolée des prix de l’énergie. Mais en attendant, toute société non démocratique a besoin d’ennemis. Et l’ennemi choisi a été la Russie.
Pourquoi la Russie ? Je viens d’en indiquer la raison fondamentale dans la phrase précédente : l’énergie. C’est en Russie que se trouvent les ressources en matières premières dont le monde a besoin, et nulle part ailleurs.
Et, à ce point, il me faut faire une petite diversion.
En analysant les marchés avec Didier Darcet pour « gagner de l’argent sans travailler », phrase mythique de ma secrétaire Suisse d’il y a quarante ans, nous avons remarqué que dans chacun des grands marchés, il y avait à peu près 20 % des valeurs qui ne réagissent que très peu aux influences habituelles, et il s’agissait des valeurs énergétiques.
Ce secteur avait un cycle à 15-20 ans et les trois quarts du temps environ, il sous-performait massivement les autres valeurs. Mais dans le quart du temps restant, ces valeurs cartonnaient comme des folles, ce qui faisait que sur un cycle de 20 ans, elles faisaient aussi bien que les autres. Notre conclusion fût donc qu’il ne fallait pas avoir de valeurs énergétiques dans le portefeuille les trois quarts du temps, et que dans le dernier quart, il ne fallait avoir que ça. Et, d’après nos calculs , nous sommes rentrés dans ce dernier quart il y a deux ans environ.
Si nous avons repéré ça avec Didier, je suis bien certain que la CIA aussi est consciente de cette réalité. Et donc, la CIA sait que la puissance financière de la Russie va exploser dans les vingt ans qui viennent et que les USA vont se retrouver pour la première fois avec en face d’eux une puissance qui sera à la fois énergétique, financière et technologique et qu’il faut tout faire pour que cette puissance s’effondre avant qu’elle ne gagne ce surcroît de pouvoir.
Il fallait donc organiser toutes affaires cessantes une mise au ban des nations de la Russie, et c’est ce que la CIA organise depuis 2014 et le coup d’état dit de Maidan, renversant un Président Ukrainien parfaitement élu mais favorable à la Russie, pour le remplacer par des élus favorables aux USA, le but étant que le problème Ukrainien empêche la Russie de se développer. Mais c’est là que le bât blesse. Il est trop tard, le pétrole a commencé à monter. Nous sommes entrés, comme je viens de le dire et comme je ne cesse de l’écrire depuis deux ans, dans une période de pénurie d’énergies fossiles, le prix du baril a été multiplié par quatre depuis deux ans, et ce n’est pas fini.
La Russie couvre hier environ 30 % des besoins énergétiques de l’Europe. Comme les Russes ne peuvent plus vendre à l’Europe, il va falloir qu’ils vendent ce pétrole à quelqu’un d’autre et pour cela, ils vont offrir des décotes à leurs nouveaux clients, tels que la Chine ou l’Inde et offrir que le paiement ait lieu dans la monnaie de ces clients.
Pendant ce temps, l’Europe , elle, devra payer des surcoûts pour son énergie, et ces surcoûts seront en dollars US. Ce qui veut dire en termes clairs que l’Europe va voir sa compétitivité s’effondrer vis-à-vis de la Chine et de l’Inde, puisque le coût de l’énergie pour ces deux pays sera très inférieur au coût de la même énergie pour l’Europe. Et donc, la base industrielle de l’Europe va être décimée, en commençant par l’industrie allemande qui, en plus, a pris la sage décision de sortir des moteurs à explosion ou ils étaient les meilleurs au monde pour passer au moteur électrique, où ils ont dix ans de retard sur les Chinois ou les Japonais.
Allons un peu plus loin, et cherchons quels sont les pays qui ont condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La réponse est bien entendu, tous.
Deuxième question : Parmi tous ces pays vertueux, quels sont ceux qui ont pris de mesures d’embargo vis-à-vis de la Russie ? La réponse est : aucun , si ce n’est les pays qui sont dans l’OTAN ou dans l’Europe.
- La Chine est très occupée à botter en touche et aimerait bien qu’on parle d’autre chose tout en achetant le pétrole et le gaz russe et en le payant en Yuan.
- L’inde est en train de négocier avec la Russie pour pouvoir payer son pétrole en roupie et de ce fait, ne plus avoir de déficit des comptes courants causés par ses importations d’énergie.
- Le Brésil vient de demander aux autorités russes de les aider à bâtir des sous-marins nucléaires.
- L’Arabie Saoudite aurait offert aux chinois la possibilité de payer leurs importations de pétrole (ils sont les plus gros acheteurs de pétrole Saoudien) en… yuan, ce qui veut dire que les Saoudiens craignent de se faire confisquer leurs réserves de change s’ils venaient à déplaire à l’oncle Sam et ils ont bien raison.
- Les Turcs, qui étaient dans une situation impossible à cause des folies économiques d’Erdogan se voient comme les grands gagnants de cette crise, et ce d’autant plus que les USA essaient de faire la paix avec les Iraniens. Au cas où ils y arriveraient , qui va en bénéficier, si ce n’est les entreprises industrielles et de travaux publics Turcs qui seront très contentes de rebâtir le potentiel pétrolier de l’Iran, en échange de pétrole bon marché ?
- Si les Iraniens deviennent fréquentables, on voit mal au nom de quoi les troupes américaines qui sont en Syrie occupant la partie produisant du pétrole de ce malheureux pays, devraient y rester. Faire partir les troupes américaines de Syrie va être le prochain objectif des Russes qui, après tout, ont sauvé le régime des Assad lorsqu’il était attaqué par les forces alliées des USA.
- La Russie qui avait des rapports spéciaux avec l’Iran et avec la Syrie, si elle se rapproche de la Turquie, va contrôler militairement tout le proche orient à partir des ports de Sébastopol (en Crimée) et de Tartous (en Syrie chez les Alaouites).
- Voilà qui va enthousiasmer Israël, dont le premier ministre vient de se rendre, non pas aux USA, mais en Russie, sans doute pour discuter de la pluie et du beau temps.
- Tous ceux qui n’ont pas de troupes américaines sur leur territoire vont cesser de garder leurs réserves de change en dollar, puisque la Russie vendra son pétrole en monnaie locale à tous ceux qui voudront l’acheter. Plus besoin de garder l’équivalent des achats d’un an de pétrole en dollars en réserves de changes. Mais où vont aller les dollars ainsi libérés ? Ils vont retourner aux USA, où l’inflation va faire rage.
- Achetez les monnaies, les actions et les marchés obligataires de tous les pays qui avaient une contrainte du commerce extérieur à cause des achats de pétrole en dollars, le premier étant l’Inde, le deuxième la Chine, le troisième l’Indonésie et le quatrième les Philippines. Achetez de l’or, achetez des valeurs pétrolières, elles ont de beaux jours devant elles.
Conclusion.
La guerre contre la Russie va faire basculer encore plus vite que ce à quoi je m’attendais le centre de gravité économique du monde vers l’Asie, et la principale victime de ce mouvement sera l’Europe. Je songe à l’effondrement de Venise après la découverte de l’Amérique, le pouvoir économique passant en quelques décennies de Venise à Amsterdam. L’Europe ne s’est pas tiré une balle dans le pied, mais dans la tête. Voici ce qui arrive quand on fait le choix stratégique de ne plus avoir d’armée.