par Edouard Husson 11 février 2025
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L’arrivée de Donald Trump au pouvoir n’a pas produit, pour l’instant, une remise en cause des points de vue défendus par le « mainstream » sur l’Ukraine ni sur Gaza. Au contraire, le délai mis aux négociations sur l’Ukraine fait qu’on nous inflige les mêmes sornettes que nous avons dû subir depuis trois ans sur la Guerre d’Ukraine, ses motivations, son déroulement. Quant au plan de Donald Trump « Making Gaza Beautiful Again », il libère visiblement les pulsions barbares…En réalité, dans le cas de l’Ukraine comme dans celui du conflit israélo-palestinien, cela fait 80 ans que l’Occident est agressif et de mauvaise foi.
Nathan J. Robinson, le rédacteur en chef de Current Affairs, fait remarquer que les commentateurs qui adhèrent au plan de Donald Trump ne se rendent pas compte de la parenté de leurs déclarations avec d’autres, faites dans les années 1930. Ainsi prend-il l’exemple d’un post qui recommande d’envoyer tous les Palestiniens sur l’île de Scotra au sud de la péninsule arabique et rappelle, à juste titre, que dans les années 1930, on parlait d’envoyer les Juifs d’Europe à Madagascar, une idée explorée par les nazis entre juin et novembre 1940.
« Plus jamais! » qu’ils disaient, après 1945
La mémoire du judéocide – le massacre de plus de 6 millions de Juifs européens par les nazis entre 1933 et 1945 – et les horreurs de la guerre germano-soviétique avaient conduit à un engagement des vainqueurs de 1945: « Plus jamais! ».
Il n’a pas fallu 80 ans pour que des chars allemands roulent à nouveau dans les plaines d’Ukraine pour épauler un gouvernement ukrainien soutenu par des néonazis. Avec 700 000 soldats ukrainiens et 100 000 Russes tués au combat dans une guerre fratricide, voulue et financée par Washington, Londres, Berlin, Paris, guerre entre pays vainqueurs du nazisme.
Il n’a pas fallu 80 ans pour que l’Occident (USA, Grande-Bretagne, Allemagne, France donnent à Israël, durant 15 mois, les moyens militaires, logistiques et financiers d’un génocide à Gaza. A vrai dire, le mal est ancien.
C’est l’Occident qui est à l’origine de la Guerre Froide
La Guerre Froide à été lancée par les Etars-Unis dès 1946-47, contre une URSS exsangue, qui avait perdu 13 millions de soldats et 14 millions de civils.
Hitler avait tué plus de Soviétiques que la Première Guerre mondiale, la guerre civile russe et le communisme soviétique de 1922 à 1991!
Pour avoir travaillé depuis des années sur l’histoire de la Guerre froide, j’en suis arrivé à la conclusion que l’Occident s’y est toujours donné le beau rôle, alors qu’il a régulièrement refusé les propositions de paix européenne durable de l’URSS (1945, 1952, 1955, 1964, 1975).
Avec le temps, pratiquant assidument l’histoire de la République Fédérale d’Allemagne, j’ai compris que l’école d’historiens américains qui a mis en cause le consensus des années 1950 sur le déclenchement de la Guerre froide par Staline (William Appelman Williams, Gabriel Kolko, Arno Mayer….) avait raison. Je les trouve même un peu timides quelquefois….; mais il est bien connu qu’en politique étrangère je suis un gaulliste de gauche voire d’extrême gauche!
Quand les Américains ont fini par accepter les propositions de Gorbatchev, cela a été pour négocier de mauvaise foi et humilier ou exploiter les peuples qui avaient vaincu militairement le nazisme quasiment à eux seuls.
L’Occident et Israël: entre mauvaise conscience de la Shoah et laissez-faire coupable
Le parallèle avec ce qui se passe en Palestine depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale est frappant. Non seulement l’Occident a cru pouvoir se débarrasser de sa mauvaise conscience et s’exonérer de toute responsabilité dans le judéocide en soutenant la création d’Israël ; mais les dirigeants occidentaux successifs ont en fait perpétué leurs erreurs tragiques en laissant un Etat d’Israël s’installer en Terre Sainte sans jamais respecter le droit international exprimé dans les résolutions successives de l’ONU.
La situation a dégénéré avec les années: de la Nakba de 1948 au génocide de 2023-2025, l’histoire du peuple palestinien est le miroir tragique des erreurs occidentales au Proche-Orient.
Pensons aussi aux souffrances des Libanais, des Syriens, des Irakiens, des Libyens, des Iraniens, des Yéménites, au fur et à mesure que s’est étendue l’onde de choc du conflit israélo-palestinien.
En France, seuls les derniers héritiers de Jaurès restent lucides sur l’Ukraine et Israël
Alors que nous allons commémorer le 80 ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’hypocrisie occidentale est définitivement démasquée. Il n’y aura rien à fêter, à vrai dire, du côté occidental. Il vaudrait mieux profiter du 8 mai 1945 pour un examen de conscience.
Je pense aussi à ma pauvre France, désertée quasi-complètement par la pensée politique. A droite, un national-atlantisme, grotesque par son islamophobie et son arabophobie devenues pavloviennes, se livre à une danse de zombies avec ce qui reste d’européisme, et toute sa bonne conscience sénile, qui regarde sans émotion les crimes de l’Occident.
Alors que le gaullisme a disparu à droite, il reste un peu de l’héritage de Jaurès à gauche. La gauche de la gauche est restée mesurée sur le conflit ukrainien et elle fait preuve de courage pour défendre les Palestiniens. C’est fragile mais mérite d’être salué.
La prise de conscience de nos impasses françaises, européennes, occidentales, pourrait être le début d’un renouveau politique.
