Par Philippe Fabry
Donald Trump rencontrera Vladimir Poutine le 16 juillet prochain. Depuis que cela a été annoncé, le discours sur la « collusion » entre le président américain et/ou son entourage et les services russes, a repris du poil de la bête, et en particulier le laius très présent dans les médias selon lequel, durant sa première année de mandat, l’attitude assez hostile de Trump envers la Russie de Poutine servait à « donner des gages » et à réfuter les accusations de collusion. Trump, à présent, retournerait à une authentique sympathie poutinienne.
Si ce premier sommet officiel angoisse particulièrement nos commentateurs, c’est notamment en raison des dernières déclarations fracassantes de Donald Trump au G7, qui a expliqué que la Russie pourrait être réintégrée. Cela a été l’occasion de déblatérer à loisir sur « l’abandon » de l’Europe par les Etats-Unis, qui demeurent pourtant les seuls à déployer une brigade blindée en Pologne pendant que l’Allemagne d’Angela Merkel refuse toujours obstinément de gonflier son budget militaire pour satisfaire aux exigences de l’OTAN, ce que Trump ne cesse de lui demander depuis son arrivée à la Maison-Blanche.
Or donc, il faut analyser cette attitude de Trump vis-à-vis de la Russie : est-ce effectivement un retour à sa sympathie profonde pour le régime de Vladimir Poutine, ou est-ce autre chose ?
Sur la réponse à la première question, je maintiens un « non » définitif, qui est ma réponse constante depuis la campagne. Une simple lecture non biaisée des propos de Trump montre qu’il n’a aucune sympathie particulière pour Poutine, et par ailleurs l’enquête sur la « collusion » n’a toujours rien donné : la théorie des « gages » n’explique donc nullement la politique trumpienne de la première année de mandat, qui était une politique d’hostilité froide – à laquelle le président américain ne tourne pas le dos, car la « Space Force » dont il a demandé la création s’inscrit précisément dans le prolongement d’efforts américains quasi constants depuis des décennies, et toujours avec la Russie en ligne de mire. C’est dans le même mouvement que s’inscrivait jadis l’Initiative de Défense Stratégique de Reagan, la fameuse « guerre des étoiles ».
D’où vient alors cette attitude envers la Russie de Poutine ?
Son premier intérêt, bien sûr, est de produire une pression sur les Européens, et donc un levier de négociation. Vu la mauvaise volonté européenne, et spécifiquement allemande, dans le respect des obligations de l’OTAN, un an après que Trump en ait rappelé la nécessité et en des termes non équivoques, on ne peut pas lui reprocher, sans hypocrisie, de se livrer à une sorte de chantage. Faire la démonstration de « l’Amérique pourrait très bien s’entendre avec la Russie, même de Poutine, et vous laisser vous débrouiller » peut être plus convaincant que des demandes réitérées à l’Allemagne de payer sa part. C’est également un moyen de sanctionner les Européens pour leur totale absence de soutien, ou leur soumission de très mauvaise grâce, dans l’affaire de la rupture de l’accord iranien – laquelle commence à ressembler à un coup très réussi, vu la contestation que les difficultés économiques conséquences de cette rupture fait apparaître dans les rues.
Mais surtout, la nouvelle posture vis-à-vis de la Russie est à considérer, me semble-t-il, en regard de la guerre commerciale que Washington a lancé, dans le même temps, contre la Chine.
En matière de politique étrangère, disais-je il y a deux ans, la bataille entre Hillary Clinton et Donald Trump était celle de deux postures : Russia first et China first. Donald Trump porte aujourd’hui la posture sur laquelle il a été élu : le danger stratégique prioritaire pour les Etats-Unis est la Chine, et toutes les autres considérations doivent passer au second plan. Et le premier coup stratégique que veut porter Trump à la Chine, c’est d’en détacher la Russie de Poutine, de la ramener à la table de l’Occident. De la même manière que, durant ses deux mandats, Obama a cherché à détacher l’Iran de la Russie, notamment par cet accord nucléaire. Les gens qui, aujourd’hui, accusent Trump de sympathie, sinon de collusion, avec Poutine ne se moquaient-ils pas, hier de ceux qui accusaient Obama de sympathie, voire de collusion avec les mollahs ? Dans les deux cas, les considérations sont fausses.
Mais on se souviendra, aussi, que la manoeuvre d’Obama a échoué. La manoeuvre de Trump, je le crains, échouera de la même manière, car ce que Poutine veut, ce n’est pas de bonnes relations avec les Etats-Unis, c’est dominer l’Europe.
Source image : http://www.rfi.fr/europe/20180420-moscou-possible-rencontre-poutine-trump