Publié le

TRUMP : America is back (la vraie, pas l’idéale)

Par Philippe Fabry.

Nous y sommes, un peu plus tôt qu’on pouvait s’y attendre : Ted Cruz a jeté l’éponge après sa défaite dans l’Indiana, et l’on ne voit pas, désormais, ce qui pourrait arrêter Donald Trump qui réussira à s’imposer comme le candidat du Part Républicain.

Il y a plus d’un an, je rédigeai et publiai sur ce blog un article titré « America will be back« , dans lequel je prévoyais, vue l’évolution en cours de la mentalité populaire américaine illustrée par un petit parallèle cinématographique, un retour de la fierté nationale américaine dont je supposais qu’elle s’incarnerait dans un « nouveau Reagan », savoir un candidat non-conventionnel, raillé et craint par l’establishment en raison de ses propositions radicales mais qui emporterait l’adhésion du peuple en dépit des ricanements et manigances des élites.

A l’époque, la course à l’investiture du parti républicain n’avait pas encore démarré et j’envisageais avec enthousiasme la possibilité que Rand Paul, qui fut l’un des premiers à se déclarer candidat, puisse être ce « nouveau Reagan ». Malheureusement, cette candidature de celui qui était proche d’incarner, pour moi et d’autres, l’Amérique « idéale » a fait long feu.

Il faut dire que ce qui portait en grande partie cet espoir, c’était de voir la montée régulière de Ron Paul dans les précédentes courses à l’investitures, et l’idée de voir Rand atteindre le palier supérieur. Or, nous avons assisté à une dégringolade, dont l’explication a été donnée par Benoît Malbranque : jusque-là, Ron Paul était non seulement les candidats des libéraux, mais aussi et surtout (pour les trois quarts de son électorat aux primaires) des « anti-système ».

Mais avec l’arrivée dans le jeu de Donald Trump, cet électorat anti-système a totalement échappé à Rand Paul, et le candidat anti-système de cette primaire a été »The Donald ».

Et dans ce rôle, il a réussi ce qu’il était destiné à réussir, vue la nouvelle configuration politique du peuple américain : s’imposer en dépit de toutes les manoeuvres des élites républicaines comme le candidat du parti, en tenant un discours radical, anticonformiste, souvent jugé clownesque, exagéré, voire idiot, mais qui a massivement séduit un électorat lassé du politiquement correct, de la repentance et du compromis : « we can’t be the stupid country anymore » a-t-il l’habitude de clamer, et il semble qu’une importante part du peuple américain soit séduit par ce discours.

Evidemment, et quoiqu’il soit difficile de savoir ce qui relève de la manoeuvre politicienne, Trump ayant manifestement compris ce qu’il fallait dire pour emporter l’adhésion populaire, et ce qui relève de véritables « convitctions » ou intentions de transformer le discours en actes, Donald Trump n’est certainement pas le candidat idéal pour ceux dont la liberté sous toute ses formes, et la préservation de la Constitution américaine, sont les préoccupations fondamentales ; mais il est bien le candidat de l’Amérique réelle, qui à travers lui est de retour.

Et en effet, force est de reconnaître que de nombreux travers que les conservatives américains lui reprochent, afin de le désigner comme RINO (Republican In Name Only, faux républicain), tout comme ses traits de comportement et ses positions dénoncés par les centristes, les démocrates et les médias, font plutôt partie d’une certaine tradition républicaine que l’on trouve chez certains de ses plus brillants représentants.

Ainsi reproche-t-on à Trump d’avoir jadis soutenu les Démocrates, mais c’est oublier que Reagan lui-même fut initialement démocrate.

Ainsi reproche-t-on à Trump son « extrémisme » en matière d’immigration mexicaine comme musulmane, mais c’est oublier que ses positions sur l’immigration hispanique rejoignent celles de Ronald Reagan, qui insistait sur le fait que l’immigration devait être légale pour être saine, comme le fait que les Etats-Unis ont déjà, dans leur histoire, interdit purement et simplement l’immigration de certaines origines : se souvenir du Chinese Exclusion Act qui interdisait purement et simplement l’immigration chinoise à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Celui qui fut par ailleurs l’un des plus grands présidents des Etats-Unis, Théodore Roosevelt, renouvela cette loi et ajouta même, en 1907, l’interdiction d’immigrer pour les Japonais.

Un sacré personnage que Théodore Roosevelt, dont la tête est sculptée dans le Mont Rushmore au côté de Washington, Jefferson et Lincoln, et dont on retient des citations à côté desquelles les sorties les plus exubérantes de Donald Trump paraissent des remarques mesurées :

« Les criminels devraient être stérilisés et il devrait être interdit aux personnes faibles d’esprit d’avoir des descendants »

« Je n’irais pas jusqu’à penser que les seuls bons Amérindiens sont les Indiens morts, mais je crois que c’est valable pour les neuf dixièmes et je ne souhaite pas trop me soucier du dixième »

Et enfin cette citation qui semble faite pour définir la réussite de Trump dans la campagne des primaires : « Le politicien qui réussit le mieux est celui qui dit le plus souvent et de la voix la plus forte ce que tout le monde pense. »

D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de comparer, Donald Trump me semblerait plus enclin à être un nouveau Teddy Roosevelt que Ronald Reagan : Roosevelt était lui-même assez protectionniste, partisan d’un Etat fort, ennemi des grands groupes industriels et porteur de préoccupations sociales.

Enfin, sur la question de l’isolationnisme, nombre de gens soucieux de voir les Etats-Unis se replier sur eux-mêmes et laisser le monde à son triste sort, notamment en laissant l’Europe être la proie de Vladimir Poutine, et prêts à préférer Hillary Clinton à Trump à ce seul motif, oublient qu’en 2000 Georges W. Bush tenait exactement le même discours que Trump lorsqu’il dit aujourd’hui que les pays d’Europe devraient payer pour leur propre défense et qu’il faut se désengager d’ici ou là.

Il suffit de se souvenir de ce qu’il advint après le 11 septembre 2001 en Afghanistan et en Irak pour comprendre que Trump, qui développe le même discours que Georges W. Bush, ne laissera pas tomber l’Europe en cas d’agression russe.

Trumpist

D’autant plus que, dans les semaines et les mois qui viennent, l’on verra vraisemblablement le discours de Donald Trump devenir beaucoup plus policé, comme il convient à tout candidat qui a usé d’un discours radical pour remporter les primaires, où ne votent que les passionnés de politique. Aussi bien l’hommage appuyé à Ted Cruz, au lendemain de son abandon, et après des échanges assez orduriers, s’inscrivent d’ailleurs dans cette tendance très américaine à s’écharper lors des primaires avant d’agir pour le rassemblement (souvenons-nous qu’en 2008 Hillary Clinton avait lancé « Shame on you, Barack Obama« ).

Donald Trump incarne donc bien le retour de l’Amérique. Ce n’est pas l’Amérique idéale, mais c’est l’Amérique réelle.