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Si vous avez aimé la crise des retraites, vous allez adorer celle des assurances vie.

13 janvier 2020

Charles Gave

Les Français, n’ayant guère confiance dans la capacité du personnel politique à réfléchir à long terme, se doutent depuis bien longtemps que l’État sera tout à fait incapable de leur servir les retraites promises, et donc, en bonnes petites fourmis qu’ils sont, ont pris la décision depuis bien longtemps de se mettre à épargner autant qu’ils le pouvaient pour s’assurer de vieux jours pas trop calamiteux. Le problème est que l’État, bien conscient de cette demande sous-jacente créée par sa propre incompétence, leur a offert un produit accompagné d’avantages fiscaux considérables pour que ces mêmes Français lui confient leur épargne qui a été de ce fait investie en obligations de l’État français, communément appelées OAT, au travers d’un système très avantageux fiscalement appelé « l’assurance-vie ».

Comme je l’ai souvent écrit dans le passé, épargner parce que l’État français ne sera pas capable de payer les retraites qu’il a promises me semble être une bonne, une très bonne idée. Mais par contre, confier cette épargne à celui dont on veut se protéger d’une inéluctable faillite me paraît être complètement stupide.

Aussi, depuis des années, je dis aux lecteurs de sortir de ce piège à rats aussi vite qu’ils le peuvent, mais il n’en a rien été jusqu’à maintenant (ce qui montre que je suis lu par trop peu de personnes), puisque les encours de ce produit à ce jour se montent à environ 1700 milliards d’euros, ce qui est gigantesque.

Comme je l’ai déjà indiqué, cet argent est investi dans les obligations de l’État français et pour être honnête intellectuellement, depuis sa création, il a plutôt bien fonctionné rapportant entre 4 % et 6 % par an, libres d’impôts. Mais hélas, tout à une fin.

Depuis cinq ans (je fais le calcul en me basant sur la rentabilité totale (coupon + gain en capital dû à la baisse des taux), cette rentabilité est tombée à 1. 6 % par an en moyenne, ce qui couvre à peine l’inflation. Voilà qui n’est guère satisfaisant, mais les choses vont devenir pires, bien pires.

J’essaie de ne jamais faire de prévisions, mais là je vais être obligé de me lancer. Aujourd’hui l’OAT à dix ans a un rendement de…0 % et depuis cinq ans, pour « sauver » l’euro, la BCE en achetant à tour de bras des obligations a fait passer les rendements de l’OAT de 2 % a 3 %, où ils étaient, à 0 % voire à -0,4 % pendant l’été 2019. Comment voulez-vous que votre contrat d’assurance vie investi en obligations de l’état vous rapporte quoique ce soit si les taux sont à zéro ?

Et donc voici ma prévision : quand le stock d’obligations achetées il y a six ou sept ans à l’époque où les taux étaient encore normaux sera épuisé, je suis absolument CERTAIN que la VALEUR de vos actifs dans votre assurance-vie va baisser chaque année au moins du montant des frais de gestion et d’administration supportés par votre contrat…

Explication

Comme je l’ai souvent écrit des taux d’intérêt à zéro ou encore pire, négatifs sont une incongruité économique sans précédent historique, puisque, comme je l’ai expliqué aussi dans le passé, les taux d’intérêt servent à compenser l’épargnant contre l’incertitude du futur. Et donc, logiquement, des taux négatifs ou nuls signifient que le futur est plus certain que le présent, ce qui ne peut pas être. Et comme je ne cessé de faire remarquer, ces taux ont été imposés par la BCE pour « sauver » le soldat euro d’une implosion économique de l’Italie, voire de la France ou de l’Espagne et le coût de cette manœuvre imbécile devait être porté par …l’épargnant européen en général et français en particulier.

Nous y sommes. Mais il y a pire, bien pire…

Un système capitaliste ne peut fonctionner QUE si le CAPITAL a un prix de marché, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui en Europe et donc rien ne marche puisque nous nous retrouvons en Union- Soviétique Il va donc falloir qu’un jour, inévitablement, les taux d’intérêt remontent.

Et donc, je me suis posé une question qui devrait intéresser les lecteurs : quelle sera la BAISSE de la valeur de leur assurance vie si les taux d’intérêt dans les dix ans qui viennent remontent de 0 % à 1 %, ou de 0 % à 2 %, ou à 3 % ou à 4 % ou à 5 %… Pour arriver à un résultat significatif, je commence le calcul de la valeur d’un portefeuille théorique investi dans une OAT à duration constante à 10 ans (terme barbare qui veut dire que l’investisseur est investi tout le temps dans une obligation à 10 ans), en janvier 2010, il y a 10 ans et je le termine le calcul en janvier 2020, dans 10 ans.

Celui qui aurait mis 63 euros dans une assurance vie en janvier 2010 aurait aujourd’hui 100 euros si son contrat avait suivi le parcours d’une OAT à 10 ans à duration constante. Comme les taux sont passés dans les dix dernières années de 3. 5 % à 0 %, voilà qui a permis des gains en capital importants compensant la baisse des rendements (de 3,5 % à 0 %). La valeur des actifs dans une telle assurance-vie aura donc monté de 59 %, ce qui est très bien.  Remarquons que dans ces calculs, je ne prends pas en compte les frais de gestion ou d’administration.

Venons-en aux dix ans qui viennent et faisons l’hypothèse que les taux d’intérêt ne PEUVENT plus baisser puisqu’ils sont déjà à zéro et posons-nous la question : que va-t-il se passer ? Voici la réponse :

Dans les cas le PLUS FAVORABLE, notre investisseur est CERTAIN de voir son portefeuille[CG1] rester   à 100 si les taux restent à zéro, dont il faudra déduire chaque année les frais de gestion, ce qui l’amènera à 95 et, dans le cas le plus défavorable où les taux se retrouveraient à 5 %, le portefeuille baisserait de 15 % en valeur et si je rajoute les frais il se retrouvera à 20 % de baisse en dix ans. Et donc, dans le meilleur des cas, il perd 5 % sur les 10 ans qui viennent, et dans le pire, il perd 20 %. EN CINQUANTE ANS DE CARRIÈRE, C’EST LA PREMIÈRE FOIS QUE JE ME TROUVE DEVANT UN INVESTISSEMENT OU JE SUIS CERTAIN DE PERDRE.

Voilà qui est étrange… Et cette réalité va avoir des conséquences importantes sur l’économie. Je m’explique.

Comme je l’ai mentionné déjà, les encours de l’assurance vie en France se montent à 1700 milliards d’euros. Sur les 10 dernières années, admettons que la moyenne des encours ait été de 1500 milliards sur lesquels les épargnants « touchaient » mettons 4 %. Ces 4 %, c’est-à-dire (1500* 4) /100 soit 60 milliards d’euros se retrouvaient d’une façon ou d’une autre dans le pouvoir d’achat des Français et donc dans la consommation.

C’est fini. Cette rente va disparaître et elle n’est pas près de revenir.

Dans les dix ans qui viennent, le pouvoir d’achat des détenteurs d’assurance vie va donc inéluctablement baisser d’un chiffre compris entre 60 milliards et 85 milliards, car il faut ajouter à cette disparition de la rente la perte en capital qui ne va pas manquer de se produire et que l’on peut chiffrer entre cinq et 25 milliards d’euros.

En pratique, les taux à zéro ou négatifs ne sont donc rien d’autre qu’une immense augmentation des impôts sur le secteur privé et l’épargne de la classe moyenne, rendue inévitable à cause de l’euro. Et quand je pense que les retraités français sont les plus opposés à une sortie de l’euro, je ne peux m’empêcher d’être atterré par tant d’inculture économique. Et comme toute augmentation des impôts sur l’épargne a toujours et partout été suivie d’une récession, je suis à peu près certain que le déficit budgétaire français va exploser dans les années qui viennent dès que la récession, créée par les taux zéro arrivera et que donc l’offre d’obligations françaises va beaucoup, beaucoup augmenter.

Continuons à dérouler le raisonnement.

Devant un tel état de fait, il me paraît tout à fait évident que les détenteurs d’assurance vie vont vouloir changer de placements pour sortir de cette nasse où ils ne peuvent que perdre. Ils vont donc vouloir VENDRE leurs obligations. Voilà une très bonne idée, qui appelle une question cependant. À QUI vont-ils les vendre ? Une partie sera sans doute achetée par la BCE, mais le reste ? Que le lecteur ne se fasse aucun souci : le gouvernement a déjà tout prévu tant il est vrai que gouverner c’est prévoir ! Dans le cas où il n’y aurait plus d’acheteur pour les obligations françaises, une loi déjà passée depuis un grand moment dispose que les conditions qui permettent le remboursement de l’assurance-vie à tout moment ne s’appliqueront plus.

En termes simples, les détenteurs d’assurance-vie n’auront plus accès à leur capital jusqu’à ce que les marchés reviennent à l’équilibre (Inutile de préciser : à  un cours beaucoup plus bas), ce qui revient à dire que leur capital sera purement et simplement nationalisé sans qu’aucune compensation ait lieu. Voilà qui me paraît à peu près certain aujourd’hui.

Conclusion

Je connais bien l’un des meilleurs gérants de fonds britanniques, dont je tairai le nom ici, qui dit toujours que quand une panique se profile à l’horizon, il vaut mieux être le premier à paniquer que le deuxième.

  • Mon premier conseil est donc, si vous avez une assurance vie, c’est maintenant qu’il faut paniquer. Demain il sera peut-être trop tard.
  • Mon deuxième conseil est : si vous avez des amis ou de la famille qui ont des assurances vie, faites-leur suivre ce papier. Ils vous en seront peut-être reconnaissants, quoique Sacha Guitry ait eu l’habitude de dire « je ne sais pas pourquoi ce jeune homme m’en veut, je ne lui ai jamais rendu service ».
  • Mon troisième conseil : si vous avez des actions, n’oubliez pas ce que je ne cesse d’écrire depuis longtemps : n’ayez RIEN qui touche de près ou de loin au système financier ou qui dépende de l’état et de ses commandes.
  • N’oubliez pas aussi qu’un dépôt dans une banque est un PRÊT que vous avez consenti à cette banque et que prêter de l’argent aux banques en ce moment n’est pas une très bonne idée puisqu’elles aussi sont bourrées d’obligations d’état.
  • Et pour ceux qui sont à un âge où ils doivent rester rentiers, à mon avis, il vaut mieux avoir des obligations britanniques, suédoises, américaines et chinoises que des obligations de la zone euro.

Nous sommes gouvernés depuis trente ans par des fous qui ont « un projet politique » de construire un état européen. Les désastres s’accumulent et leur but est d’empêcher tout mouvement à la surface des choses. Ils seront donc emportés par un tsunami