par Jean Goychman
26 août 2022. Le courrier des stratèges
Pourquoi l’Ukraine? tend-on à se demander quand on observe le déclenchement du conflit le 24 février 2022. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils pris ce territoire en ligne de mire, au risque de susciter une réaction de la Russie? En réalité, quand on reprend trente ans de politique étrangère américaine, on comprend que le choix de l’Ukraine pour affronter la Russie est tout sauf le fruit du hasard.
Dans un article traduit du quotidien américain « Epoch Time », l’intellectuel Noam Chomsky relatait les événements qui s’étaient produits depuis une trentaine d’années en Europe.
L’éclatement de l’URSS aurait logiquement dû conduire à la dissolution de l’OTAN par la disparition de la cause pour laquelle elle avait été créée, du moins si l’on en croit les déclarations de l’époque.
Cela a été évoqué lors des discussions de 1991, relatives à la réunification allemande et de l’intégration dans l’OTAN de l’Allemagne réunifiée. C’est le président Bush (père) qui a lancé le sujet à la fin du cycle de discussions en suggérant d’étendre le domaine d’intervention de l’OTAN au monde entier. (voir vidéo à partir de la minute 11)
Une vision établie très en amont
Le propos de G.H.Bush révélait que le deep state avait déjà opté pour le maintien de l’existence de l’OTAN, mais également comment elle était déjà intégrée au projet mondialiste en 1991.
La période de la « guerre froide », de 1949 à 1991 avait consacré un monde bipolaire, grâce auquel la position hégémonique des États-Unis allait s’affirmer, après avoir détruit les empires coloniaux résiduels ayant survécu à la guerre. La disparition de l’URSS consacrait l’existence d’un monde monopolaire dominé par les États-Unis dans lequel le projet mondialiste du deep state allait être mené à bien. Depuis 1921, le peuple américain était redevenu isolationniste, et c’est Pearl Harbour qui l’en avait fait sortir. Tout l’enjeu de la guerre froide était d’empêcher qu’il y revienne, en maintenant un climat de guerre potentielle, permettant ainsi d’octroyer des budgets considérables pour le « complexe militaro-industriel », autre aspect du deep state. Dorénavant, la route vers un gouvernement mondial était ouverte, ce qu’avait annoncé David Rockefeller dans ses mémoires parues également en 1991.
L’extension de l’OTAN
Persuadé que plus rien ne pouvait entraver la puissance américaine, il était logique de faire avancer les pions de l’OTAN, suivant la stratégie du « voleur chinois », c’est à dire par petites touches aussi discrètes que possible, jusqu’à arriver le plus près possible des frontières russes, en dépit des assurances données en 1991. La carte ci-dessous résume le processus :
Vladimir Poutine avait, dès son arrivée au Kremlin, pris conscience de la menace à terme que cela pouvait représenter pour la Fédération de Russie. En 2004, de la Baltique à la mer Noire, seules la Biélorussie et l’Ukraine n’étaient pas entrées dans l’OTAN. Plus au Nord, la Suède et la Finlande étaient encore hors de l’Alliance. Faut-il rappeler qu’entre 1991 et 2014, aucun acte ni aucune menace n’est venue de la Russie.
Durant cette même période, les rapports entre la Russie et l’Ukraine ne laissaient pas poindre de discordance. Le président ukrainien Victor Yanoukovich avait de bonnes relations avec Vladimir Poutine. Avec quelques années de recul, il apparaît que la fameuse révolution de l’Euromaidan avait très probablement été téléguidée par le deep state. Le point culminant est daté du 20 février 2014 avec 82 morts recensés et plus de 600 blessés. Dans l’état de sidération qui suivit, Yanoukovitch fut destitué dans des conditions non conformes à la constitution ukrainienne et refusa de démissionner, parlant d’un « coup d’Etat »
Pendant ce temps, la flotte américaine avait envoyé un destroyer lance-missile au large des côtes de la Crimée. Bien que la Navy ait affirmé que la venue de ce bâtiment en mer Noire était prévue depuis longtemps, la menace était claire et Poutine ne s’y est pas trompé. Ne pouvant se permettre de perdre la base navale de Sébastopol, il a préféré prendre les devants et ré-annexer la Crimée, qui était une province russe jusqu’en 1954, date à laquelle Kroutchev (Ukrainien) l’avait rattachée arbitrairement à l’Ukraine, ce qui ne changeait pas grand-chose pour l’URSS.
On peut aussi se poser la question de savoir si la date des événements de la place Maidan n’était pas, elle aussi, fixée à l’avance ? Un échange téléphonique du 06 février 2014 entre la secrétaire d’État adjointe et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine permet de le penser.
L’Ukraine est devenue un détonateur
Depuis 2014, tout a été fait par le deep state pour que la veilleuse allumée ne s’éteigne pas. Les accords de Minsk de 2015, dont Emmanuel Macron semblait ignorer la teneur, sont restés inappliqués, Kiev a même été, en 2019, le siège d’une réunion de l’OTAN. Une ligne de front au Nord des provinces objets des accords de Minsk a été établie par l’armée ukrainienne et des tirs sporadiques effectués par cette dernière ont maintenu un climat de conflit latent.
Tout au long de cette période, de nombreuses démarches ont été effectuées d’une manière ostensible et destinées à « rapprocher » l’Ukraine de l’OTAN et de l’Union Européenne, qui pouvaient passer pour autant de provocation à l’encontre de la Fédération de Russie. Elles n’avaient pourtant, compte-tenu de la complexité des procédures d’adhésion, aucune chance d’aboutir rapidement, ce qui renforçait probablement le sentiment russe.
Enfin, le 21 février 2022, l’Ukraine a demandé l’application du mémorandum de Budapest de 1994 et notamment son article 6 qui devait impliquer un certain nombre de pays dans un éventuel conflit impliquant cette dernière.
Il est difficile de ne pas voir dans cette succession d’événements une préparation méthodique d’un conflit qui, au-delà d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine, devrait très probablement trouver son développement en opposant l’Union Européenne et la Fédération de Russie.
Il est manifeste que le deep state à tout à gagner dans un tel affrontement, et se pose également la question de savoir ce qui motive nos actuels dirigeants européens.