J’ai souvent comparé une crise financière à la pêche à la dynamite. Vous balancez un bâton de dynamite dans la mer, vous le faites exploser à quelques centaines de mètres de profondeur, et vous attendez… Remontent en premier les sardines et les merlans, le ventre en l’air. Vous attendez encore un peu et vous voyez apparaitre les thons et les dauphins. Encore un peu de patience et apparaissent les cachalots, et puis en dernier les baleines.
L’explosion du bâton de dynamite a eu lieu, et il s’agit bien entendu de la crise du Corona virus qui, en entrainant l’arrêt du commerce international, met en difficultés toute une série de sociétés liées aux mouvements des hommes ou des marchandises, telles les compagnies aériennes mal capitalisées. Déjà l’une d’entre elles (une sardine) vient de déposer le bilan en Grande-Bretagne, et l’IATA de nous annoncer que l’industrie des transports aériens va perdre cette année quelque chose comme 130 milliards de dollars, ce qui m’incite à penser que la ligne aérienne britannique qui vient de disparaitre n’est que la première d’une longue série. Les pertes qui s’annoncent vont donc être gigantesques et vont venir de presque tous les secteurs qui dépendent de nos mouvements, tels les transports maritimes, les hôtels, les restaurants, le tourisme (voir Venise et mourir…) etc… Voilà qui parait évident.
Continuons, et là je vais demander aux lecteurs de faire un immense effort de réflexion conceptuelle en leur posant la question : quelle est l’industrie dont la raison d’être est de prêter à des gens qui n’ont pas assez d’argent ? Je sais que la question est difficile, et donc, pour ne pas trop les angoisser, je vais leur donner tout de suite la réponse : la banque. Eh oui, la banque. Tous ces gens qui vont faire faillite ont en général emprunté de l’argent aux banques, et donc une grande partie de ces nobles institutions, toutes peuplées de gens incroyablement compétents, vont voir ces pertes se loger dans le bilan des banques dans lesquelles ils travaillent.
Pas grave, me direz-vous. Après tout, ces banques ont toutes un capital (fonds propres +réserves) qui leur permettra d’absorber sans trop de difficultés ces pertes inattendues, et cela est vrai des banques bien capitalisées dans un pays normalement géré. Mais imaginons qu’une zone monétaire ait été créée qui n’a pu survivre qu’en maintenant artificiellement des taux d’intérêt débiles (négatifs !) et cela pour maintenir en vie un projet politique encore plus débile : un taux de change fixe entre des pays qui n’avaient pas la même productivité. Et cette zone, c’est bien entendu la zone Euro.
Comme je n’ai cessé de l’écrire depuis que monsieur Draghi, pour « sauver » l’euro, a mis des taux négatifs sur la dette allemande, si vous empruntez à 0 % pour prêter à -1 %, la faillite est inéluctable. Ce n’est qu’une question de temps, et il ne faut pas avoir fait de longues études pour le comprendre. Ce qui veut dire que capital et réserves baissent année après année, ce qui rend les banques de moins en moins capables de résister à un choc tel que le corona virus.
Et donc, depuis 2012 au moins, toutes les banques européennes perdent lentement mais sûrement de l’argent.
Si cette analyse est correcte, et je suis certain qu’elle l’est, alors la baleine qui pourrait remonter à la surface d’ici quelque temps serait non pas telle chaîne d’hôtel ou telle compagnie aérienne, mais le système bancaire de la zone Euro, et comme les investisseurs sont tout sauf idiots, si tel est le cas, voilà qui devrait être visible simplement en regardant les cours de bourse des banques de la zone euro dans les quinze dernières années par exemple. Logiquement, ces cours devraient avoir connu une baisse structurelle. Voilà qui est facile à vérifier. Les autorités des marchés financiers produisent tous les jours en temps réel un indice des valeurs bancaires cotées dans la zone euro (Sigle : SX7E) et voici l’évolution de cet indice depuis 2008 (en rouge), ce qui est assez facile à faire.
Et c’est là que je dois dire au lecteur : Accrochez- vous, ça a l’air difficile mais ça ne l’est pas tant que ça.
La ligne rouge (échelle de gauche en log) représente l’indice boursier de la valeur des banques cotées en Europe (mon SX7E). Depuis 2008, il est passé de 400 à 75, soit une perte de 81.25 %, et je me sens justifié de vous avoir toujours dit de ne posséder aucune banque dans la zone euro.
La ligne bleue (échelle de droite) représente le rendement sur les obligations de l’État américain à 10 ans, et l’on voit que les taux longs aux USA sont passés sur la période de 4 % à 0.75%. Les taux longs aux USA ont donc baissé sur la période 81.25 %, ce qui est inouï.
Continuons sur la ligne rouge, mais plus bas dans ce texte je préciserai les relations entre les deux lignes la bleue et la rouge pour expliquer que ce n’est sans doute pas un hasard si les taux aux USA et les valeurs bancaires dans la zone euro ont tous les deux baissé de 81.25 % sur la mémé période.
Revenons à mon indice des valeurs bancaires, en rouge.
- Première gamelle de la ligne rouge 2008-2009, pendant la grande crise financière. Panique à bord, toutes les grandes banques centrales se liguent pour arrêter l’incendie ; elles y arrivent et l’indice des banques européennes quadruple sur son plus bas. Soulagement général.
- Deuxième gamelle, 2009-2012. La Grèce fait faillite, l’Italie est en danger et tout le monde de s’apercevoir que l’euro est un Frankenstein financier et qu’il devrait disparaitre. Pour sauver les banques allemandes et françaises, qui avaient prêté des sommes monumentales aux Grecs, il est décidé de mettre ce peuple en esclavage et de fausser les prix de marchés pour les taux d’intérêt en Europe (Whatever It takes… de monsieur Draghi, dont j’espère toujours, en grand naïf que je suis, qu’il sera jugé un jour pour cette forfaiture). L’indice des banques rebondit et triple sur son plus bas. Soulagement général.
- Troisième gamelle, 2015-mi 2016. Un ralentissement mondial se produit créé par les politiques imbéciles des Européens et de monsieur Obama. Banquiers centraux et ministres des finances se réunissent à Shanghai, et tous ces braves gens décident de se lancer dans une impression d’argent quasiment sans limite (le fameux QE) tandis que la BCE annonce qu’elle va acheter directement des obligations du secteur privé, ce qui revient à créer un faux prix de plus. Les valeurs bancaires doublent. Soulagement général.
- Quatrième gamelle : Un nouveau gouverneur, monsieur Powell arrive à la Fed en 2018 et décide que les taux bas ça suffit et du coup commence à remonter les taux d’intérêts aux USA et à restreindre la croissance du crédit. Les marchés financiers s’effondrent et en tête de course dans le carnage on trouve à nouveau les valeurs bancaires européennes. Pris de panique, monsieur Powell fait un demi-tour sur route d’anthologie et commence à baisser les taux à nouveau. Cette fois les valeurs bancaires ne remontent que de 50 %. Soulagement général, l’année boursière 2019 est excellente. Ce qui prouve que les boursiers ont une mémoire de poisson rouge.
- Cinquième gamelle, qui a commencé en février 2020 et qui n’est pas finie car cette fois nous avons un problème : baisser les taux et imprimer de l’argent ne servirait à rien, puisque ce dont nous avons besoin c’est d’un vaccin, et que ça les banquiers centraux ne savent pas faire. Et du coup les valeurs bancaires dans la zone se cassent la figure comme rarement dans l’histoire.
Et c’est à ce point que je demande au lecteur de regarder à nouveau la ligne rouge.
Chaque fois que l’indice bancaire se rapprochait un peu trop de 75 (voie le graphique), les banques centrales du monde entier sortaient du bois pour littéralement forcer cet indice à remonter en baissant les taux, en imprimant de l’argent, en achetant directement des obligations d’État… Mais à chaque fois, ledit indice remontait de moins en moins haut, ce qui est très visible sur le graphique. A force de crier au loup…
Nous sommes de nouveau à 75, la hausse de 2019 de l’indice a été annulée en quelques jours et cette fois ci les banquiers centraux ne peuvent rien faire. Mais tous les opérateurs boursiers savent que si cet indice casse la barre horizontale des 75, cela va déclencher une panique bancaire et financière gigantesque. Et qu’est que nos opérateurs boursiers vont tous faire en même temps si cela arrive ?
Ce qu’ils ont fait à chaque fois dans les crises précédentes. Comme un effondrement du système bancaire de la zone euro serait un évènement incroyablement déflationniste et que leurs dépôts bancaires pourraient disparaitre avec les banques qui fermeraient leurs guichets comme à Chypre, ils se précipitent pour transformer leurs dépôts bancaires en achetant en contrepartie des obligations de l’État US, dont les rendements s’effondrent, et ce rendement c’est bien entendu la ligne bleue sur le graphique.
Comme le lecteur peut le voir par lui-même, les deux courbes depuis 2007 se recouvrent exactement. Pour les spécialistes la corrélation est de 0.9, ce qui est énorme.
Et donc je me pose la question. Avons-nous commencé la crise financière qui marquera la fin du Frankenstein financier qu’est l’euro ? Si cela était le cas, cela serait une bonne, une très bonne nouvelle tant ce que le dit le proverbe allemand est juste : il vaut mieux la fin de l’horreur qu’une horreur sans fin.
Bien sûr, les marchés seraient quelque peu agités, mais la bonne nouvelle serait que partout nous retournerions à des prix de marché pour les taux d’intérêt et les taux de change et dans ce processus, ceux qui ont investi selon mes conseils, c’est à dire ceux qui sont en Air Liquide, Schneider l’Oréal … mais aussi en obligations suédoises, britanniques, chinoises, en or, en cash en dollar vont pouvoir profiter des soldes de printemps qui s’annoncent particulièrement intéressantes.
Suis-je certain de ce que j’écris ? Pas vraiment, car je me demande ce que les grands malfaisants à Bruxelles et à Francfort qui sont les seuls responsables du désastre qui ne va pas manquer de se produire vont encore inventer pour retarder, une fois encore, une échéance qui est cependant inéluctable. Je crains le pire. A mon avis, ils vont donner l’ordre aux banques centrales d’acheter des actions des banques et de financer tous les déficits budgétaires directement, ce qui arrêtera sans doute la chute temporairement, au risque de faire partir le monde dans une inflation vénézuélienne, d’où ma recommandation d’avoir de l’or. Mais en tout état de cause, il faut se préparer.
Pour faire simple, nous sommes peut-être en train de rentrer dans un krach, et dans les krachs il faut mettre des limites idiotes sur les titres que vous voulez avoir à long-terme. Mettons qu’Air Liquide soit à 120. Vous mettez une limite à 80, c’est à dire 33 % en dessous du niveau actuel, et vous faites de même sur tous les titres qui vous intéressent. Et ayant mis votre limite, vous cessez de lire la presse, surtout la presse financière, et vous partez en vacances en Italie. Vous n’aurez aucun mal à trouver une chambre d’hôtel, et ça je peux vous le garantir.