Description
Dans La Kabbale : une brève introduction, Joseph Dan, l’une des sommités mondiales du mysticisme juif, porte un regard à la fois concis et précis sur l’histoire et les caractéristiques de la kabbale.
Joseph Dan apporte des éclaircissements sur les nombreuses interprétations qui circulent concernant la kabbale, dont ses liens avec la magie, l’astronomie, l’alchimie, et la numérologie. Ce livre renferme une documentation passionnante sur les groupes mystiques qui florissaient dans le judaïsme ancien des pays de l’Est, les piétistes rhénans ; les écoles médiévales de kabbale du nord de l’Espagne à Gérone et du sud de la France en Provence ; le développement de la kabbale à travers l’école d’Isaac Louria de Safed au XVIe siècle ; le messianisme de Sabbataï Tsévi ; le hassidisme, mouvement juif religieux moderne influant qui utilise un langage kabbalistique dans ses prêches. Joseph Dan expose les principales idées de la kabbale au cours de l’histoire, dont les concepts de ein sof, sefirot, shekhina et émanation gauche ou de tsimtsoum, shevirah et tikoun. Il montre que la kabbale, phénomène religieux juif traditionnel, a eu une influence sur la chrétienté à travers l’école de Marsile Ficin à Florence (kabbale chrétienne), sur les néoplatoniciens de Cambridge, sur le mouvement franc-maçon ou le New Age.
Le livre convoque les Écritures saintes, la littérature rabbinique, le Talmud et le Midrach, examine les textes anciens fondamentaux de la tradition kabbalistique, la littérature des Palais, le Sefer Yetsira ou « Livre de la Création », le Livre Bahir « Livre de la Clarté », et le Zohar « Livre de la Splendeur ».
À travers cet ouvrage, Joseph Dan traverse plus d’un millénaire d’histoire et de textes religieux juifs, expliquant le vaste ensemble de croyances et de pratiques autour de la kabbale qui, au XXIe siècle, continue d’interroger, de nourrir et de fasciner.
la kabbale, le terme et ses significations
Lors d’un séjour en Israël, le visiteur est confronté à la kabbale plusieurs fois par jour. Quand il entre dans un hôtel, il doit se présenter à un bureau derrière lequel se trouve un grand panneau indiquant « Kabbale[1] » ; en anglais, le même panneau indique « Réception ». Lorsqu’il achète quelque chose ou paie pour un service, il reçoit un morceau de papier sur lequel est écrit « Kabbale » en grosses lettres hébraïques ; s’il y a également une traduction en anglais, elle indique « Reçu[2] ». Le terme peut apparaître dans de nombreux contextes. Si le visiteur est invité à une réception, l’expression en hébreu pour cet événement est « kabbalat panim » (littéralement « recevant le visage »). S’il souhaite se rendre dans une banque ou dans un service administratif, il devra auparavant vérifier les « kabbalat kahal », les heures auxquelles les employés reçoivent le public, l’équivalent de « ouvert ». Tout professeur, dans quelque discipline que ce soit, s’investit chaque semaine dans une heure kabbalistique, « sheat kabbalah », c’est-à-dire heure de bureau, pendant laquelle sa porte est ouverte aux étudiants. Le verbe « kbl » (קבל) est très courant en hébreu, et il signifie simplement « recevoir ». Les Israéliens lorsqu’ils parlent ne semblent pas conscients des connotations mystiques du mot kabbale et le traitent comme un simple mot ordinaire de leur langue. Dans un contexte religieux, ce mot est utilisé dans une phrase-clé, au début du Pirké Avot, le Traité des Pères, un des textes talmudiques les plus célèbres, probablement rédigé au IIe siècle. La première section de ce traité décrit la chaîne traditionnelle des lois juives et de l’instruction religieuse, transmise de génération en génération. Le premier niveau de transmission est ainsi décrit dans ce traité : « Moïse reçut (kibbel, קִבֵּל) la Torah du [Mont] Sinaï et la transmit (messarah, מְסָרָהּ) à Josué, et Josué [la transmit] aux Anciens [d’Israël]… » (chap. 1, Michna 1) ; le texte continue et décrit la transmission orale de cette tradition aux juges, aux prophètes et aux premiers sages du Talmud. Ce paragraphe a été utilisé pendant près de deux mille ans pour valider la tradition juive dans sa totalité, fixant son point d’origine dans la révélation du Mont Sinaï, dérivant ainsi sa légitimité du caractère sacré de l’événement. Dans cette phrase, la signification du terme « torah » recouvrait à la fois les Écritures, la loi (halakhah), les règles d’éthique et l’interprétation des versets scripturaires (midrach), c’est-à-dire tout ce qui a trait à la vérité d’origine divine. Certains disaient même que tout ce qu’un savant est susceptible d’innover a été donné à Moïse par Dieu : ce qui semblerait de prime abord une observation religieuse brillante et novatrice était déjà connu par Moïse, informé par Dieu dans cette révélation universelle. Ce que Moïse a « reçu » en cette occasion est la kabbale, la tradition. Dans ce contexte, elle acquiert la signification particulière de tradition sacrée d’origine divine, dont une partie est rédigée (Écritures) et l’autre transmise oralement de génération en génération par les chefs religieux.
Il existe des traditions de conceptions similaires dans la chrétienté et l’islam. L’Église catholique est considérée comme gardienne de la tradition, ce qui confère à ses enseignements une autorité divine. Les érudits musulmans possèdent, en plus du Coran, une grande richesse de sagesse divine transmise oralement depuis Mahomet à travers ses disciples. En hébreu, la tradition est appelée massoret (« ce qui a été transmis ») ou kabbalah (« ce qui a été reçu »). Dans un tel contexte, le mot kabbalah est une abréviation se référant à la vérité divine reçue par Moïse en provenance de Dieu ; le terme ne se rapporte pas à un contenu en particulier. Il décrit l’origine et la manière de la transmission sans mettre en avant une discipline ou un sujet en particulier. Fondamentalement, ce mot signifie l’opposé de ce qui est généralement reconnu et attribué au « mysticisme », auquel on associe visions ou expériences individuelles. « Kabbalah », dans le vocabulaire religieux hébraïque, évoque la vérité religieuse non-individuelle et non-expérientielle, qui a été reçue par la tradition.