Description
Médecin spécialiste, praticien hospitalier, mais également mé- decin humanitaire et enseignant, le Dr ZL a exercé en tant que chercheur en neurosciences (INSERM) et médecin en CHU. Il travaille depuis 16 ans dans un centre hospitalier général.
Son journal de bord débute lors de la crise sanitaire liée au Covid-19. Il écrit quotidiennement entre novembre 2020 et décembre 2022, témoignage sur deux années consécutives de médecin de terrain. C’est une chronique hospitalière, mais aussi personnelle : il y raconte son métier vu de l’intérieur au sein de son hôpital, avec toutes ses dérives.
La crise «sanitaire» n’a fait que révéler la politique qui se poursuit en matière de santé publique : marchandisation, déshumanisation, quête du profit, médecine de masse. Il décrit, avec désespoir et un peu d’humour, la destruction du système de santé, mais aussi celle d’une société dans un monde en pleine mutation.
Ce livre est singulier par sa forme (journal de bord) et sa thématique (les coulisses de l’hôpital). C’est un souffle de liberté, un devoir aussi, dans une démocratie fragilisée.
Le Dr ZL exerce dans un hôpital de l’ouest de la France. Il est contraint d’écrire sous couvert d’anonymat suite aux pressions subies et aux menaces de perdre son poste et son diplôme.
Dr, j'aimerais me faire vacciner...
2 avril 2021
– Docteur, j’aimerais me faire vacciner, qu’en pensez-vous ?
– Bien sûr qu’il faut vous faire vacciner contre le covid ! Vous êtes très fragile, vous avez 68 ans et immunodéprimé suite à votre chimiothérapie pour votre cancer du poumon. Et vous avez fait des complications neurologiques en plus. Alors, allez-y, vaccinez-vous !
Je lui remets une ordonnance.
Quelques heures plus tard, je revois mon patient.
– Docteur, vous savez, je suis en colère. Je suis allé au centre de vaccination comme vous me l’aviez recommandé et le personnel de santé sur place a refusé de me vacciner car je ne rentre pas dans les critères !
Toutes les personnes de 70 ans et plus (ou faisant parties des rares exceptions énoncées par le gouvernement) peuvent avoir accès à la vaccination anti-covid.
– Comment cela ? Les malades atteints d’un cancer sous chimiothérapie font pourtant partis des indications nationales !
– Oui, mais moi, je viens de finir ma dernière cure de chimiothérapie la semaine dernière, donc je ne suis plus considéré comme « EN COURS » de chimiothérapie ! Mon traitement étant fini, je ne suis plus éligible à la vaccination !
Que répondre à ce patient ? Il a raison, il est à risque de forme grave de covid et devrait pouvoir bénéficier de la vaccination.
Ensuite, je reçois une jeune fille de 26 ans lourdement handicapée avec sa maman.
– Docteur, pouvez-vous me faire une ordonnance pour que ma fille puisse se faire vacciner contre le covid ?
– Et bien, je ne peux pas.
– Ah bon ? Mais j’ai peur pour elle. Vous ne considérez pas qu’elle devrait se faire vacciner ?
– Si, j’en suis convaincu. Elle est atteinte d’une encéphalopathie épileptique très rare…
– Et vous le savez docteur, la moindre infection ou fièvre engendre des crises d’épilepsie très graves.
– Je sais bien Madame, puisqu’à chaque fois, elle est admise en urgence en réanimation.
– Et elle a failli mourir plusieurs fois, vous le savez bien !
– Oui, c’est exact.
– J’ai peur pour ma fille, si jamais elle attrape le covid, cela peut être fatal pour elle ! Que faire Docteur ? Aidez-moi !
Et là encore, je prends conscience de mon impuissance. C’est la première fois en tant que médecin que je me trouve dans une situation pareille : médecin non-prescripteur ! Je suis en porte à faux avec mes patients.
Hippocrate, je trahis ton serment.
On doit se conformer de façon obligatoire aux protocoles de soins covid imposés par l’ARS (Agence Régionale de Santé). La prescription médicale n’a plus de valeur si mes patients ne rentrent pas dans les critères d’inclusion ordonnés par le gouvernement, même si en tant que médecin, j’estime que dans leurs cas particuliers, ils sont fragiles et qu’il est de mon devoir au vu des connaissances actuelles sur le plan déontologique de les protéger et donc de les vacciner.
Déjà, nous avions eu des prémices avec l’hydroxychloroquine : les médecins se sont retrouvés interdit de prescription car ce traitement (peu coûteux, connu de longue date) ne rentrait pas dans le protocole établi par mes collègues infectiologues, chiens de garde bien-pensants de la direction hospitalière elle- même sous les ordres des ARS. Pas d’hydroxychloroquine, au nom du principe de précaution. Soit.
Mais pour les vaccins ? Ce principe s’est volatilisé. Nous avons débuté la vaccination uniquement sur les 70 ans et plus, c’est-à dire la tranche d’âge qui n’a pas été testée dans les études pharmaceutiques avec des vaccins dont les mécanismes d’action à long terme ne sont pas encore connus.
Les tests covid ? Pas de problème ! Ils sont prescrits en masse, sans limite et sans que l’on se pose la question de leur pertinence.
« J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance… Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »
La prescription d’un test de dépistage covid est faite à mes patients hospitalisés sans que je le sache (parfois tous les mois) par une infirmière prescriptrice automate fière de ce nouveau privilège sans y voir derrière l’instrumentalisation qui en est faite. Le trou de la sécu ? Quel trou ?
L’infirmière teste, le médecin vaccine. Les rôles sont redéfinis. On obéit sagement pour le bien de l’humanité.
Nous traversons une crise sanitaire grave : je réalise qu’en tant que médecin, je suis en train de perdre ma qualité de prescripteur et donc quelque part, ma fonction originelle.
Je deviens un soldat, un exécutant, un homme obéissant, quoi de plus naturel en somme ? En tout cas, le médecin que je suis reste une poupée qui fait non, non, non, non…
Toute la journée, non, non, non, non…