Journées ordinaires d’un médecin ordinaire

Un médecin manacé pour avoir voulu soigner

10 22 

22 
10 
Collection : Auteur : ISBN: 9782865533442

Description

Médecin spécialiste, praticien hospitalier, mais également médecin humanitaire et enseignant, le dr ZL a exercé en tant que
chercheur en neurosciences (INSERM) et médecin en CHU.
Il travaille depuis 16 ans dans un centre hospitalier général.

Son journal de bord débute lors de la crise sanitaire liée au
Covid-19. Il écrit quotidiennement entre novembre 2020 et
décembre 2022, apportant son témoignage sur deux années consécutives de médecin de terrain. Il s’agit d’une chronique hospitalière, mais aussi personnelle : il y raconte son métier vu de l’intérieur au sein de son hôpital, avec toutes ses dérives.

La crise « sanitaire » n’a fait que révéler la politique qui se
poursuit en matière de santé publique : marchandisation, déshumanisation, quête du profit, médecine de masse. Il décrit,
avec désespoir et humour, la destruction du système
de santé, mais aussi celle d’une société tout entière dans un monde en pleine mutation.

Ce livre est singulier par sa forme (journal de bord) et sa thématique
(les coulisses de l’hôpital). Cet ouvrage constitue pour le dr ZL un souffle de liberté, un devoir aussi, dans une démocratie fragilisée et un véritable un cri d’alerte dans une France en danger.

Le dr ZL exerce dans un hôpital de l’ouest de la France. Il est
contraint d’écrire sous couvert d’anonymat suite aux pressions
subies et aux menaces de perdre son poste et son diplôme

Postface

Postface au livre du Dr Z.L. par Jean-Paul Bourdineaud

 

 

 

Jean-Paul Bourdineaud est professeur à l’Université de Bordeaux où il enseigne la biochimie, la microbiologie et la toxicologie. Ses recherches portent sur la toxicologie environnementale et la manière dont les organismes vivants réagissent face aux polluants environnementaux, aux niveaux moléculaires biochimiques et génétiques. Il n’a aucun conflit d’intérêts.

 

 

 

Le Dr Z.L. a intitulé son récit « Journées ordinaires d’un médecin ordinaire» avec trop grande modestie. En effet, il est tout sauf un médecin ordinaire, en raison des valeurs professionnelles et humaines qui sont les siennes et qui dirigent, et sa vie, et sa façon d’envisager son métier de médecin, mais également par un autre trait de son caractère qui est la difficulté qui est la sienne à se soumettre à l’autorité dès lors qu’elle tente de lui en remontrer sans justifications raisonnables et indubitables.

 

1/ L’insurrection de Z.L.

Commençons par ce caractère rétif face aux oukases directoriaux : il refuse d’être vacciné contre le SARS-CoV-2 sans être renseigné et rassuré quant à la compatibilité de ces vaccins génétiques d’avec les pathologies dont il souffre, ce qui est, nous en conviendrons, pleinement légitime et recevable, et pourtant la direction de son hôpital ne lui rétorquera que moqueries et refus de considérer sa position et les risques pour sa santé, et on l’abreuvera d’injonctions impérieuses comme l’on morigène un vilain garnement, une infantilisation des résistants bien narrés par Z. L. ; il refuse de prêter allégeances aux sommations jusqu’à la suspension et la perte de son salaire, dressé droit debout contre l’ARS et la direction de son hôpital, camarillas inflexibles dans leur volonté de contraindre les récalcitrants. Il apparaît clairement dans le récit de Z.L. que mener à résipiscence les résistants et les plier à la volonté bureaucratique est bien plus important que le prétexte sanitaire invoqué : complaire au ministre Véran était bien la priorité.

Dans ce contexte, Z.L. se demande « Pourquoi suis-je minoritaire parmi mes collègues médecins? » et « Quel est le point commun entre tous ces résistants? » Une partie de la réponse est la déclinaison des humains en deux grandes catégories : ceux qui se soumettent à l’autorité et ceux, beaucoup moins nombreux, qui refusent de lui obéir, et il convoque pour cela le psychologue Stanley Milgram et sa fameuse expérience. Et l’on assiste à l’intense harcèlement qu’a subi Z. L. conduit par la direction de son hôpital, mais également par des collègues venus régulièrement s’enquérir des intentions de Z.L., veules et en service commandé par la direction, ayant opté pour le choix de la soumission. Le médecin référent « vaccination » de son établissement est même allé jusqu’à lui recommander de consulter un psychiatre.

 

2/ L’humanisme de Z.L.

Son humanisme est celui qu’il professe à l’égard de ses patients, constitué du respect de la personne, de l’écoute et de la prise en compte de leurs intérêts. Le serment d’Hippocrate n’est pas, pour le Dr Z. L., qu’une simple résurgence folklorique d’un rituel corporatif : Z. L. n’a pas feint de prêter serment, qui l’engage moralement et participe à la structuration de sa personnalité et de son engagement professionnel. Le Dr Z. L. se montre profondément navré par les attaques contre l’hôpital public orchestrées par l’ARS et les gouvernements successifs depuis la loi de tarification de tous les actes à l’hôpital (2007), qui rend les soins plus onéreux pour les malades, faisant basculer l’hôpital public dans le champ de l’économie marchande. La dégradation de la médecine hospitalière passe également par le développement des consultations à distance et de la sous-traitance dont nous entretient Z.L., et il traite ces sujets, pourtant navrants, avec humour. Les valeurs humanistes de Z. L. qui comprennent l’exigence d’égalité, de dignité et de libre accès des patients à l’hôpital (sans être entravés par un passe sanitaire), sont à l’opposé de celles des médecins de plateaux télévisés que l’on a vus envahir les écrans et qui sont tous alourdis par ce qui est appelé des « conflits d’intérêts ». Les valeurs de ces gens-là ? La plus-value !

 

3/ La veine humoristique de Z.L.

Un aspect agréable du récit de Z.L. est l’humour quasi permanent qui ruisselle d’abondance : tour à tour c’est un humour à la Desproges, très pince-sans-rire et avec une pointe d’absurdité délibérée, ou bien des jeux de mots façon Devos, et un art tout célinien pour rendre comique les situations les plus tragiques. Une verve et un burlesque présents lors de son entretien d’avec le directeur de son hôpital, complètement arc-bouté sur sa décision première et dans son entêtement puéril, c’est à dire l’obligation faite à Z. L. de se vacciner, lui opposant de manière butée des ordres alors que Z. L. lui fait valoir ses pathologies, le directeur allant même jusqu’à lui dire que si son état devait s’aggraver cela n’aurait aucune espèce d’importance dans l’immédiat, car la priorité était d’être vacciné, et rageusement obstiné, refuse encore et toujours de transmettre une demande d’avis médical à l’expert de l’ARS pour exposer le cas particulier de Z. L.

La séquence de la quiche est un autre exemple merveilleux où l’auteur Z.L. démontre son talent à raconter des choses en apparence badine sur un ton comique, mais qui cachent une réflexion tout en profondeur sur l’évolution de notre société. La boulangerie où Z.L. a l’habitude d’acheter ses quiches rondes vend maintenant des quiches carrées (s’ensuit une diatribe sur la géométrie du carré en boulangerie assez délectable), et Z. L., dans un dialogue jubilatoire, essaie d’expliquer à la très bornée boulangère toute la différence entre quiches rondes et carrées, laquelle lui répond avec une grâce toute bovine « c’est pareil». Que nous raconte la séquence de la quiche ? L’obsolescence des quiches rondes décidée par la boulangerie est le pendant du délitement de l’hôpital public décidé par nos gouvernants qui ont fermé des lits pendant la pandémie. L’anecdote du visiteur médical venu vanter ses nouvelles électrodes connectées en est un exemple risible : l’ancien appareil qui fonctionne parfaitement est voué à finir au rebut, à la poubelle comme l’annonce, heureux et béat d’extase mercantile, le représentant de commerce.

 

4/ Le récit intimiste

Le récit de Z. L. mêle la chronique hospitalière à celle personnelle, intime et privée, et nous vaut les épisodes de la promenade interdite par temps de confinement, le recours en justice transformé en injustice, le cours de physique avec sa fille, et l’hilarant épisode du passage pour piétons qui nous vaut une savoureuse étude sociologique des préposés en charge du passage des écoliers. Tout comme l’épisode de la quiche, celui du passage piétonnier, raconté sur la mode badin recèle en filigrane une morale : les tâches en apparence les plus simples demandent en réalité la capacité de réagir avec intelligence et souplesse, plutôt que l’application bornée de procédures préétablies. Il s’agit bien entendu d’une parabole de l’incompétence de ceux qui ont pour charge l’administration des hôpitaux, embastillés qu’ils sont dans leur rigidité bureaucratique et craignant en permanence les foudres de l’ARS. On en arrive à l’absurdité suivante où la direction de l’hôpital suspend les non-vaccinés, mais fait appel au bénévolat pour aider les collègues d’outre-mer.

En définitive, le Dr Z.L. est l’extraordinaire médecin que toute personne ordinaire désirerait avoir : humain, dévoué, respectant ses patients, et loyal serviteur de l’État et de la République qui défend l’hôpital public contre tous ceux qui le détruisent en prétendant le moderniser.

9 novembre 2020

9 novembre 2020

Deuxième vague… deuxième confinement national depuis le 30 octobre 2020

Les Français ont peur… Peur d’un virus respiratoire qui contamine tout l’Hexagone et au-delà. 548 morts du covid-19 (CoronaVirus Disease 2019) en 24 heures pour la seule journée du 9 novembre 2020, 20 155 nouveaux cas positifs en France. Nous avons dépassé la barre des 4 000 patients hospitalisés en réanimation (gouvernement.fr, le 9 novembre 2020).

Soit, ces chiffres impressionnent. Ramenons les données à la réalité : 80 à 95 % des formes sont bénignes : toux, fatigue, fièvre. Les formes graves sont le plus souvent l’apanage des sujets âgés ou avec comorbidités. Le taux de létalité est de 2 % [1, 2, 3].Si je regarde les données de mon centre hospitalier, dont je tairai le nom (puisqu’il m’est interdit par ma direction de communiquer ces informations), effectivement, le nombre de patients hospitalisés pour formes graves et celui des décès a fait un bon exponentiel : entre le 30 octobre et le 9 novembre 2020, nous sommes passés de 42 hospitalisations pour formes graves de covid à 73, puis de 4 à 13 patients en réanimation, et enfin de 27 à 37 décès en nombre cumulatif en 10 jours.

Ce 9 novembre 2020 où le covid fait rage, que s’est-il passé pour moi, médecin hospitalier spécialiste dévoué corps et âme au système public ? Voici le déroulement de ma journée.

Le matin en arrivant au centre hospitalier, j’apprends que ma secrétaire s’est remise pour la énième fois en arrêt maladie. Une fainéante de plus me direz-vous qui coule la sécurité sociale alors que si elle avait été dans le privé, elle aurait été virée depuis longtemps. Certes… bon, je n’ai plus de secrétaire. Je contacte la direction. Personne ne se soucie de savoir pourquoi elle est encore absente. À part moi… C’est étrange, elle est d’ordinaire travailleuse et j’avoue que ses arrêts successifs récents me contrarient moi aussi, tout en me disant qu’elle se « sabote » elle-même. Pourquoi n’est-elle pas venue ce matin ? A-t-elle le covid ? On lui aurait tout pardonné. Non ! Est-elle malade ? Non. Alors, que fait-elle tranquille chez elle ? Et bien, elle boude. Elle est épuisée de travailler sans relâche, sans aucune considération, d’être changée de poste toutes les semaines ou presque pour « boucher » les trous, d’être un numéro enfermé dans une « cage à taper », devant un ordinateur, sans un bonjour, sans un au revoir, sans humanité. Alors, oui, elle boude. C’est le seul moyen qu’elle ait trouvé pour exprimer son mécontentement. C’est sûr, en s’absentant, l’administration s’aperçoit subitement qu’elle existe. Ma direction ne veut pas savoir pourquoi cette « fumiste » est en arrêt (ce serait trop de remise en question), mais comment va-t-on la remplacer ? La solution est brillamment trouvée par un des innombrables sous-sous-chefs de l’hôpital. Je reçois un mail (un appel téléphonique aurait été compromettant) : Docteur, seriez-vous d’accord d’utiliser une reconnaissance vocale ? Quoi ? Je suis sous le choc. Que répondre (par mail, un appel téléphonique aurait déplu). Répondre : Oui, je suis capable. Capable de dicter mes courriers dans une petite boîte. Mais, mon accord signerait la suppression d’un poste de secrétaire hospitalier. Je ne veux pas être complice. Je décide alors avec stupeur et tremblements d’écrire ma pensée profonde : non ! Comment peut-on « réduire » une secrétaire à une simple machine. Certes, mes courriers peuvent être dictés par un robot (qu’il faudra que je corrige attentivement en prenant sur mes heures supplémentaires). Mais, que dire des nombreux appels téléphoniques des patients, de leur accueil lors de mes consultations ? Qui va les aider à prendre leur rendez-vous, à commander leur ambulance, à déplacer leur fauteuil roulant ? Qui va leur apporter une oreille attentive, un regard ? Il s’agit de patients avec des pathologies lourdes et je sais par expérience qu’un sourire peut leur apporter plus de réconfort que le discours des médecins pressés. Un robot dicteur vocal peut-il remplacer cela ? Où va l’humanité ?

Est-ce que ce monde est sérieux ?

Bref, début de matinée à régler des problèmes de secrétariat. Et ensuite ? Visite au lit des patients. Une mamie de 88 ans est hospitalisée suite à une chute. Elle a une hémorragie cérébrale. La pauvre. Et la malchance s’accumulant, elle a aussi le covid ! Le pronostic est sombre. Elle risque malheureusement de décéder. Non pas du covid, mais de son hématome cérébral. Elle sera pourtant comptabilisée dans les morts du covid… bon, j’enchaîne avec des consultations. Je reçois non pas un patient, mais sa femme. Cette demande de l’épouse, sans la présence du malade lui-même, m’a initialement déplu et je ne comprenais pas sa démarche. Cette dame entre dans mon bureau. Elle est à bout. Son mari est atteint d’une lésion cérébrale rare extensive qui induit des troubles cognitifs et une épilepsie très sévère. Sa malformation trop étendue est inopérable… « L’état de mon mari va-t-il s’aggraver, Docteur ? » Oui… « Peut-il mourir de cela ? » Oui… je comprends alors la détresse de cette dame dont le conjoint âgé à peine de 35 ans nous montre nos limites médicales. Notre impuissance aussi ? J’ai écouté cette femme durant presque une heure. Et elle est venue chercher cela. Des réponses franches à ses questions, de l’écoute, du soutien, bref de l’humain. Je n’ai pas compté mon temps, je ne lui ai bien sûr pas comptabilisé la consultation. D’une certaine manière, cet échange n’a donc pas existé sur le plan administratif. L’hôpital public permet cette liberté médicale là. Pour combien de temps encore ?

Mon après-midi ? Il est marqué par une réunion de service avec les cadres et les chefs des cadres et les chefs des chefs des cadres. Nous manquons d’infirmières sur un poste spécifique (indépendamment de l’épidémie covid). Comment allons-nous faire ? Pour une fois, le débat a lieu de visu et non par mail. La réponse médicale est simple : il nous manque une infirmière spécialisée, par conséquent il faut voir si nous pouvons en embaucher une nouvelle, en sachant qu’il y a 5 ans, elles étaient quatre sur ce poste et qu’elles ne sont maintenant plus que deux sans arriver à répondre à la demande. Finalement, c’est un chef des chefs des chefs qui a tranché : pas de personnel en plus. La solution : les infirmières ne prendront plus de congés jusqu’à nouvel ordre.

Est-ce que ce monde est sérieux ?

Ensuite, je termine ma journée par des consultations. À la dernière, j’annonce à un patient de 56 ans, qui en 3 mois a perdu l’usage de la marche et de son bras gauche, qu’il est atteint d’une SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique ou maladie de Charcot). Pathologie gravissime incurable qui se termine en quelques mois par une paralysie des quatre membres en pleine conscience. Le décès fait suite habituellement à une détresse respiratoire aiguë, car le patient s’étouffe en inhalant sa propre salive. C’est une des maladies les plus effroyables qui touche le sujet jeune et qui fait non pas 2 %, mais 100 % de mortalité. Heureusement, cette pathologie reste rare avec une incidence de 1/50 000 [4,5]. Mais enfin, en 15 ans, j’ai observé une augmentation considérable du nombre de cas. L’incidence est plus élevée dans certaines régions agricoles, dont celle de mon hôpital. Le rôle des pesticides est clairement impliqué dans certaines maladies neurodégénératives et a fait l’objet de publications par mes confrères scientifiques [6]. J’ai pu faire partie d’une de ces équipes de recherche par le passé. Ces pathologies neurologiques touchent ainsi assez fréquemment les agriculteurs. Elles n’affectent donc que peu les hommes politiques. Ouf !

C’est ainsi que s’est déroulée ma journée. Pas de problème lié au covid, mais un personnel sous tension, des robots (et des robots « chefs ») à la place des hommes, un système sanitaire public (et pourtant j’aime « mon » hôpital !) en pleine transformation dans une logique nationale de rentabilité, une déshumanisation de la santé, avec pourtant des patients en grande souffrance, et enfin une augmentation silencieuse (dans l’indifférence de nos dirigeants) de maladies neurodégénératives incurables, environnementales, induites par notre mode de consommation. Alors, oui, moi aussi, comme tous les Français, aujourd’hui, j’ai peur…

 

Références :

  1. Évolution clinique et risque de mortalité du COVID-19 sévère. P. Weiss et D. R. Murdoch. Lancet, 2020 28 mars-3 avril ; 395 (10 229) : 1014-1015.
  2. Covid-19 : aspects cliniques et principaux éléments de prise en charge. E. Desvaux, J. F. Faucher, Revue francophone des laboratoires, 2020 novembre : 526.
  3. Maladie à coronavirus 2019-COVID-19, K. Dhama. Clin Microbiol Rev. 2020 octobre ; 33 (4).
  4. Épidémiologie de la sclérose latérale amyotrophique. P. Couratier et coll. Rév Prat, 2016 mai ; 66 (5) : 556-558.
  5. Sclérose latérale amyotrophique, Orphanet.