Description
Ce livre fait suite à la « La Troisième Guerre mondiale a commencé », que j’ai publié en octobre 2002. Les crises financières s’enchaînent. Elles sont dues à l’éclatement des bulles spéculatives liées à la surchauffe de la « planche à billets » par les banques centrales accompagnée d’endettements publics et privés abyssaux. Jusqu’à l’éclatement de trop, qui effondrera le système financier international, provoquant une vertigineuse inflation par dépréciation des monnaies. Et une crise économique mondiale.
Ce chaos engendrera un puissant renouveau du fondamentalisme et du terrorisme islamistes (qui fermentent déjà en Afrique et en Asie). Et le grand retour des guerres interétatiques. Celle entre la Russie et l’Ukraine armée par l’OTAN en donne un avant-goût. Demain, ce sera directement entre la Russie, la Chine et l’Occident. Par le jeu des alliances, le monde entier s’embrasera en un cocktail d’affrontements civils et internationaux, et de terrorisme. Avec en toile de fond des famines et pénuries attisant les fanatismes en tous genres. Particulièrement exposée, l’Europe sera attaquée à l’Est par la Russie et sur son flanc sud par la Turquie – devenue un « État phare » de l’Islam – secondée par une cinquième colonne islamiste.
Laurent Artur du Plessis est un ancien journaliste du Figaro Magazine. Il écrit depuis plus de 20 ans des essais croisant notamment la géopolitique et l’économie pour établir des prévisions à rebours de la pensée dominante, qui se sont révélées justes pour l’essentiel.
Collection « Le Cercle Aristote »
Introduction
INTRODUCTION
Le rêve évanoui de la fin de l’Histoire
La chute de l’URSS installa dans les années 90 l’utopie de « la fin de l’Histoire ». L’hyperpuissance américaine convertirait toute l’humanité à la démocratie et au droits-de-l’hommisme. Elle bâtirait un gouvernement mondial garant de la paix et de la concorde universelles.
Le penseur français Emmanuel Todt prévient : « La Troisième Guerre mondiale a déjà commencé ». C’est le titre d’un de ses livres, publié au Japon en 2023 et vendu à 100 000 exemplaires. C’est aussi le titre (sans le mot « déjà ») de mon premier essai, terminé fin septembre 2022 et publié le mois suivant aux éditions Jean-Cyrille Godefroy.
Ce livre paru il y a plus de vingt ans me plaçait à contre-courant de la doxa de l’époque. Celle de « la mondialisation heureuse » (Alain Minc). Et de « la Fin de l’Histoire » annoncée par l’universitaire américain Francis Fukuyama dans un ouvrage au succès planétaire. En septembre 2002, l’écrasante majorité des intellectuels partageaient la vision de Fukuyama.
L’effondrement impromptu de l’Union soviétique avait semblé inaugurer une paix mondiale éternelle. Les chocs militaires entre grandes puissances semblaient révolus. Leurs rivalités se limiteraient à la sphère économique et financière, au profit du bien-être général. Pressés de « toucher les dividendes de la paix » (Laurent Fabius), les Européens miniaturisaient leurs armées. Cela suffirait contre les inévitables « États voyous » de second ordre et les groupuscules terroristes. Ils s’en remettaient à la protection du géant américain. De toute façon tout danger majeur était écarté : l’ex-armée soviétique qui avait tellement impressionné l’Occident était en pleine déliquescence.
Dans le domaine de la Défense, il restait un seul colosse budgétaire : le Pentagone. Dévorant la moitié des dépenses militaires de la planète, il conférait à l’hyperpuissance américaine le statut de gendarme du monde. Aucun État ne pouvait désormais rivaliser avec elle. La Fédération de Russie avait chaviré dans un chaos politique et économique que présidait un Boris Eltsine alcoolique et déboussolé. Quant à la Chine, elle était loin d’être le géant qu’elle est devenue.
La première guerre du Golfe, ayant opposé en 1991 l’Irak (qui avait attaqué le Koweït) à une coalition de 35 nations conduites par les États-Unis sous mandat de l’ONU, avait consacré la domination américaine. Épaulant les troupes au sol, les bombardiers et les missiles du gendarme du monde avaient pulvérisé l’armée irakienne, classée au quatrième rang mondial. L’invincibilité américaine était universellement établie. On voyait s’ouvrir une nouvelle ère, celle de la pax americana étendue à l’humanité entière, en une réplique magnifiée de l’antique « pax romana » géographiquement bien plus réduite.
Impression confirmée par les guerres balkaniques de la décennie 1990. Les États-Unis y avaient tenu le rôle du Shérif venu rétablir l’ordre au nom des droits de l’homme à la tête d’une coalition internationale. Avec un épisode cyclopéen : le bombardement terrifiant de la Serbie, détruisant ses ponts, ses centrales électriques, ses gares, ses routes… Au bout de 78 jours, Belgrade s’était incliné devant le gendarme du monde auquel rien ne résistait.
Après cela, il y avait eu la sidération des attentats du 11 septembre 2001 : les djihadistes d’Al-Qaida projetant des avions de ligne sur les tours du World Trade Center à New York et le bâtiment du Pentagone non loin de Washington… Jusque-là les États-Unis n’avaient jamais essuyé une attaque aérienne sur leur partie continentale. Le 7 décembre 1941, les Japonais avaient bombardé la base navale de Pearl Harbor située au diable vauvert, dans les îles Hawaï. Le gouvernement taliban de l’Afghanistan avait accordé l’hospitalité à Al-Qaida et son chef, Oussama Ben Laden. Sommé par Washington de livrer ses hôtes, il avait refusé. Prenant la tête d’une coalition internationale, les États-Unis avaient aussitôt déchaîné leur puissance technologique sur l’Afghanistan. Al-Qaida et ses protecteurs talibans avaient été défaits par les bombardiers géants B52, les munitions déjà intelligentes et la bombe GBU-43 (« la Mère de toutes les bombes ») d’une puissance phénoménale.
Après cela, l’Irak à nouveau. En septembre 2002, les relations diplomatiques entre les Washington et Bagdad s’étaient dégradées, celui-ci ayant envahi le Koweït le mois précédent. Mais l’opinion dominante était que Saddam Hussein se coucherait devant les États-Unis plutôt que de risquer une nouvelle guerre avec eux. Toutefois, ainsi que je l’annonçais en septembre 2002, celle-ci aurait lieu. Washington la voulait. Ce serait en janvier 2003, après qu’il eût accusé mensongèrement l’Irak de détenir des armes de destruction massive. L’armée irakienne serait à nouveau écrasée. Nouveau triomphe américain…
En septembre 2002, le monde semblait devenir le jardin de l’hyperpuissance étatsunienne. Le XXIe siècle serait « le siècle américain ».Les États-Unis apparaissaient comme le géant ayant vocation à mettre la planète entière sous leur tutelle bienveillante au nom de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie. Il était entendu que cette dernière, née dans la Grèce antique et perfectionnée par l’Europe moderne, serait le régime politique adopté par toute l’humanité.
Quand la Chine était la pierre angulaire de l’utopie mondialiste
En septembre 2002, la Chine ne contrevenait pas à l’utopie mondialiste. Au contraire, son intégration à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) réalisée l’année précédente semblait l’entériner parfaitement. Sous la férule du président Deng Xiaoping, arrivé à la tête de la Chine en décembre 1978, et de ses successeurs, le géant asiatique s’était ouvert aux marchés internationaux et aux capitaux étrangers. Il était devenu l’usine du monde. Son éblouissante croissance économique à deux chiffres le conduirait, selon les théoriciens de la mondialisation heureuse, à devenir une démocratie parlementaire à l’occidentale. Ce serait l’étape décisive vers une gouvernance mondiale sous l’égide des États-Unis.
À ce moment-là, j’écrivais que la Chine refuserait de se couler dans le moule occidental. À un stade ultérieur de son développement, elle entrerait en conflit économique puis militaire avec les États-Unis. Cette volte-face porterait un coup fatal à l’utopie mondialiste.
Dans ce nirvana américano-mondialiste, invoquer le spectre d’une Troisième Guerre mondiale rendait un son étrange…