Par Charles Gave
http://institutdeslibertes.org
« Les Anglais n’ont aucun problème avec les réalités. Ils ont de grosses difficultés avec les idées ».
Winston Churchill
Vendredi prochain, nous allons enfin connaître le résultat du vote Britannique et je n’ai jamais fait mystère de mon souhait : j’espère que la Grande-Bretagne va sortir de cette Union Soviétique molle qu’est devenue l’Union Européenne et que cette sortie remettra un peu les pendules à l’heure à Bruxelles. Il va falloir qu’ils réapprennent que le Souverain est le peuple et non pas leur médiocres personnes.
Nous nous approchons en effet du dénouement de ce qui pourrait bien être la crise de l’Europe Technocratique et comme d’habitude les Anglais sont appelés à faire pencher la balance d’un coté ou de l’autre. Explications.
J’ai passé une grande partie de la semaine dernière à Londres pour rendre visite à mes clients Anglais. Je connais certains d’entre eux depuis trente ans ou plus et je dois dire que j’ai été un peu abasourdi par l’état d’excitation dans lequel je les ai trouvés. Ayant vécu 25 ans à Londres, je les croyais assez flegmatiques. Je me souviens en particulier du Krach de 1987 qui avait eu lieu exactement en même temps qu’une gigantesque tornade qui avait dévasté tout le sud de l’Angleterre. En début de semaine, pendant que les marchés boursiers s’effondraient, la seule chose qui les intéressait était de savoir combien d’arbres multi centenaires avaient été détruits. Parler du Krach, dont tout le monde savait que personne n’en parlerait plus quelques années après était donc… vulgaire. Pensez, des arbres centenaires …. Et donc, tout Anglais convenable dans la City ne montre jamais la moindre excitation quand il s’agit d’argent et il est de bon ton de parler des arbres quand tout va mal et non pas d’actions, d’obligations ou de son métier (comble du vulgaire).
Or, et comme je l’ai déjà dit, aujourd’hui ils sont tous dans un état d’excitation très peu Britannique et cela n’est pas normal.
Ce débat sur l’Europe touche donc à quelque chose de vital et de très profond chez TOUS les sujets de sa Majesté.
Ce qui m’amène à une première réflexion : ce vote n’a rien, mais rien à voir avec l’économie, puisque pour eux l’économie est tout à fait contingente et sans grande importance.
Ce débat fait donc à l’évidence remonter à la surface quelque chose de très profond qui touche à ce que j’aimerais appeler « l’âme » de la Nation (Anglaise) si cette notion d’âme d’une Nation n’avait pas été galvaudée pendant une grande partie du XIXe et du XXe siècle. Mais le fait que cette notion ait été mal utilisée par le passé ne veut pas dire qu’elle est fausse. Elle existe, et existera toujours.
Et donc la première question que tout observateur doit se poser est la suivante : qu’elle est cette « chose » qui est en train de remonter à la surface en Angleterre ? Et cette première question en appellera automatiquement une deuxième. Est-ce que « cela » est aussi en train de remonter ailleurs ?Et ici, je voudrais revenir une fois de plus à Renan, qui expliquait qu’une Nation, c’était une volonté de vivre ensemble, et que cette volonté s’ancrait dans une Histoire-Légende que tout le monde partageait. Et cette Histoire-Légende en Grande-Bretagne est intimement liée au développement de la Démocratie en tant que système politique.
Depuis la « Magna Carta » octroyée par Jean sans Terre il y a plus de 800 ans, à « l’élection » de l’ancêtre de la Chambre des Lords présidée par Simon de Montfort (celui la même qui fut tué devant Toulouse au moment de la Croisade contre les Cathares), à la glorieuse révolution de 1689 en terminant avec la suprématie des « Communes » sur les Lords au XIXe, l’arrivée du suffrage universel, le vote des femmes…le mouvement a toujours été vers plus de Démocratie. Or ce mouvement a été très nettement interrompu depuis la ratification du Traité de Lisbonne bien que les électeurs Français et Hollandais l’aient rejeté sous son nom précédent de Constitution Européenne. Et ce Traité entérine des abandons de Souveraineté considérables en particulier dans les domaines de la Justice et de la prépondérance du Parlement Britannique sur les directives de la Commission Européenne. Qu’il ait été imposé à tous les pays faisant partie de la Communauté alors même qu’il avait été refusé par les deux peuples à qui l’on avait demandé leur consentement pour les Anglais était tout simplement incompréhensible.
Et donc deux choses ont choqué les Anglais dans ces évolutions initiées à Bruxelles.
Le premier fût que ce texte, refusé par les peuples Français et Néerlandais leur soient imposé quand même, et à tout le reste de l’Europe en plus, en utilisant la bonne vieille méthode de Jean Monnet.Les non élus présentent les textes leur donnant de plus en plus de pouvoir sans aucun contrôle démocratique, et souvent ces textes sont rejetés PAR LES PEUPLES comme cela a été le cas pour la Constitution Européenne.Qu’à cela ne tienne, nos « élites » présentent et représentent le même texte sous des formats différents et un jour il est accepté, de guerre lasse.Et de ce jour, il devient intangible et éternel comme les Dix Commandements. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le « cliquet » Monnet, le mouvement ne peut avoir lieu que dans un sens-de plus en plus d’Europe- et les erreurs ne peuvent donc être corrigées comme on le voit tous les jours avec l’Euro.Que le Président Sarkozy ait été à l’origine de cette forfaiture le disqualifie à mon avis à tout jamais pour occuper à nouveau la fonction Présidentielle. Cet homme ne respecte pas le Peuple.
La deuxième fut la mise sous tutelle de la Justice Britannique par la Justice Européenne. S’il y a une idée à laquelle les Britanniques sont attachés, c’est bien d’être jugés par leurs pairs et en fonction de Lois qui ont été rédigées sous le contrôle de leurs représentants puisque c’est cela l’essentiel de ce qu’ils avaient obtenu avec la Magna Carta.Or tout cela n’existe plus.
La Démocratie, depuis le Traité de Lisbonne, a reculé en Grande-Bretagne un peu comme elle l’avait fait au moment du rétablissement des Stuart et cela s’était mal terminé…pour les Stuart Et j’en arrive à ce qui me parait essentiel : Tout le XIXe et une partie du XXe ont été marqués par l’émergence d’une notion essentielle qu’il est convenu d’appeler « le Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ». Or, toute la politique de Bruxelles revient à annihiler ce qui avait été obtenu au prix de guerres et de révolutions sanglantes.
Et donc ce qui est en train de remonter des profondeurs, c’est simplement ce Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes que Bruxelles, lentement mais surement a pour ambition ultime de faire disparaitre. Et tous les totalitarismes ont comme ambition de faire disparaitre cette notion.Et n’importe quel survol historique montre que cela n’a pas très bien marché dans l’histoire récente comme on l’a vu avec l’effondrement de l’union Soviétique, suivi de la re-émergence de Nations que chacun croyait avoir disparu depuis longtemps.Et j’en arrive au deuxième point, cette réalité qui arrive des profondeurs est en train de remonter partout en Europe.
On le voit en Hongrie, en Pologne deux pays qui comme la Grande- Bretagne ont le bonheur de ne pas faire partie de l’Euro et donc ont gardé une certaine Souveraineté.On l’a vu en Autriche où nous saurons bientôt si des fraudes électorales ont permis aux partis pro- Bruxelles de rester au pouvoir de façon illégitime. On commence à le voir aussi en Espagne, où les déficits budgétaires et donc les dettes explosent et où Podemos risque de l’emporter.
On le voit au Portugal, le pays le plus endetté au monde et qui crève sous le joug de Bruxelles et de l’Euro.On le voit en Italie où la montée du mouvement des cinq étoiles semble se confirmer, aux dépens encore une fois des pro-Bruxelles. Quant à notre pays, je constate avec stupéfaction une totale déliquescence de l’Etat sans que l’opposition « officielle » réagisse en identifiant le vrai problème dont souffre la France. Et ce problème est le suivant : nous avons perdu la maitrise de notre destin et ce qu’il est convenu d’appeler la Droite de gouvernement ne nous propose que des recettes de cuisine pour redresser l’économie. Redresser l’économie quand on a perdu le contrôle de la politique budgétaire, de la monnaie et de ses frontières est une aimable plaisanterie.
Bref, nous sommes en train d’assister à l’échec du coup d’Etat organisé par les hauts fonctionnaires Français à la suite de la réunification de l’Allemagne.
A l’époque, dans mon livre, « Des Lions menés par des Anes », j’avais écrit que ces hommes allaient détruire l’Europe de la diversité et de la subsidiarité dans leur rêve fou de créer un Etat Européen dont personne ne voulait sauf eux.Nous y sommes. Et si par hasard, les Anglais votaient pour rester dans l’Union Européenne, alors c’est là que les choses commenceraient à aller mal partout ailleurs.
Les Anglais se révoltent en général dans l’ordre.
Les révoltes des autres peuples Européens contre ceux qui veulent les assujettir, par contre, sont rarement paisibles.