par Edouard Husson Le Courrier des stratèges
18 novembre 2024
Emmanuel Macron trépigne: le pape François ne s’est pas plié aux caprices du président français. Il a refusé de venir à la réouverture de Notre-Dame les 7 et 8 décembre. Et il a accepté de se rendre en Corse le 15 décembre. Rions un bon coup. Parce qu’il s’est permis de tutoyer le Pape lors d’une audience, le zozo de l’Elysée pensait avoir mis le Souverain Pontife dans sa poche. Dur retour à la réalité. François n’a pas l’habitude qu’on lui dicte son agenda, surtout quand l’injonction vient d’un homme qui a fait inscrire l’avortement dans la Constitution et veut faire voter une loi ouvrant la porte à l’euthanasie des malades. Deux lois incompatibles avec la défense inconditionnelle de la vie par les catholiques.
Allez, rions un bon coup. Le gamin du 55 Faubourg Saint-Honoré a fait un gros caprice lorsqu’il a appris que le Pape François ne viendrait pas à la réouvertture de Notre-Dame de Paris les 7 et 8 décembre.
Le samedi 7 décembre prochain aura lieu, à Paris, la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame. Cinq ans après avoir été ravagé par les flammes, l’édifice entièrement restauré accueillera à nouveau du public. Le lendemain, à 10h30, l’archevêque de Paris, Monseigneur Laurent Ulrich, présidera la messe inaugurale durant laquelle aura lieu la consécration de l’autel. Pendant deux jours, tous les regards seront tournés vers le vénérable édifice. Tous, excepté celui du pape François. Ce week-end là, le souverain pontife a d’autres obligations. Il a organisé un consistoire ordinaire public pour la création de nouveaux cardinaux. Après avoir martelé « Je n’irai pas à Paris », il s’est trouvé une échappatoire.
Son absence pose question. D’autant plus que la cathédrale Notre-Dame de Paris n’est pas une église comme les autres, elle est emblématique du catholicisme européen. Le fait que le pape ne se déplace pas pour l’occasion apparaît inexplicable et incompréhensible. À l’Élysée, cela a aussi été source de crispation. Au plus haut sommet de l’État, on ne s’attendait pas à un tel refus.
François viendra en Corse le 15 décembre
Le président français est d’autant plus en colère que François accepte de venir en Corse une semaine plus tard pour la clôture d’un colloque sur la piété populaire, à l’invitation de l’archevêque d’Ajaccio, qu’il a fait cardinal, Monseigneur François-Xavier Bustillo.
[La] frustration d’Emmanuel Macron a été ravivée par l’annonce de la possible venue du chef de l’Église en Corse, le 15 décembre, soit une semaine, seulement, après l’événement parisien. Selon plusieurs sources proches du Président relayées par Le Monde, ce dernier aurait très mal pris le fait que le pape envisage une visite en Corse. Il aurait même fait part de son agacement au cardinal Bustillo.
Allez! Un franc éclat de rire. Le gamin trépigne: selon Le Point, le pape François verrait l’inauguration de la cathédrale comme un événement mondain et politique, plus que comme un événement religieux. Il ne souhaiterait pas s’associer à cela.
Un cardinal proche du souverain pontife a également confié au Figaro que le pape ne voulait pas être la « guest-star » du président de la République française.
Pour le pape, Emmanuel Macron utiliserait l’événement à des fins politiques, pour faire briller la France à l’international, mais surtout pour attirer la lumière sur sa propre personne.
Dur, dur Manu: tu avais oublié que ce pape est un Jésuite, il appartient à un ordre religieux où l’on pratique particulièrement le discernement des esprits.
Des motifs de fond
Dans son hubris, Emmanuel Macron a oublié qu’il s’adressait au pape.
Est-il si sûr que le Pape François ait apprécié le tutoiement d’Emmanuel Macon? Notre très plouc président a ignoré deux choses: (1) en espagnol, le tutoiement est facile. Il n’entraînait pas obligatoirement la réciproque. Il eût été approprié que le Président voussoyât le Souverain pontife.
Ajoutons que (2) le président français pense qu’il est possible d’avoir le Pape en invité d’honneur quelques mois après avoir inscrit l’avortement dans la Constitution et au moment où se déroule un débat sur la “fin de vie”, en fait l’euthanasie.
Mentionnons enfin le fait que le Pape a peu apprécié le fiasco épiscopal français dans la gestion du rapport Sauvé et la communication sur sa publication.
Et puis il y a la Guerre d’Ukraine. Et puis la Guerre de Palestine. Deux conflits où le Pape ne s’est pas senti très soutenu, dans ses plaidoyers pour la paix, ni de la part du président français ni de la part des évêques de France.
Ce pape qui parle de “génocide” à propos de Gaza
François est un pape surprenant. Nous l’avons suffisamment critiqué pour son obsession écologique, pour son attitude durant la crise du COVID, pour son hostilité à la messe célébrée dans le rite tridentin.
Force est de reconnaître que le pontificat évolue mieux qu’il n’avait commencé. Il vient de maîtriser le synode romain qui se voulait “révolutionnaire”. Il a publié iune encyclique de très bonne facture sur le Cœur du Christ.
Sur le conflit ukrainien, sur la Palestine, le Pape est impeccable. Dans un livre à paraître mi-décembre, il parle du Proche-Orient.…
Proche-Orient, où les portes ouvertes de nations comme la Jordanie ou le Liban continuent d’être le salut de millions de personnes fuyant les conflits de la région: je pense en particulier à ceux qui quittent Gaza au milieu de la famine qui frappe leurs frères palestiniens face à la difficulté d’acheminer de la nourriture et de l’aide sur leur territoire. Selon certains experts, ce qui se passe à Gaza a les caractéristiques d’un génocide. Il doit faire l’objet d’une enquête approfondie afin de déterminer s’il correspond à la définition technique formulée par les juristes et les organismes internationaux.
Ce pape qui nous demande de regarder vers la Méditerranée
Quand il était venu à Marseille, le Pape avait insisté sur le fait qu’il ne rendait pas une visite à l’ensemble de la France mais dans une ville clé du pourtour méditerranéen. En 2024, il éconduit Emmanuel Macron qui le voulait à Paris et il se rend à la place à Ajaccio. La Méditerranée, toujours, le berceau de notre civilisation.
Tout se passe comme si le Pape ne voulait pas entendre parler de la France de Macron, nation tournée de façon quasi-exclusive vers le monde anglo-américain et l’Allemagne. François nous rappelle implicitement que le christianisme en Gaule est venue de Méditerranée. Il ramène notre nation à ses origines, romaines, grecques et latines. Il a fait deux cardinaux français: l’archevêque de Marseille (Aveline); et celui d’Ajaccio!
François est cohérent: son intérêt pour le sujet de l’immigration est lié à sa conviction que la Méditerranée est l’espace le plus crucial pour maîtriser les crises contemporaines. Il envoie aussi un signe à notre vieille nation chrétienne.
Et puis il rappelle utilement au gamin de l’Elysée que le Pape ne se soumet à aucun pouvoir temporel.