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La France et l’Europe des nations doivent se rapprocher de la Russie (4)

 

L’Arctique russe abrite 80 % du gaz russe, 20 % du pétrole russe, représente 30 % du territoire russe, 53 % du littoral de l’océan Arctique, 15 % du PIB russe et compte 2,5 millions d’habitants. L’Arctique regorge de pétrole et de gaz ; on estime les réserves de pétrole à 90 milliards de barils et les réserves de gaz non découvertes à 30 % du potentiel non découvert de la planète.
En 2021, les États-Unis ont produit 934 milliards de m3 de gaz contre 701 milliards pour la Russie, mais les États-Unis consomment 90 % de leur gaz, ce qui fait de la Russie un exportateur mondial infiniment plus important que les États-Unis. Avec le pétrole arctique et le gaz arctique, les exportations de la Russie se situent au niveau de l’Arabie saoudite et du Qatar.

La Russie possède 57 brise-glaces, soit la première flotte mondiale, les USA 5 et la Chine 2 ; son intention est d’en construire d’autres en très grand nombre d’ici 2025, avec l’aide de l’Inde et de la Chine. Le réchauffement climatique va ouvrir, en effet, plusieurs routes polaires. Moscou a inauguré, en novembre 2022, le brise-glace nucléaire « Ural » qui doit assurer la suprématie de Moscou dans l’Arctique, en ouvrant les routes maritimes du Nord, toute l’année. Sans une flotte de brise-glaces nucléaires modernes, il est impossible d’imaginer le développement de la route maritime du Nord. Cette route permettra d’assurer les livraisons d’hydrocarbures vers l’Asie pour compenser l’embargo de l’UE.
La voie maritime du Nord est le plus court chemin de l’Asie vers l’Europe et vers les Amériques. 80 % du trajet se fait dans les eaux territoriales russes. Cet itinéraire raccourcit les distances de 5 000 à 7 000 km, soit un gain de 40 % du trajet, avec donc 40 % de temps et de carburant en moins. Selon les accords de Montego Bay de 1982, la Russie peut prétendre à un droit de péage ou d’accompagnement dans ses eaux territoriales, et refuser l’accès aux indésirables. Les Russes ont renforcé leurs forces armées et construit l’immense base ultra-moderne avec centrale électrique, clinique ultra-moderne et aérodrome couvert du « Trèfle Arctique » sur l’île Kotelny à 600 kilomètres du pôle Nord.
Les Chinois voient dans cette route maritime une nouvelle route de la soie et ont signé un accord à Mourmansk avec la Russie, pour demander le respect du droit maritime, conformément au protocole de Montego Bay. Cet accord doit être considéré comme une mise en garde très ferme de la Chine et de la Russie, impliquant, si nécessaire, l’emploi de la force militaire à l’égard de l’Alliance Atlantique.

L’apport possible par la Russie à l’Europe d’une ouverture sur le Pacifique et du boom économique de l’Extrême-Orient russe

« L’Europe à 2 heures d’avion ! » peut-on lire sur des placards publicitaires à Séoul, en Corée du Sud, pour vanter l’européanité de l’Extrême-Orient russe. Longtemps délaissée par Moscou se méfiant d’une sinisation possible par apport de population immigrée, l’Asie russe, suite au rejet des avances de Gorbatchev et de Poutine par les Européens-valets de l’Amérique, devient, avec l’Arctique, la nouvelle priorité. Il y a longtemps que le nouveau Tsar du XXIe siècle ambitionnait de développer ces territoires immenses, mais, arrivé au pouvoir en 2000, sa priorité a été de redresser un pays livré à l‘anarchie, de ramener la dette de la Russie à seulement 15 % du PIB (France 115 % du PIB) et de reconstruire une armée puissante, disciplinée, moderne.

L’Extrême-Orient russe connaît actuellement un boom économique. Malgré la guerre en Ukraine qui monopolise l’énergie du pays, les investissements, les infrastructures et le commerce explosent. La Chine, l’Inde et des délégations de l’ASEAN et des pays arabes étaient présentes au Forum économique de Vladivostok en septembre 2023. Poutine a pu déclarer : « L’Extrême-Orient est la priorité stratégique de la Russie pour tout le XXIe siècle ».
Le potentiel de développement de cette portion du continent asiatique est en effet colossal. En 2023, 2800 projets d’investissements sont en cours, complétés par la création de plusieurs zones économiques spéciales avancées, internationales (ASEZ) et l’expansion du port franc de Vladivostok. Resté inexploré et inexploité sur les deux tiers de son espace, l’Extrême-Orient russe bénéficie dorénavant d’un taux d’investissement trois fois supérieur à la moyenne russe. Son potentiel pour les industries de ressources naturelles (bois, minerais, pétrole, gaz, pêche, activité portuaire et industries connexes avec les nouvelles routes maritimes de l’Arctique) est illimité. D’ici 2030, la production de GNL russe dans l’Arctique va tripler. Dans cette conquête du « Far-East » russe, le chemin de fer joue un rôle fondamental : le Trans-Baïkal est la ligne ferroviaire la plus fréquentée du monde.

La Russie est le seul pays d’Europe ayant une ouverture sur l’Asie et le Pacifique. Vladivostok deviendra un nouveau Hong-Kong russe, alors que la ville, chinoise jusqu’en 1860, s’appelait « Port aux crevettes ». À vol d’oiseau, Vladivostok n’est pas très éloignée de Pékin. La Russie, c’est donc aussi un accès au Pacifique, avec un pied en Asie.
Il convient de noter aussi la nouvelle route asiatique de Poutine vers le sud du pays, cette fois-ci, reliant Saint-Pétersbourg à Bombay, en 15 à 24 jours, en descendant la Volga et en rejoignant la Mer Caspienne, grâce au Canal ITC, vers Astrakhan, port de la Caspienne. Les marchandises sont alors transportées par bateaux jusqu’à Rashi en Iran, pour être ensuite expédiées par voie ferroviaire jusqu’à Téhéran, d’où elles sont acheminées ensuite vers Bombay, ou la Chine ou le Moyen-Orient. Par le canal de Suez, la durée d’acheminement de Saint-Pétersbourg à Bombay, est de 30 à 45 jours.
Sans la moindre imagination, ni vision à long terme, par soumission aux Américains, les responsables européens ont donc sabordé l’avenir de l’Europe préparé par Charles de Gaulle, pour faire seulement le bonheur de Washington. La Grande Europe de Brest à Vladivostok représenterait un colosse potentiel sur le plan stratégique, démographique, géographique, civilisationnel, culturel, économique et militaire.

L’Alliance Europe des Nations/Russie pour faire face à l’impérialisme américain et à la Chine

Il faut donc en finir avec la russophobie formulée en 1839 par le marquis de Custine dans sa célèbre formule : « La Sibérie commence à la Vistule ». En fait la Sibérie commence bel et bien à l’Oural et nulle part ailleurs. Comme disait le général de Gaulle, fervent défenseur de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, « il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités » et cette réalité, comme a pu l’exprimer Jean-Pierre Chevènement, c’est que « Sans la Russie, il manque quelque chose à l’Europe ».
L’autre réalité, c’est que les nations se réveillent partout en Europe et que les États-Unis pourraient bien perdre, selon le philosophe italien Costanzo Preve (1943-2013), la Quatrième guerre mondiale, commencée après la chute du Mur de Berlin, en 1989, pour détruire la souveraineté des nations européennes, étendre leur emprise économique, politique, militaire et culturelle en Europe jusqu’à ce que l’on rende obligatoire l’enseignement de la langue anglaise, en fait l’anglo-américain, par adjonction aux « dialectes nationaux » en voie de dépérissement. La Russie de Poutine apparaît aujourd’hui comme le principal pôle de résistance à cette tentative qui a d’ores et déjà échoué.
Costanzo Preve a admirablement bien résumé dans son ouvrage la situation : « L’Europe n’a donc devant elle que deux voies, comme Hercule à la bifurcation du chemin : ou bien accepter l’hégémonie absolue (le « leadership ») des États-Unis et en devenir un appendice touristique et « humanitaire », ou bien chercher la voie d’une autonomie stratégique réelle, eurasiatique ou même euro-centrique ». Une Alliance Europe/Russie, la Russie prenant, à terme, la place des États-Unis dans un OTAN européen, consacrerait définitivement la défaite de l’impérialisme américain et la victoire des partisans de l’Europe européenne, indépendante, puissante et libre.

Marc Rousset – Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï -370p.- Librinova -2024