Par Philippe Fabry
Alors qu’en mer de Chine du sud se font entendre de plus en plus fort, outre les bruits de botte, le ronflement des hélices et le sifflement des réacteurs, comme vous pourrez vous en rendre compte en consultant notre page , je voudrais revenir du côté de l’Europe et de Poutine.La guerre de Xi
Il y a quelques jours, Erdogan s’est rendu à Moscou, et le ton de la rencontre laisse penser que nous assistons bien à un revirement stratégique de la Turquie en direction de la Russie., que j’ai appelé « revirement à l’italienne », en référence au parallèle qu’on peut faire avec le revirement de Mussolini vers Hitler en 1936 après une phase de tensions.
Par ailleurs, le sommet de l’OTAN qui s’est tenu les 8 et 9 juillet derniers semble avoir résulté en une réaffirmation de l’unité de l’Alliance. Je dis bien « semble », car il est toujours difficile de faire un bilan objectif de ce genre d’événement dès les jours qui suivent : ceux qui y participent veulent toujours donner l’impression d’un succès, et commentent donc par des déclarations optimistes non nécessairement en phase avec la réalité. Cependant, si l’on a bien vu la France et l’Allemagne insister, comme l’on pouvait s’y attendre, sur la nécessité de maintenir le dialogue en refusant de voir dans la Russie de Poutine un « ennemi », il faut admettre qu’il ne semble pas y avoir eu de dissension majeure et que plusieurs décisions concrètes ont été entérinées pour parer au plus pressé, savoir la menace russe pesant sur les pays Baltes, même si les déploiements de troupes alliées envisagées seraient visiblement insuffisants à bloquer une attaque russe sur lesdits pays, ils devraient garantir, au moins en partie, une application de l’article 5, les pays ayant des troupes sur place devant se considérer de facto comme attaqués en cas d’invasion russe. Sans pouvoir dire si elle sera suffisante, la montée en force est donc indéniable.
En tout cas, il y a un net progrès dans la prise de conscience du danger que représente la Russie de Poutine,avec par exemple ce rapport de l’armée britannique pour laquelle Poutine utilise l’Ukraine pour entraîner et aguerrir ses troupes en vue de la confrontation.
Bien sûr, le coup d’Etat survenu en Turquie entretemps, et ses conséquences susdites, ont refait partir le curseur du côté du danger maximum, puisqu’une OTAN ayant perdu son pilier sud serait naturellement moins à même de contrer des visées russes en Europe de l’Est ; inversement, Poutine sera d’autant plus enclin à agir en l’absence du risque d’attaque à revers.
Tout ceci me pousse à revenir sur la question du « péril Poutine », d’un point de vue historionomique, afin de voir si le danger est mesurable.
En effet, ceux de mes lecteurs qui auront lu mon dernier livresavent déjà que je pense que la connaissance des schémas historiques doit nous permettre de prévoir les grandes lignes du futur, mais aussi que ces grandes lignes se présentent sous la forme d’une « fourchette » à l’intérieur de laquelle demeure une marge de variation. Par exemple, une guerre peut être certaine, sans que son degré de gravité et d’ampleur puisse être exactement prévu, mais seulement estimé dans une certaine mesure. C’est cela que je souhaite faire aujourd’hui : établir le meilleur et le pire des cas.
Et cela me paraît possible grâce aux deux analogies historiques que j’ai déjà présentées sur ce blog concernant la situation de la Russie face à l’Europe :
– il y a d’abord la trajectoire similaire à celle de la Russie poutinienne, dans un schéma de 70-80 ans, à celle de la France napoléonienne et de l’Allemagne hitlérienne
– Il y a ensuite le parallèle avec l’Antiquité : la situation entre la Russie, l’Europe et l’Amérique est similaire à celle qui prévalait entre la Macédoine, la Grèce et Rome à la fin du premier tiers du IIe siècle avant notre ère, à l’époque du roi Persée de Macédoine
Notons d’ailleurs que la Macédoine de Persée, comme la Russie de Poutine, s’inscrit dans la catégorie de ce que j’appelle les impérialismes revanchards, suivant le modèle déjà présenté dans l’article présentant le parallèle avec Poutine et Hitler. Si l’on prend le schéma simplifié du tableau présenté dans ledit article, l’on retrouve bien la trajectoire :
Schéma | Macédoine |
Fondation de l’empire | – 222 : Empire d’Antigone Doson après la victoire contre Sparte |
Défaite humiliante et effondrement du régime | – 197 : Défaite de Philippe V contre Rome. Perte de la Thessalie et de l’hégémonie sur la Grèce. |
Militarisme nationaliste | Persée monte sur le trône et redresse l’armée. |
Réarmement et premières actions militaires | – 172 : Attentat contre Eumène de Pergame |
Irrédentisme agressif | Extension de l’influence avec des traités en Grèce |
Tentative diplomatique des démocraties | Signature d’une trêve avec Rome |
Déclenchement de la guerre d’agression | – 171 : Attaque de Persée et victoire de Callinicos |
A ces deux analogies, j’en ajouterai une troisième, également importante : celle de la Carthage d’Hannibal, qui répond aussi au schéma de l’impérialisme revanchard ; étant donné le parallèle existant et exposé dans mes livres entre l’histoire romaine et l’histoire américaine, et le fait que la Russie est la Carthage de l’Amérique, l’ennemi héréditaire pour la suprématie globale, il doit en être tenu compte. Je n’ai pas fait d’article à ce sujet, mais voici le tableau synthétique reprenant le schéma :
Schéma | Carthage |
Fondation de l’empire | – 307 : défaite d’Agatocle de Sicile, affirmation carthaginoise sur l’Afrique |
Défaite humiliante et effondrement du régime | – 241 : Défaite dans la Première guerre punique contre Rome. Guerre civile (guerre des Mercenaires) et perte du pouvoir par l’oligarchie au profit des démagogues barcides. |
Militarisme nationaliste | Militarisme des Barcides (famille d’Hannibal Barca) |
Réarmement et premières actions militaires | Conquête du sud de l’Espagne. |
Irrédentisme agressif | Attaque sur Sagonte. |
Tentative diplomatique des démocraties | Tentative de négociation de Rome. |
Déclenchement de la guerre d’agression | – 218 : Attaque d’Hannibal |
Dans ces diverses situations historiques, l’ampleur de la guerre, des réussites de l’envahisseur et des destructions engendrées a varié : Persée a pratiquement été confiné chez lui après un léger succès initial ; Napoléon et Hitler ont, grâce à d’importants succès initiaux, réussi à bâtir un empire éphémère en Europe ; Hannibal a remporté des succès initiaux écrasants, causant à Rome des dégâts catastrophiques et la mettant au bord de la destruction. Tous ont fini par être vaincus par ce que j’ai appelé la « thalassocratie » du temps (Rome, l’Angleterre ou l’Amérique, selon), mais le degré de puissance atteint par l’impérialiste revanchard et les dégâts provoqués par la guerre dans l’entretemps n’ont pas été du même ordre.
Et c’est de cela que je souhaite parler aujourd’hui, parce qu’on me demande souvent ce que cela donnerait. Eh bien, précisément, avec ces divers exemples, nous tenons, me semble-t-il, notre « fourchette historionomique », allant du moins mauvais au pire des scénarii.
(Note : la plupart des cartes ont été réalisées en utilisant l’excellent site Géacron)
Le moins mauvais scénario : la Troisième guerre macédonienne
Il faut espérer que la confrontation de l’Europe et des Etats-Unis avec la Russie de Poutine sera aussi facile que la guerre qui opposa Rome et ses alliés grec à la Macédoine de Persée.
Revenons un peu en arrière. Nous voyons ci-dessus, comment, à la suite de la Deuxième guerre macédonienne (terminée en -197), l’empire macédonien de Philippe V (première carte) dut renoncer à son hégémonie sur la Grèce (deuxième carte), qui redevint indépendante après la proclamation de la liberté des cités grecques par le consul romain Flamininus en -196.
La Macédoine était en outre contrainte à l’alliance avec Rome, notamment dans la guerre contre Antiochos, à l’Orient.
En -179, Philippe V meurt, et son fils Persée lui succède à la tête de la Macédoine. Il est revanchard et rêve de rendre à son royaume sa puissance passée, avant la défaite contre les Romains. Tout en renouvelant le traité d’alliance avec Rome, il commence à préparer la guerre : il remet son armée sur pied, amasse un trésor de guerre, et cherche à se créer des alliances ; il trouve des amis chez ceux qui haïssent Rome, notamment les exilés et criminels Grecs. Les Achéens, attachés à la liberté politique de la tradition grecque, n’apprécient pas le despotisme du monarque macédonien, mais certains parmi les aristocrates défendent néanmoins un dialogue avec lui, y voyant un moyen de ralentir l’évolution vers la dépendance envers Rome.
La nouvelle guerre entre Macédoine et Rome éclata en -172. Des pans de la Grèce virent triompher le parti démagogue pro-macédonien : la Béotie s’allia avec Persée, et sombra dans la guerre civile entre pro-romains et pro-macédoniens. Même chez les Grecs non hostiles à Rome, les victoires initiales de Persée suscitèrent de l’enthousiasme : Polybe explique (Histoire générale, XXVII, 7) que, si ses compatriotes avaient conscience des avantages de la domination romaine comme de la tyrannie passée de la Macédoine, voir l’orgueil romain mis en difficulté n’était pas pour déplaire à la fierté hellène.
Après quelques succès militaires, notamment à Callinicos, permis par l’impréparation romaine face à un adversaire déterminé à la guerre depuis plusieurs années, Persée fut vaincu à Pydna, après quatre ans de guerre, par Paul-Emile. Le roi fut fait prisonnier et le royaume de Macédoine divisé en quatre républiques sous contrôle romain.
La Grèce, après la victoire romaine (carte ci-dessus), fit l’objet d’une « reprise en main ». Paul-Emile fit le tour de la région en sanctionnant ceux qui avaient pris le parti de la Macédoine. La Grèce était désormais condamnée à une vassalisation croissante.
Cette guerre ne fut pas l’une des plus meurtrières de Rome : en dépit de sa longue durée, les mouvements furent peu nombreux, Persée n’ayant pas les moyens de mener des opérations de grande ampleur et les Romains attendant d’être parfaitement préparés pour frapper. Les destructions furent donc relativement limitées.
Plusieurs éléments penchent vers ce scénario plutôt favorable : la prise de conscience progressive du danger que représente la Russie de Poutine, que j’évoquais en début d’article, mais aussi la disparité de taille et des forces : tout comme l’Amérique aujourd’hui, le potentiel militaire (démographique, notamment) et économique de l’Italie romaine dépassait largement les capacités macédoniennes. Par ailleurs, si finalement la dissuasion nucléaire continue de jouer sur le même mode que durant la guerre froide, les confrontations militaires conventionnelles devraient également demeurer limitées : Poutine pourrait être vaincu sans aller beaucoup plus loin que les pays Baltes et la mer Noire.
Cependant, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer, la supériorité de l’OTAN sur le papier n’est pas une assurance contre des résultats militaires surprenants, comme ceux qu’obtinrent Hitler ou Napoléon.
Le scénario médian : la trajectoire d’Hitler et de Napoléon
Ici, je ne reviendrai pas sur le détail, les deux articles cités précédemment étant assez complets. Je vais donc m’intéresser plus spécifiquement à la question de l’expansion territoriale possible de la domination russe dans le cas où Vladimir Poutine rencontrerait des succès comparables aux succès initiaux de Napoléon et Hitler.
En effet, j’ai pu constater que la géographie a souvent un certain rôle historionomique, par exemple le déplacement vers l’ouest de ce que j’ai appelé dans mon livre le cycle A-B, ainsi qu’un changement d’échelle territoriale et de population. De même, à l’échelle du monde, la géographie de l’Europe apparaît aussi torturée -avec une forte concentration de péninsules, d’îles et de presqu’ïles – que celle de la Grèce par rapport au monde méditerranéen (ce qui a vraisemblablement un rôle historionomique en favorisant l’apparition de particularismes locaux, et donc de nations diverses, par séparation physique des populations).
Or, sur les deux premières « occurrences » européennes d’un impérialisme revanchard, celui de la France napoléonienne et de l’Allemagne hitlérienne, on observe une certaine constance, quoi qu’à travers un déplacement. Voyons plutôt.
Comme je l’avais expliqué dans mes précédents articles, les guerres proprement napoléoniennes, causées par l’impérialisme napoléonien et non plus par le phénomène révolutionnaire, débutent en 1805. La France a alors pour alliée, depuis 1796 et le Traité de San Idelfonso, l’Espagne, avec laquelle elle avait fait la paix en 1795 et qui avait quitté la Première coalition pour se retourner contre l’Angleterre. Pour la France napoléonienne, l’Espagne a donc tenu de rôle de l’allié un peu contraint et de second rang qu’a tenu l’Italie fasciste auprès de l’Allemagne nazie : un pays qui s’allie après avoir rompu avec le camp d’en face, qui offre une aide assez inefficace dans la guerre globale, et nécessite finalement de mobiliser des forces importantes pour l’occuper en raison de ses insuffisance ; le « bas-ventre mou » en somme.
Sur la carte, figure donc en bordeau l’Empire français et son alliée l’Espagne. En rouge figurent les pays conquis, vassalisés ou alliés contraints ; je n’y ai pas fait figurer la Russie, car elle fut un allié particulier, temporaire, sur un relatif pied d’égalité. La ligne bleue marque les frontières du Saint Empire romain germanique, dont la couronne était alors détenue par François Ier, qui dut y renoncer pour être seulement empereur d’Autriche.
Sur la carte ci-dessus, c’est l’Allemagne nazie et son alliée l’Italie fasciste qui apparaissent en noir, et en gris les territoire annexés, occupés, vassalisés ou alliés, exception faite des territoires d’Union soviétique, qui demeura alliée jusqu’en 1941 avant d’être envahie à son tour.
Si l’on fait abstraction de l’Afrique du Nord, qui était sous le contrôle du régime de Vichy et sur laquelle le contrôle allemand fut donc très ténu, à l’exception des zones « visitées » par l’Afrikakorps en Tunisie et en Libye, l’on constate un déplacement vers l’Est de la zone d’expansion impériale, suivant le déplacement du centre de gravité, l’axe franco-espagnol se situant un millier de kilomètres plus à l’ouest que l’axe germano-italien : l’Espagne et le Portugal sont neutres et échappent à la domination allemande, cependant que les Balkans et la Grèce y succombent.
Alors, évidemment, deux occurrences, cela fait un peu court pour affirmer qu’il y a là une sorte de règle, mais le fait que la capacité de domination territoriale n’ait finalement guère changé entre Napoléon et Hitler alors que les moyens de transport avaient fait des progrès phénoménaux durant le quasi siècle et demi les séparant, l’on peut suggérer que les choses continueront de suivre ce cours-ci. Et ce d’autant plus que cela correspond à des éléments factuels stratégiques importants : la France est le seul pays d’Europe continentale à disposer en propre de l’arme nucléaire. Or si, dans l’hypothèse où une invasion conventionnelle russe de l’Europe serait possible sans emploi de l’arme nucléaire par les Américains, qui refuseraient de risquer une guerre nucléaire contre la Russie pour sauver des Européens, et où la France elle-même ne voudrait pas risquer d’être rayée de la carte pour sauver ses voisins européens, il demeure que la France serait sans doute prête à tirer pour protéger son propre territoire : cela imposerait donc, militairement, à la Russie de s’arrêter à la frontière française, voire belge si la France était prête à protéger son petit voisin francophone, hypothèse que j’ai conservé admise dans la carte suivante, même si Poutine voudrait sans doute, pour le symbole, s’emparer de Bruxelles. Ainsi donc, la France se trouverait dans une situation semblable à celle de l’Espagne de Franco, déclarant une neutralité pour s’extraire du conflit tout en étant trop capable de se défendre, avec sa dissuasion nucléaire, pour que Poutine cherche à aller jusqu’à l’Atlantique. Ceci donnerait la carte de domination russe suivante, avec un nouveau déplacement vers l’Est d’un millier de kilomètres en Europe, suivant le nouvel axe, que j’ai fait figurer ici comme étant Russo-turc, intégrant le parallèle que j’ai fait entre la Turquie d’Erdogan et l’Italie fasciste dans le concert européen, et qui demande encore à être confirmé.
Nous aurions donc, en violet, la Russie poutinienne (et l’enclave de Kaliningrad) avec la Crimée annexée, et l’allié turc. En mauve, les territoires qui, si se produit un scénario correspondant à la trajectoire de Napoléon et d’Hitler, pourraient tomber sous la coupe de la Russie poutinienne, soit par occupation, soit par alliance avec des gouvernements issus des courants populistes et soutenus aujourd’hui par le Kremlin.
Et comme la Russie s’étend aussi hors d’Europe, et pour être complet, j’ai fait cette carte pour montrer l’ère de domination totale qu’elle pourrait atteindre, durant un bref apogée, de quelques mois à quelques années, le temps que la puissance américaine se mette en branle pour repousser et renverser Poutine.
Ci-dessous, pour visualiser le déplacement, comme une vague, j’ai comparé les trois cartes.
Tout ceci arriverait si Poutine attaque l’Europe – vers 2018, dis-je depuis longtemps – et remporte des succès initiaux d’une ampleur comparable à ceux d’Hitler (écrasant la France réduite à l’Etat français) et Napoléon (écrasant l’Autriche et démembrant le Saint Empire), qui consisteraient en une percée jusqu’à Berlin et une capitulation de l’Allemagne.
Ce scénario serait naturellement plus grave que le précédent, car la majeure partie de l’Europe serait touchée par les destructions, et devrait subir durant une période non négligeable une hégémonie russe très martiale, avec des régimes autoritaires. La guerre serait plus longue, et plus dure, car le terrain perdu devrait être repris.
Ce scénario est d’autant plus probable que l’OTAN est vraisemblablement entrain de perdre son pilier sud, la Turquie, qui pourrait en plus devenir un ennemi. En outre, les Etats-Unis risquent d’être très occupés ailleurs avec la montée des tensions en mer de Chine qui pourraient tourner à la guerre ouverte, et mobiliser des forces importantes qui ne pourraient être employées pour défendre une Europe assez désarmée aujourd’ui.
Mais si l’on suit la trajectoire de la Deuxième guerre punique, alors la situation serait encore plus catastrophique.
Le scénario du pire : les éléphants d’Hannibal
Je ne reviendrai pas sur les rappels historiques insérés au tableau plus haut.
J’ajouterais qu’Hannibal comme Hitler et Napoléon, a obtenu des résultats initiaux fabuleux grâce à une audace extraordinaire : jouer pratiquement son va-tout sur les premières actions, dans une stratégie basée sur le mouvement fulgurant vers l’adversaire, l’encerclement (la bataille de Cannes en fait le maître incontesté, et Napoléon et les armées nazies le pratiqueront à des échelles toujours plus vastes) et les armes de choc : s’il y a eu la Grande Batterie de Napoléon, les Panzerdivisionen d’Hitler, il y eut d’abord les éléphants d’Hannibal.
Revoyons l’importance des résultats obtenus par Hannibal avec quelques cartes :
Ci-dessus nous voyons le territoire carthaginois, en vert fluo, et le territoire romain, en rose foncé, à la veille de la guerre en 218 avant J.-C. En bleu figure le trajet emprunté par Hannibal.
Ci-dessus nous voyons la poursuite de la route empruntée par Hannibal. Nous voyons les territoires de Gaule cisalpine (nord de l’Italie) dont Rome a perdu le contrôle avec le passage d’Hannibal, et les cités du sud de l’Italie, conquises par Hannibal au détriment de Rome, dès 215 avant J.-C.
Il faut savoir qu’à ce moment-là, les Romains ont déjà perdu environ 80 000 hommes morts sur les champs de bataille, des pertes dantesques (bataille de la Trébie : 20 000 Romains morts, Trasimène 15 000 morts, Cannes 45 000 morts) correspondant à environ 10% de la population masculine de l’Italie romaine. Dans les quelques années suivantes les Romains devraient encore subir de lourdes pertes (environ 40 000 hommes jusqu’en -209 : 20 000 à Bétis, 13 000 à Herdonia et 6000 à Ausculum). Soit au total quelque chose comme 15% de la population masculine adulte romaine ; à quoi il faut ajouter les rapines et les destructions de récoltes, par lesquelles Hannibal espérait contrainre les Romains à la paix.
Finalement, la mobilisation romaine devait permettre de reprendre le dessus, et de défaire Carthage dont le territoire serait réduit à la portion congrue après dix-sept ans de guerre, comme l’on voit ci-dessous.