À trois semaines du scrutin, le camp Harris commence à perdre les pédales. Donald Trump voit grand et s’imagine remporter le vote populaire. Si cette tendance ne présage en rien du résultat final, c’est un indicateur important : la gauche est nerveuse, la droite est confiante.
Par Alexandre Mendel. Depuis les Etats-Unis
Oublié les sondages ! Aux États-Unis, plus personne n’y croit ou n’y prête attention. La droite américaine a deux arguments à faire valoir : 2016, 2020 où Trump avait toujours été sous-évalué. La gauche, quant à elle, fait valoir que les sondages avaient toujours surévalué la droite aux élections intermédiaires de 2022, les Midterms n’ayant pas accouché d’une vague rouge au Congrès. Et puis, que pèsent ces enquêtes d’opinion quand quasiment tous les sondages donnent les deux candidats au coude à coude ou, de toute façon, systématiquement dans la marge d’erreur ? C’est l’état d’esprit des équipes de campagne, l’attitude des médias qu’il faut regarder, quasiment au jour le jour, pour déterminer un favori… Ou qui agit comme tel. En l’occurrence, depuis une semaine, Trump a le vent en poupe. Personne ne le conteste : la fébrilité a gagné les rangs des partisans de Harris. C’est le républicain qui mène la danse, c’est lui qui ne retient plus les coups.
Donald Trump en meeting en terre démocrate
Voilà que Donald Trump se paie des luxes inimaginables il y a quatre ans. On le voit donner des meetings – toujours devant des dizaines de milliers de fans – dans des États qu’il n’a absolument aucune chance de remporter. Le week-end dernier, il était à Coachella, sous une température de 40°C, à quelque 200 kilomètres au sud-est de Los Angeles, non loin de Palm Springs, sorte de station thermale en plein désert, particulièrement appréciée de la population âgée souffrant de rhumatisme, devant 30 000 personnes (lui prétend que 100 000 personnes sont venues l’applaudir). Or, la Californie votera Harris : les comtés urbains des agglomérations géantes de cet État – le plus peuplé du pays – sont depuis 1992 acquis aux démocrates.
Les démocrates commencent à accumuler les fautes, les gaffes et leur désorganisation montre qu’ils sont conscients de leur faiblesse.
Le 27 octobre prochain, les républicains ont loué la salle du Madison Square Garden, en plein cœur de Manhattan, à une dizaine de jours de l’élection. Là aussi, l’État de New York ne donnera jamais la majorité à Donald Trump. Mais ce n’est pas ça qu’il vient chercher sur place. Trump est persuadé qu’il peut remporter le vote populaire. En 2016, Hillary Clinton avait obtenu, nationalement, plus de 3 millions de voix d’avance, mais perdu dans l’essentiel des États clés. Trump qui voit les sondages sur le vote populaire le donner dans un duel serré avec Harris sait que jamais il n’a été aussi près d’un succès national. Et puis, c’est une façon assez habile de faire peur au camp d’en face : Trump veut donner l’impression que la bataille des États clés est déjà derrière lui et attirer Harris dans des endroits qu’elle n’a pas encore parcourus en campagne.
Les démocrates commencent à accumuler les fautes, les gaffes et leur désorganisation montre qu’ils sont conscients de leur faiblesse. Un peu plus et leur campagne ressemblerait presque à celle de Ségolène Royal en 2007, dans la dernière ligne droite, où tout le monde perdait les pédales et les nerfs.
En renfort tardif à Fort Valley, en Géorgie (encore un autre État pivot !), Bill Clinton, qui n’a jamais porté dans son cœur Kamala Harris et qu’il considère, en privé, comme une arriviste sans talent oratoire et parfaitement inculte, a fait une gaffe très révélatrice en évoquant la mort de Laken Riley, une étudiante en soins infirmiers de 22 ans, tuée en février dernier alors qu’elle faisait son jogging, et qui « n’aurait probablement pas eu lieu » si les migrants, y compris son meurtrier, un clandestin d’origine vénézuélienne, avaient « tous été correctement contrôlés ».
Ni Bill Clinton ni Barack Obama ne soutiennent Kamala Harris en privé
Un autre ex-président, Barack Obama, et qui n’est pas non plus un fan de Kamala Harris, s’était déplacé plus tôt, à Pittsburgh, grande ville de l’ouest de la Pennsylvanie, avec un message aussi étrange que maladroit à destination des hommes afro-américains, qui n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir voter pour un candidat républicain depuis plus de cinquante ans. « Certains d’entre vous n’êtes tout simplement pas sensibles à l’idée d’avoir une femme présidente », a déclaré le premier président noir (mais pas Afro-Américain au sens de descendants d’esclaves), suggérant que cette catégorie d’électeurs était… misogyne et donnant l’impression de leur faire une leçon.
La candidate elle-même semble perdre confiance. Et met en avant son bulletin de santé, établi par un médecin de la Maison-Blanche, et qui souligne qu’Harris, âgée de 59 ans, est « en excellente santé et possède la résistance physique et mentale nécessaire pour s’acquitter avec succès des fonctions de la présidence » et exigeant que Donald Trump publie également un bilan détaillé de son état physique. En remettant au centre une question qui était soigneusement évitée sous Joe Biden, les démocrates essaient de refaire de l’âge (Trump a 78 ans et sera, s’il est élu, le président investi le plus âgé de l’histoire américaine) un sujet décisif. Une façon de faire oublier les deux véritables inquiétudes de l’électorat américain le coût de la vie et l’immigration, et de le mettre au rang de préoccupations secondaires.
Même les médias démocrates commencent à douter de Kamala Harris
Enfin, et ce n’est pas le moindre signe d’alerte, en Amérique, les médias eux-mêmes commencent à douter de ses chances. L’émission Saturday Night Live, qui incarne pourtant l’humour bien-pensant sur NBC, et en particulier la comédienne new-yorkaise Estée Pali qui l’imite à la perfection, est devenue subitement plus sarcastique à l’encontre de la candidate démocrate, la faisant passer pour une ahurie qui ne contrôle plus rien, qui rit pour un oui ou pour un non et qui se demande souvent ce qu’elle fait là. Quand la presse américaine cesse d’avoir des égards pour les puissants, c’est que les puissants, même de gauche, ont perdu de leur valeur.