Par Nicole Esterolle
Avec son titre d’une ronflante niaiserie et d’une terrassante insignifiance , « Ce fabuleux monde moderne », cette Biennale 2015, reste donc fidèle à sa vocation d’attrape-gogos et de Fukushima culturel dans la stupidité, l’ineptie et l’obscénité spectaculaires…une fidélité qui ne présage rien de bon quant au respect de l’environnement et à la survie de l’humanité.
Les joaillers de la place Vendome regrettent aujourd’hui amèrement d’avoir laissé s’installer le gigantesque plug anal de Mc Carthy devant chez eux, car ce fut un fiasco et une dégonflade médiatique totale : une opération on ne peut plus contre – productive en termes de communication et on ne peut plus ravageuse pour leur image. Et l’on voit simultanément , que la plupart des grandes entreprises, quand il s’agit de valoriser leur image, ont maintenant, comme les joaillers, tendance à douter de l’efficacité de l’art contemporain comme vecteur de communication.
Et pourtant cet art – là avait tout pour leur plaire…
Art de la communication par excellence à cause de sa spectacularité, de sa sur-visibilité, de son caractère provocateur et subversif propre à générer de l’attention et du commentaire sur les médias… Mais le non-sens, la dérision, la démesure dans l’inepte, le questionnement sociétal impudent, la transgression autant éthique qu’esthétique, etc. tous ces ingrédients qui ont fait la vertu « communicationnelle » de l’art dit contemporain , commencent à lasser … On n’y croit plus … c’est humain… et l’on s ‘aperçoit que l’on a été piégé par un appareil médiatique d’autant plus efficace et sonore qu’il n’a aucun contenu et ne véhicule que du vide… On s’aperçoit même qu’il n’est plus valorisant individuellement de fréquenter (même pour en dire du mal ensuite auprès des amis), un « événement » qui risque d’ailleurs de n’être plus très bientôt que le rendez-vous rituel de la beauferie branchée et des « m’as-tu vu » ringards…
Quant aux grands annonceurs comme les casinos Partouche, les vêtements Zilly et les aliments Toupargel, ils commencent, m’a-t-on dit , à douter de la biennale comme objet de sponsoring, pour leur bonne image, pour leur respectabilité et comme bonne façon d’atteindre leur clients.(en fait, on m’apprend que Zilly et Toupargel se sont sauvés de cette galère)
Au bord du collapse
Les sponsors quittent cette galère, les subventions publiques diminuent de 10 ou 15%, le public boude, c’est vraiment la dêche, au point que les 115 journalistes invités n’ont eu droit qu’à un verre de vin chacun pour le déjeuner de presse, au point que pour avoir plus et se remonter le moral il fallait aller au coin VIP mais payer son verre, au point que les montagnes d’huitres pour le cocktail de la précédente biennale ont été remplacées par des tas d’amuse-gueule étouffe-chrétiens parfaitement indigestes…
La Chine en point de mire
Autre rumeur : l’imminence de l’implosion de cette biennale sur sa propre vacuité, expliquerait l’emploi du mot modernité pour son titre parce que ce mot intéresse plus les chinois que les européens..expliquerait aussi le nombre étonnant de quatrième couteaux de l’art contemporain chinois présents dans cette probable dernière édition… et parce que , dit-on encore, le directeur de la biennale qui prend sa retraite dans deux ans, préparerait sa reconversion post-retraite en Chine, nouvel eldorado de l’art-business…
Mais qu’à cela ne tienne, la Ville de Lyon, la Région, le Grand-Lyon, la Poste et la Caisse d’Epargne, continuent obstinément de fournir de l’argent public à cette opération de « communication à l’international « … Continuent à ne pas comprendre que cette course à la visibilité internationale est absurde et désastreuse, quand la tendance est plutôt d’aller maintenant vers un réancrage dans la cité, dans la région, dans la vie vraiment vécue, dans la réalité de l’art…Continuent de se réjouir d’être sur un bateau qui, tel le Titanic, va inéluctablement droit au naufrage tant financier que culturel, intellectuel, moral et artistique… Continuent à ne pas avoir honte d’être confrontés à cette sorte de logolalie, de creuse rhétorique ou d’ inextricabilité langagière qui crédibilise le Directeur de cette Biennale auprès des édiles locaux et sur les réseaux du business-art mondial…et dont voici un récent extrait, d’une insondable profondeur de pensée, d’une flamboyante virtuosité discursive et d’une pétillante imbécillité: « On peut résumer l’histoire de l’extraordinaire succès des biennales de l’âge global en la ramenant à celle de l’anthropologie à la même période : la lutte désespérée contre le Grand Partage pour défaire le lointain et le proche, pour revendiquer une symétrie ou au moins un exotisme réciproque, pour concilier l’universalisme critique et le relativisme intégral, tout cela sur le terrain de l’arrivée massive, sur le marché de l’imaginaire, des « modernités vernaculaires » venues de loin pour contester notre « entre soi ». C’est tout simplement l’art d’aujourd’hui à l’âge des flux, des réseaux et des icônes « post-numériques »… Continuent à prendre plaisir à voir des œuvres du type de celles de l’artiste américain Darren Bader présent à cette biennale 2015 …:
un jeu de baby-foot remplis de crevettes roses, ou bien une baguette de pain à l’intérieur de laquelle est glissé un tube néon allumé. Et Je vous joins quelques autres images susceptibles d’illustrer notre « fabuleux monde moderne » et qui feront la joie de tous les adeptes de la BAC Lyon : ce délicieux petit mur de brique de Laura Amiel ,
ces facétieuses caisses de fruits et légumes renversés de Nina Beier, cet ordinateur où pousse de l’herbe de Michel Blazi, et la photo de ce tas de papiers froissés du jeune Frémieux, récent lauréat du Prix Marcel Duchamp…
Et puis le sommet de « fabuleuse modernité » de cette biennale 2015 sera à coup sûr l’œuvre intitulée « Adoptez une mouche » produit en « off » par la fondation du grand humaniste Pierre Bergé, associé au Palais de Tokyo… performance qui nous propose « d’adopter une mouche », et de la promener tenue en laisse avec un des cheveux de l’artiste …Je tente, dit celle-ci « de donner une seconde chance à cette espèce considérée comme nuisible et pourtant indispensable à notre écosystème et aux avancées de la recherche »….Sachez aussi que cette artiste est née en 1984, qu’ elle est diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris et mène ses recherches dans le cadre du doctorat SACRe PSL Research University.
Mais ce qui nous console de tout ça et nous permet de ne pas perdre espoir, ce sont ces ces deux magnifiques expos de Giorda et Truphemus qui ont eu lieu au Plateau du Conseil Régional… ce qui prouve que pas mal de politiques et notamment Jean Jacques Queyranne n’ont pas perdu tout sens des réalités artistiques en leur for intérieuret j’en profite pour leur signaler qu’il y a un excellent peintre lyonnais qui s’appelle Jean-Pierre Ruel,
qui pourrait avoir une expo au Plateau, au même titre que Giorda et Truphémus.
Et voici la répartition de l’argent public alloué à cette biennale où l’on peut adopter une mouche, telle qu’elle est indiquée dans cet extrait des délibérations du Conseil du Grand Lyon Métropole de Lyon 2 519 200 €- État 1 455 628 € – Région Rhône-Alpes 752 000 € – subventions communes (Veduta) 44 000 €- Total subventions publiques 4 770 828€…