Par Charles Gave
15 avril 2019
Tout le monde se souvient de l’article dans l’Aurore où Zola prenait la défense de capitaine Dreyfus. L’idée centrale de l’article était que la Justice était supérieure à tout et que rien ne pouvait justifier qu’un homme soit déshonoré, avili, et maintenu en prison alors qu’il était innocent. Eh bien, je soutiens qu’aujourd’hui nous avons des milliers de Dreyfus un peu partout dans le monde, dont la vie et la carrière furent brisées comme le fut celle du capitaine Dreyfus, que les coupables sont des journalistes, et que cela se passe sans qu’il y ait eu le moindre procès. Et les victimes ne peuvent même pas faire appel.
Pour mieux expliquer ce que je veux dire, revenons en arrière.
La civilisation judéo- chrétienne a ceci d’admirable que la frontière entre le mal et le bien passe à l’intérieur de chacun d’entre nous et non pas en dehors. Cela nous est expliqué dès les premières lignes de la Bible : après avoir mangé la pomme de la connaissance, Adam et Ève se virent nus, c’est-à-dire fragiles et mortels. Mais en comprenant ce qui pouvait leur faire du mal à eux, ils comprirent instantanément aussi comment faire du mal aux autres. De la prise de conscience que nous sommes mortels et vulnérables est donc née l’idée que nous pouvons tuer les autres ou leur faire du mal. Et c’est à cet exact moment que le serpent, le Malin, entre dans l’histoire du monde, à l’instant même où nous sommes devenus conscients de notre propre vulnérabilité. Cette idée, que je trouve très forte, n’est pas de moi, mais de Jordan Peterson. Et elle implique que chacun d’entre nous peut être en même temps ou à tour de rôle un salaud ou un saint, un héros ou un couard…
Et le Christ de nous dire « ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugé », ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas condamner, mais qu’en aucun cas il ne faut juger que l’autre est mauvais dans son essence. Un homme peut être coupable, et donc soumis au châtiment, mais jamais il ne peut être totalement mauvais. Le péché est haïssable, le pécheur jamais.
C’est ce qu’avait compris de Gaulle quand le Père Bruckberger vint lui demander la grâce de Joseph Darnand, immense héros de la guerre de quatorze et chef de la milice. Il répondit à Bruck, après avoir refusé de commuer la peine, « Dites-lui en tout cas que je suis obligé de le faire fusiller par raison d’État, mais que de soldat à soldat, je lui garde toute mon estime. » Darnand était condamné, mais pas jugé, le jugement n’appartient qu’à Dieu.
Sur cette base, où des condamnations ont lieu, mais où personne ne prononce un jugement sur l’essence de chaque individu, on peut construire une société véritablement humaine, car le pardon, le repentir et la miséricorde y sont possibles. Mais la dérive de nos sociétés aujourd’hui amène exactement à l’inverse : les crimes ne sont plus condamnés tandis que des jugements condamnant des individus sont portés au motif que ces personnes seraient fondamentalement mauvaises, tout simplement parce qu’elles ne sont pas d’accord avec ceux qui s’autorisent à juger leurs contemporains. Et ceux qui ostracisent leurs contemporains sont presque toujours des journalistes, qui se sont arrogé le pouvoir divin de juger de l’essence de chaque individu sans même que la faute ait été prouvée. Et donc, aujourd’hui, des milliers d’hommes et de femmes ont été déshonorés, mais non condamnés, ce qui est bien pire que ce qui est arrivé à Dreyfus, car, dans le monde dans lequel nous vivons, il n’y a ni appel, ni pardon, ni miséricorde, ni même nécessité de prouver le crime : l’homme qui a perdu son honneur ne peut le récupérer.
J’ACCUSE donc la classe médiatique d’avoir créé un monde inhumain et donc totalitaire en se transformant de fournisseur d’informations en ayatollahs. Dans ma jeunesse, le journaliste dans une première partie du journal ou de son article vous présentait les faits tels qu’ils avaient pu être établis, et dans une deuxième partie vous donnait son interprétation de ces faits et c’était très bien ainsi. Et donc la première étape était la collecte de l’information, la deuxième la mise en place du raisonnement du journaliste, sous-tendu par les faits, que le lecteur pouvait consulter librement et la troisième, qui ne concernait que le lecteur, la formation d’une opinion que chacun pouvait effectuer librement.
Aujourd’hui, des procureurs que personne ne contrôle passent des jugements sans appel sans même que tous les faits aient été connus, et ces jugements sont toujours fondés sur l’argument d’autorité qui cherche à nous faire croire que le journaliste sait mieux que nous et que donc nous devons y souscrire. Le résultat final est qu’en tant que lecteur, je n’ai plus accès aux faits et donc je n’ai plus la possibilité de me former mon opinion librement. Je dois hurler avec les loups.
On est passé en cinquante ans du trois étoiles au McDonald et l’on m’explique qu’il s’agit d’un progrès. Et cette chute est le résultat de la déchristianisation de nos sociétés. Car, comme nous le savons tous, depuis un siècle, notre monde s’est déchristianisé à toute allure, et il s’est passé ce que Chesterton avait prévu lorsqu’il écrivait « Quand les hommes ne croiront plus en Dieu, cela ne voudra pas dire qu’ils ne croient plus en rien, cela voudra dire qu’ils croiront n’importe quoi ».
Nous y sommes et les journalistes qui ne croient plus ni à Dieu ni à Diable se sont mis à croire n’importe quoi et en particulier qu’eux ils étaient bons et que leur tâche était de lutter contre le mal.Ce qui revient à dire que la ligne entre le bien et le mal ne passe plus à l’intérieur de chacun d’entre eux (puisqu’ils sont bons) et que leur seul et unique devoir est de débusquer les défenseurs du Mal. Nous sommes passés d’un monde objectif à un autre, fondé sur la subjectivité de ceux qui ont le droit de s’exprimer. Nous sommes passés de la Démocratie à la théocratie ou les prêtres nous informent de ce que nous devons penser. En fait, nous sommes retombés dans le manichéisme le plus pur, d’un côté les bons, de l’autre les mauvais et c’est toujours à ce moment que commence le totalitarisme puisque les mauvais doivent être détruits.
Et donc, dès que des informations extraordinairement partielles, partiales ou incomplètes semblent justifier leurs préjugés, ces nouveaux chiens de garde attaquent en meute, non pas pour essayer de comprendre ce que celui qu’il faut bien appeler une victime a pu vouloir dire, mais pour le détruire.
Et pour détruire celui qui pense mal, ils utilisent deux armes, toutes les deux létales dans le monde des idées :
- Ils tournent en ridicule le peuple, qui pense rarement comme eux, en les traitant de « beauf » inculte et grossier. C’est le traitement qu’ils font subir aux gilets jaunes en France, qui correspond aussi à l’appellation de « déplorables » dont madame Clinton avait affublé les électeurs de Trump et au nom « little englander », donné en Grande-Bretagne au partisan du Brexit.
- Pour les plus dangereux de ceux qui ne partagent pas leurs idées, car ils savent s’exprimer par eux-mêmes et qui auraient émergé grâce à leurs propres talents, ils pratiquent l’excommunication, sans retour en grâce possible. Ces pauvres individus, accusés de racisme, de fascisme, d’islamophobie ou de tout autre péché mortel n’ont comme solution que de se suicider intellectuellement et de cesser de produire quoi que ce soit, car ils ne seront plus jamais invités à aucun débat, leur carrière universitaire sera brisée et leurs livres ne bénéficieront jamais de la moindre recension.
Tourner en ridicule le peuple, excommunier les opposants à la pensée unique en se servant du monopole sur les médias officiels qu’ils se sont créés avec l’aide des puissances d’argent, tels sont les deux outils que ces « journalistes » utilisent pour assécher les maigres oasis qui essaient de continuer à exister ici ou là et pour survivre dans le désert intellectuel dans lequel nous vivons.
J’ACCUSE donc les journalistes payés par les médias officiels d’être devenus le bras séculier de la pensée unique, à qui on livre les criminels pour qu’ils soient condamnés et exécutés sur la place publique. Ils sont devenus le sous-officier qui a brisé l’épée de Dreyfus et arraché ses galons.
Mais ce n’est pas tout : J’ACCUSE aussi certains journalistes d’avoir pris pour exemple le Colonel Henry qui fabriqua les fausses pièces à conviction qui accablèrent le pauvre capitaine Dreyfus. Car beaucoup d’entre eux, non contents de déshonorer ceux qui ne peuvent répondre, vont jusqu’à fabriquer de fausses « preuves » ou à utiliser des preuves » dont ils savent qu’elles sont fausses ou incomplètes. Et pour ajouter à leurs crimes, J’ACCUSE enfin bon nombre de journalistes d’être des Esterhazy qui tout en connaissant le vrai coupable, hurlent à la mort pour faire condamner un innocent.
Que le lecteur me permette de donner deux exemples de ces pratiques abominables, l’un immense, l’autre minuscule et qui tous deux viennent de se produire. Depuis près de trois ans, la classe journalistique dans son immense majorité nous a certifié que le Président des États-Unis était arrivé au pouvoir avec l’aide de monsieur Poutine. Et tout l’arsenal qui avait servi à faire condamner Dreyfus y est passé.
- Fabrication de fausses preuves et utilisation de ces fausses preuves pour faire espionner le Président et son entourage.
- Fuites « anonymes » vers des médias complices, appuyées sur ces fausses preuves, tendant toutes à prouver la culpabilité du Président.
- Campagnes de presse reprenant des éléments dont tous les journalistes savaient qu’ils étaient faux, en partant du principe que la fin justifie les moyens et que, comme le Président était une ordure, mentir et tricher étaient non seulement permis, mais recommandable, ce qui est une monstruosité. Car chaque homme est responsable des moyens qu’il a utilisé sans considération aucune des fins qu’il poursuivait, et dire ou recommander le contraire, c’est encore une fois la voie ouverte au totalitarisme.
- Protection des vrais coupables, c’est-à-dire les équipes de madame Clinton et madame Clinton elle-même, à qui rien ne fut jamais reproché…
- Utilisation de la justice pour essayer de forcer certains proches du Président qui avaient commis quelques peccadilles à charger le Président en contrepartie d’un allégement de leur peine.
Tous les composants de l’affaire Dreyfus sont là, et l’on retrouve les mêmes personnages sous des noms différents, Esterhazy (Steele, l’espion britannique), le Colonel Henry (Comey, le patron du FBI), le général Picquart (le ministre de la Justice Barr), etc. Mais le combat est à front renversé : cette fois-ci, les salauds sont tous à gauche et les honnêtes gens à droite. Mais qu’est-ce que la gauche aujourd’hui puisqu’elle hait le peuple ?
L’opinion publique a plutôt soutenu Trump comme elle avait soutenu Dreyfus tandis que quelques médias (Fox, Breitbart) reprirent le rôle de Zola et de l’Aurore et défendirent le Président, mais la majorité de la presse « institutionnelle », y compris la presse française, a endossé sans état d’âme le rôle qu’avait choisi l’Action française de Charles Maurras. Mais nous savons maintenant, grâce au rapport Mueller et au nouveau ministre de la Justice monsieur Barr, que le Président est innocent et que les foudres de la Loi vont tomber — enfin — et sur les vrais coupables et sur ceux dans les médias qui ont été complices de la première tentative de coup d’état dans l’histoire des USA. La vérité l’emportera toujours sur le mensonge disait Jean-Paul II.
Venons-en au minuscule exemple.
Un transsexuel est attaqué à Paris et la presse se déchaîne immédiatement contre l’homophobie de la population française et cela sans même connaître les coupables. Je suis moi-même très affecté puisque mon jeune frère était homosexuel et qu’il est mort du sida au début des années 90, ce qui acheva de tuer ma mère après avoir perdu mon père aussi d’une longue maladie. Voilà qui réveilla chez moi des souvenirs très douloureux. Les coupables sont trouvés, et ils sont musulmans.
En une journée, l’information sort de tous les journaux, tant tous nos héros du bien ont peur de pratiquer le fameux amalgame. Et pourtant, dans ce cas-là, ils devraient défendre les homosexuels, car il y a 17 pays au monde qui pratiquent la peine de mort pour homosexualité et ils sont tous musulmans. Les musulmans qui ont attaqué la victime n’ont fait que ce que le Coran leur enjoint de faire. Dénoncer l’homophobie présente partout dans le Coran devrait être un devoir sacré pour tous les défenseurs du bien. Hélas, défendre les homosexuels ne rapporte rien, mais dire du mal du Coran ou du prophète peut coûter cher, comme l’a montré l’exemple de Charlie Hebdo. Certes, « Nous sommes tous Charlie », mais pas au point de les accompagner au cimetière. Et donc, non seulement beaucoup de ces journalistes ont menti en accusant sans preuve aucune la population française, mais dès qu’ils ont su la vérité, ils ont couru se cacher… On songe aux Allemands qui pendant la guerre n’ont jamais vu passer les trains… Ils sont comme les chacals, agressifs en groupe, mais lâches individuellement.
Que faire, va me dire le lecteur… La solution est toute simple et existe en Grande-Bretagne. Les journalistes peuvent tout dire, tout écrire, mais si ce qu’ils ont dit ou écrit est faux et diffamatoire, alors les tribunaux condamnent et le journaliste et son media sont littéralement ruinés par les dommages et intérêts payés à la victime. Cela n’empêche en rien la liberté de la presse, qui est sacrée, mais cela empêche assez efficacement les journalistes de détruire des vies et des carrières sans aucune preuve et sans que ces forfaits aient le moindre effet sur eux.
Voilà une réforme qui, pour une fois, serait utile.