Par Charles Gave
Je suis toujours complètement abasourdi par l’aveuglement de ceux qui prétendent nous diriger. Il m’arrive de penser que dans le fond, ils n’ont aucune compréhension des notions économiques de base qui devraient guider leurs actions et pour en faire la démonstration, je vais prendre l’exemple de la révolte des gilets jaunes qui semble se propager un peu comme les feux de tourbe autrefois, disparaissant ici pour réapparaître un peu plus loin et ainsi de suite.
Je vais commencer par la notion de VALEUR qui est centrale à toute compréhension économique.
Je choisis souvent l’exemple de l’aigue-marine que ma mère portait sur sa main gauche. Cette aigue-marine n’avait pas grande valeur « marchande », mais pour moi elle avait une valeur infinie et donc elle n’avait pas de prix. La valeur est ainsi une notion purement subjective.
Ce qui m’amène à ma deuxième notion le passage de la valeur subjective à un prix objectif.
D’ici quelques dizaines d’années, plus aucune personne vivante n’aura connu ma mère, et cette bague, à la faveur d’un héritage ou d’un partage retrouvera un prix et changera de main, si j’ose dire. Et à cette occasion, prix et valeur seront équivalents pendant un très court instant, avant que de se séparer à nouveau, si cette bague orne une autre main qui sera vénérée par un autre fils.
Mais la chose importante dont il faut se souvenir, c’est qu’il y a des infinités de valeurs qui se baladent dans le monde des hommes et qu’un objet ou un service peut changer de main soit par un troc soit par un échange d’argent contre objet et c’est cette deuxième transaction qui détermine le PRIX. Et, la chose phénoménale est que de la fixation de ce prix si elle est libre naît une intense satisfaction pour les deux parties. Ce n’est pas la transaction qui crée de la valeur, c’est le fait que les deux parties soient libres. En fait un échange consenti LIBREMENT entre deux parties accroît le bonheur général.
Milton Friedman disait toujours que la seule différence entre l’homme et l’animal était que l’homme était la seule créature à pratiquer l’échange volontaire et que c’était de ces échanges consentis librement que venait la civilisation. J’aimerais rajouter quelque chose à cette brillante idée : la recherche de l’échange gagnant-gagnant semble être une caractéristique plus féminine que masculine. Laissez quelques petites filles dans une pièce et revenez quelque temps après, elles seront sans doute en train de jouer à la marchande alors que des garçons seront en train de se taper dessus. Il semble bien donc que la prise en compte de « valeurs » précédant la recherche d’un « prix » soit une caractéristique plus féminine que masculine et j’y reviendrai un peu plus bas.
Si donc, il est vrai qu’un nombre très important de femmes aient été présentes parmi les gilets jaunes, cela semble indiquer que la politique de monsieur Macron et de son gouvernement heurte beaucoup plus de valeurs « féminines » que la plupart des autres politiques débiles suivies par les gouvernements précédents et qui semblaient laisser les femmes de marbre.
Il va me falloir expliquer cette émergence de la colère féminine, et pour cela je vais en revenir encore une fois à des notions que tout un chacun devrait connaître, mais que nos élites semblent ignorer complètement.
Prenons une transaction de base monétaire argent contre service ou argent contre bien, qui permet la détermination d’un prix. Si je suis celui qui achète, la question devient : comment se procurer l’argent qui va me permettre d’acquérir ce dont j’ai envie ? La réponse pour 95 % des gens au moins est : par mon travail d’aujourd’hui ou par mon travail du passé (mon épargne). J’exclus le vol à ce point du raisonnement.
Ce qui me permet d’en venir à une seconde notion, celle de revenu qui limite mes dépenses dans le temps. Et tout un chacun sait que, et les revenus du travail et les revenus de l’épargne (taux d’intérêt zéro) ont baissé depuis une quinzaine d’années et que ce fut le résultat d’une politique menée aussi bien par la gauche que par la droite dans les pays du sud pour défendre le saugrenu Euro. Or tous les économistes savent ou devraient savoir que ce qui compte pour la satisfaction des gens, ce n’est pas leur niveau de revenu relatif ou absolu, mais que leur revenu à chacun d’entre eux croisse au travers du temps.
S’il il y a une hausse du revenu tout va bien, stagnation, la grogne s’installe, baisse la fureur gronde.
Depuis des années, le niveau stagnait.
Depuis l’arrivée de monsieur Macron au pouvoir, il baisse puisque toutes les mesures prises par le nouveau Président sont basées sur la conviction qu’il faut que le revenu moyen du français de base baisse… Et, c’est ce que le groupe de bobos qui l’entoure appelle « réformer ». Réformer serait suivre une politique qui permette au revenu moyen de monter, mais pour cela il faut avoir du courage puisqu’il faut s’opposer aux puissants et non pas taper sur les faibles.
Qui sème le vent récolte la tempête… Même la sagesse populaire connait cette réalité
Poussons plus loin notre analyse du revenu. Quiconque a des revenus limités sait qu’une grande partie de l’argent qu’il gagne devra être consacré à des tas de choses qui n’amusent personne et surtout pas celui qui paye : citons au hasard loyer, assurance, impôts, dépenses de nourriture, écoles des enfants, remboursement des emprunts… Tant et si bien que les économistes calculent quelque chose qui s’appelle « revenu après dépenses obligatoires ». Et pour la plupart des gens, c’est l’évolution de ce revenu-là qui compte et pour une raison très simple que j’ai expliqué dans la première partie : c’est de l’échange de ce revenu là contre des biens et des services acquis auprès de tierces personnes que vont venir les satisfactions.
Et donc, si le revenu général stagne, toute augmentation des dépenses obligatoires (qui ne procurent aucune satisfaction) amènera à une baisse des dépenses amusantes. Si en plus le revenu baisse se déclenchera une considérable et bien compréhensible fureur de la victime. Prenons un exemple : un travailleur qui gagnerait 1500 euros par mois et qui devrait consacrer 80 % de ses dépenses à des achats forcés, dont 10 % pour le chauffage de sa maison et le prix de son carburant pour se rendre à son travail. Tout compte fait, il lui reste 300 euros par mois pour faire des dépenses qui l’amusent (aller voir jouer le BO à Aguilera, par exemple), ce qui n’est pas beaucoup surtout si l’on sait qu’il “coûte” en fait 3000 euros à son employeur en frais réels.
Imaginons qu’un gouvernement de comptables décide de faire monter le prix de l’énergie de 50 % en quelques années pour des raisons de nature magique, comme le fait que la terre serait en train de rentrer dans une ère glaciaire… À la place d’avoir 300 euros pour enfin dépenser son argent comme cela lui plaît, notre employé n’en a plus que 250 ce qui veut dire un effondrement de 16. 66 % de son niveau de satisfaction, ce qui est gigantesque. Et du coup, il passe un gilet jaune et j’en ferai autant et voici pourquoi : autrefois, le serf se définissait comme celui qui n’avait pas le DROIT de bouger, il était attaché à sa terre. Ne pas pouvoir bouger, c’est donc être un serf.
Augmenter le prix de l’énergie c’est donc ramener au servage des millions de gens (le grand rêve des écolos). Or Jacques Bonhomme n’a pas du tout envie de redevenir serf. Et que fait Jacques Bonhomme quand il n’est pas content ? Une bonne Jacquerie.
En fait, nous sommes donc en train de connaître la première grande Jacquerie contre la pensée dominante écologique qui comme chacun le voit entraînera inéluctablement la réapparition du servage en France, aboli pourtant depuis des siècles.
Mais venons-en à la présence des femmes dans ce gigantesque happening
Et ici, je vais utiliser la pensée d’un homme prodigieux qui est apparu sur la scène médiatique il y a environ trois ans, un Canadien du nom de Jordan Peterson, professeur de psychologie à l’Université de Toronto et dont les vidéos sur You Tube ont été vues par des dizaines de millions de personnes.
Pour ceux qui comprennent l’anglais, précipitez-vous et écoutez, c’est incroyable de qualité.
Que dit-il des différences entre homme et femme ? Qu’elles sont réelles et profondes ! À ce sujet, il cite souvent l’exemple de la Suède, le pays qui depuis un siècle a le plus fait pour qu’il n’y ait aucune différence dans l’éducation entre les garçons et les filles, ce qu’il trouve très bien. Et pourtant c’est le pays ou les choix de profession entre les deux groupes sont les plus fortement différenciés en fonction de deux sexes. Pour faire simple, les filles vont dans l’éducation et la médecine, les garçons dans l’informatique ou deviennent ingénieurs, ce qui est complètement contraire aux attentes des féministes.
Son explication ?
Les femmes s’intéressent aux gens, les hommes aux choses, et c’est une réalité qui est visible dans toutes les batteries de tests qui ont été mises au point dans les cinquante dernières années, au point que l’on peut considérer qu’il s’agit-là d’une vérité scientifique. Rendre les femmes plus libres les amène à choisir ce qu’elles préfèrent et encore une fois en tant que libéral, je ne peux qu’approuver des choix faits librement. Et du coup, les femmes dans la réalité peuplent les associations caritatives et seront volontaires pour s’occuper des crèches, des plus anciens, des handicapés, de faire le catéchisme, d’aider dans les refuges d’animaux, etc. et encore une fois cela est démontrable statistiquement par les grands nombres, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de femme ingénieur ou programmeur ou d’homme infirmier.
Revenons à mon individu qui gagne 1500 euros par mois et supposons cette fois-ci qu’il s’agisse d’une femme. Si le prix de l’énergie monte, cela n’aura aucune influence sur la billetterie du BO puisque de toute façon, elle n’allait pas au match, mais cela l’empêchera d’aller visiter une prison ou de s’occuper d’enfants autistes. Or, c’est de là qu’elle tirait TOUTE sa satisfaction. Elle ne redevient pas serve : elle doit abandonner en fait ce qui donne un sens à sa vie et qui fait que notre société est moins dure pour les plus faibles. Ce dévouement au secteur non marchand d’une part importante de la population est ce qui rend nos sociétés viables. Et ces actions nécessitent que toutes ces personnes de bonnes volontés bougent pour aller à la rencontre de tous ces malheurs individuels.
Augmenter le prix de l’énergie, c’est forcer les femmes à abandonner des gens qui sont déjà complètement seuls.
Peut-on imaginer une pire saloperie de la part des autorités ? Et tout cela parce que ces activités ne sont visibles nulle part dans les calculs du PIB ! Mais on s’en fout du PIB à la fin ! Combien de gens sont morts pour défendre un PIB ? En fait, et comme je l’ai écrit dans le passé en citant Shakespeare « Il y a beaucoup plus de choses dans le monde, mon cher Iago, que ne l’imagine ta philosophie ».
Nos gouvernements ne connaissent que ce qui peut être mesuré. Nous sommes gouvernés par des gens qui confondent un plan comptable avec la Bible et les 10 commandements avec les Ukases de la Commission de Bruxelles. Et j’ai envie de citer la phrase de Fouché commentant l’exécution du Duc d’Enghien à propos de l’augmentation du prix de l’énergie « Cela est pire qu’un crime, c’est une faute ».
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