L’une des choses les plus difficiles quand on s’essaie à l’analyse économique est de faire varier ses réflexions en fonction de la façon dont les autorités publiques ou monétaires réagissent aux nouveaux développements dans les marchés.
Beaucoup de lecteurs me reprochent de dire toujours la même chose sur l’Euro, et pourtant…
Tout commence en 2001, date à laquelle je sors mon premier livre « Des Lions menés par des ânes ». La thèse est simple : il est impossible de maintenir des taux de change fixe entre deux pays qui ont des productivités du travail et du capital différentes, sauf à effectuer de transferts sociaux massifs entre les deux pays, ce qui est formellement interdit par les Traités qui constituent l’Euro. Et donc, l’Euro ne pourra survivre et va détruire l’Europe que j’aimais, celle de la diversité, pour laisser la place à un monstre technocratique que les Peuples haïront et qui fera renaitre les tensions entre pays.
En effet, compte tenu des différences de productivité entre la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie d’un côté et l’Allemagne de l’autre, tous les pays du Sud allaient voir leurs industries détruites par cette impossibilité de dévaluer vis-à-vis de l’Allemagne, ce qui les forcerait à sortir de l’Euro. Et le mécanisme d’ajustement qui amènerait à ce résultat était la hausse des taux longs sur les obligations de ces Etats. Nul pays en effet ne peut supporter à la fois une monnaie surévaluée et des taux d’intérêts exorbitants sans faire faillite.
Arrive la grande crise financière de 2008-2009, dont tous ces pays du Sud sortent en tres mauvais état et, en ricochet, en 2010-2011, se déclenche la crise des pays du Sud de l’Europe. Les taux longs en Grèce passent de 4 % à …35 %, au Portugal, ils grimpent au-dessus de 15 % (je recommande d’ailleurs d’acheter les obligations portugaises à l’époque), en Italie et en Espagne, ils passent au-dessus de 7 % contre 1 % pour les taux allemands. Deux ans avant ils étaient tous au même niveau…
Monsieur Draghi, nouveau patron de la BCE décide de faire « tout ce qui sera nécessaire ». La solution choisie est de mettre la Grèce en esclavage. Le FMI et les autorités européennes décident de sauver les banques françaises et allemandes qui avaient trop prêté à la Grèce, et le gouvernement grec de monsieur Tsípras, qui avait été élu sur un programme de sortie de l’Euro, est menacé (par Draghi) de voir sa banque centrale privée de toute liquidité, ce qui aurait déclenchée une dépression dans le pays. Tsípras se couche, le ministre des finances Grec, Varoufakis, démissionne. Les autorités ‘’multinationales » prêtent à la Grèce de quoi sauver les banques allemandes et françaises, et ces prêts vont plomber l’économie grecque jusqu’à la fin des temps. Mais les banques françaises et allemandes sont sauvées, ce qui est la seule chose importante.
De cette crise, je tire comme conclusion que les autorités européennes ont une devise et une seule « qu’importe que crèvent les peuples européens pourvu que survive l’Euro ».
Je deviens du coup structurellement pessimiste sur les actifs financiers en Europe, à l’exception des sociétés cotées en Europe qui n’ont rien à voir avec la construction européenne ou n’importe lequel des États qui la composent.
Les marchés se calment.
Arrivent les années 2015-2016, où les choses se gâtent à nouveau, en particulier pour l’Espagne et pour l’Italie. Et là, monsieur Draghi, à été 2016, prend une décision formellement interdite par les traités. La BCE se met à acheter des obligations émises par le secteur privé pour faire baisser le cout du crédit pour les entreprises.
J’en tire comme conclusion que la BCE se met en concurrence avec les banques du secteur privé, ce qui veut dire que les banques vont faire faillite, et je deviens incroyablement pessimiste sur les banques européennes dont l’indice, à l’époque, était à 160, arrivant de 500 en 2007. Nous sommes aujourd’hui à 78 sur cet indice, en route vers zéro, je suppose. Et pour compenser les pertes sur les crédits bancaires que ses actions ont créées, monsieur Draghi invente une usine à gaz incroyable, où la BCE prête de l’argent aux banques, mettons à -1 %, pour que ces banques rachètent les obligations italiennes ou espagnoles a + 2%, ce qui est une façon déguisée pour la BCE et de renflouer les banques que ses actions avaient mis en faillite et d’acheter les obligations de ces États, ce qui était formellement interdit par les traités.
- J’en tire comme conclusion qu’il ne faut plus avoir une seule obligation de société en Europe puisque les prix sur ces instruments sont faux.
- Une conclusion secondaire est que mes possibilités d’investissements dans la zone Euro ne cessent de diminuer. Plus d’obligations d’Etat, plus d’obligations de sociétés, plus de sociétés dont tout ou partie du chiffre d’affaire sont faits dans la consommation ou qui auraient comme clients les États. Me restent les multinationales européennes opérant en dehors de la zone euro, et encore…
En 2018-2019, l’Italie commence à sentir le roussi à nouveau, mais heureusement pour monsieur Draghi arrive la divine surprise du Covid, qui permet à la BCE de mettre une fois pour toutes les traités à la poubelle. La BCE, force majeure exige, s’autorise donc à acheter à tour de bras les obligations des États faisant partie de la zone euro, au point que sur les 12 derniers mois, TOUTES les dettes émises par ces États ont été souscrites par la BCE.
Cet été, cerise sur le gâteau, est décidé que les dettes émises par les États européens seraient « mutualisées » et bénéficieraient d’une « garantie commune ». Voilà qui implique une taxation sans représentation, ce qui est contraire aux principes démocratiques les plus anciens… Et donc, la mutualisation était formellement interdite non-seulement par les traités, ce dont tout le monde se contrefout aujourd’hui, mais aussi par la Constitution allemande, ce qui risque d’être gênant d’ici quelques mois quand la Cour de Karlsruhe aura à rendre son avis.
Bien entendu, cette mutualisation des dettes nécessitera à terme l’établissement d’un ministère des Finances européen qui commencera à lever des impôts européens, et donc la marche vers la création d’un État européen continue de façon inexorable, alors même que les Peuples du vieux continent hurlent qu’ils n’en veulent pas. Mais les hommes de Davos et autres Oints du Seigneur ont compris depuis longtemps que le Peuple était idiot et qu’il fallait lui imposer leurs volontés, tant il (le Peuple) ne comprenait rien à la grandeur de leurs projets.
J’en conclus que l’Europe n’est plus en démocratie, ce qui est normal puisque la zone Euro n’est plus une zone de marché libre depuis que monsieur Draghi a pris la direction de la BCE : Nous n’avons plus de prix de marché pour le Temps (les taux d’intérêts sont faux), nous n’avons plus de prix de marché pour le Risque (la BCE ne cesse d’intervenir sur les ‘spreads » de crédit qui mesurent ce risque) et nous n’avons plus de prix de marché pour les différentes zones géographiques (les taux de change n’existent plus). Nous ne sommes donc plus en économie de marché, et je n’ai pas le moindre doute que les prochaines étapes seront le contrôle des changes, le contrôle des prix, le contrôle de vos comptes en banque pour vérifier que vous dépensez votre argent selon les directives qui vous auront été données par les hommes de Davos, le cash sera supprimé, le contrôle de vos mouvements organisé grâce au passeport Covid, les gens comme moi qui écrivent contre ces monstruosités contraints au silence… et j’en oublie sans doute.
A moins, bien sûr, que les Peuples ne se révoltent, suivant en cela l’exemple de la Grande-Bretagne qui, après tout, a déjà souvent montré le chemin aux Européens quand il fallait prévenir une dictature en Europe continentale.
Un mot pour conclure sur monsieur Draghi :
- Quand il était le directeur général du trésor italien, c’est lui qui a maquillé les comptes de la dette Italienne pour que l’Italie puisse entrer dans l’Euro. Coût pour l’Italie, au moins 30 milliards d’euro. Monsieur Draghi a été récompensé de ce qui était un faux en écriture publique qui aurait dû le mener en prison, en étant nommé d’abord à la BCE et ensuite comme Premier ministre de son pays. À Bruxelles, le crime paie.
- C’est lui qui a brisé tous les Traités et toutes les Lois protégeant les souverainetés des différentes nations européennes. C’est donc un homme qui pense que la fin justifie les moyens, que la Loi est faite pour être tournée et ne s’applique qu’aux autres, et ce genre d’homme, qui ne se soumet jamais au vote, est de loin le plus dangereux.
- Alors qu’il n’a jamais été élu à rien, il vient d’être nommé Premier ministre en Italie. Et là, je ne peux m’empêcher de penser à la phrase d’Einstein :’’ Confier la résolution d’un problème à ceux qui l’ont créée relève de l’imbécillité ».
- Et je me dis : heureusement, les hommes de Davos sont idiots. Car c’est lui qui va devoir assumer le désastre Italien dans l’année qui vient. Les autorités de Bruxelles viennent de nommer Gamelin à la tête du département de Normandie.
- Me voilà rassuré.
Pour finir, deux graphiques
- Le premier retrace l’activité industrielle depuis 1976 pour la France l’Italie et l’Allemagne.
- Le second l’évolution des taux longs depuis 1993 pour les mêmes pays.
- Voilà qui permettra au lecteur, je l’espère en tout cas, de replacer mes commentaires dans la réalité de ce qui s’est passé dans l’histoire de l’Euro depuis vingt ans.