En ces temps où la corrida devient à juste titre un sujet de préoccupation pour les gens qui nous gouvernent tant il n’y a aucun autre problème à traiter, tout allant pour le mieux dans le meilleur des mondes, j’ai pensé à faire un article sur la bêtise au front de taureau.
C’est une expression qu’employait mon cher père quand il se trouvait en face de quelqu’un qui défendait une position totalement stupide en sachant qu’elle était stupide mais en trouvant très malin de s’y tenir.
L’archétype de cette position a été fournie en mai soixante-huit par les jeunes bourgeois occupés à détruire l’Université Française qui était le seul instrument qui permettait aux gens issus du peuple de s’élever. Et leur cri de guerre était « Plutôt avoir tort avec Sartre que raison avec Raymond Aron ». Est-il possible d’imaginer une phrase plus dramatiquement bête pour tout être humain qui devrait avant tout chercher à comprendre ?
Venons-en maintenant à mon sujet de la semaine, la rencontre de la bêtise au front de taureau dont un exemple parfait est le refus de réintégrer les personnels soignants qui avaient refusé le vaccin.
A l’IDL, nous écrivons beaucoup, nous parlons beaucoup, mais nous laissons toujours la possibilité à nos lecteurs ou à nos auditeurs de nous répondre, convaincus que nous sommes que la Vérité n’existe pas mais que l’on peut s’en rapprocher par des discussions entre gens de bonne compagnie.
Bien entendu, je lis tous vos commentaires et je dois dire que la plupart sont de nature parfaitement rationnelle et cherchent à apporter soit des précisions, soit des questions, soit une approbation sans réserve (de loin les meilleurs) soit enfin des éléments de désaccords.
Mais une toute petite minorité se lance dans des diatribes qui montrent que leur esprit est irrémédiablement bloqué par le syndrome dit de BAFDT, ou bêtise au front de taureau, maladie qui a fait infiniment plus de victimes dans l’Histoire que toutes les pandémies venues de Chine ou d’ailleurs et dont le foyer semble être au Café de Flore à Paris.
Au travers du temps, j’ai noté quelques-unes de ces expressions et je vais essayer de montrer à quel point ceux qui les profèrent font certainement partie de ceux que l’on devrait envoyer dans l’arène à la place des taureaux, ce qui rendrait la corrida populaire à nouveau.
Commençons par la plus commune qui affirme « de toute façon, rien ne s’améliorera dans le monde tant que le capitalisme existera ».
La réponse à cette idiotie est très facile.
Depuis le XVIIème siècle, nous avons vu émerger d’abord en Grande Bretagne puis dans le reste du monde une phénoménale hausse des niveaux de vie des plus pauvres et des plus démunis. Par exemple, dans les trente dernières années, près de 3 milliards d’êtres humains sont sortis de la misère la plus abjecte pour rejoindre la classe moyenne. Cela se voit parfaitement si l’on analyse les décès enfantins et l’allongement de la durée de la vie.
Eh bien, il n’y a pas un seul exemple que ce décollage économique se soit passé ailleurs que dans une société capitaliste.
Je mets quiconque au défi de me trouver un seul exemple du contraire, et ne me parlez pas de la Chine où se développe un robuste capitalisme Schumpétérien depuis Deng Xiao Ping qui abandonna le socialisme meurtrier de Mao.
A contrario au XXème siècle, nous avons encore eu des famines, les gens mourant par millions, ce qui était un véritable scandale. Mais ces famines ont toujours eu lieu dans des pays qui avaient incorporé le mot « socialiste » dans leur Constitution, tels l’URSS , la Chine, l’Ethiopie, le Venezuela ou Cuba…
Et donc quand j’entends une député NUPES déclarer à la tribune de l’Assemblée nationale que son modèle pour la France est le Venezuela où les enfants fouillent dans les poubelles pour se nourrir, je me dis : Que voilà un bel exemple de bêtise au front de taureau. Et j’ai du mal à me représenter les gens qui ont pu voter pour quelqu’un d’aussi manifestement borné.
Venons-en à la deuxième idiotie, qui cette fois me concerne.
Si par hasard mon nom est cité dans la grande presse, on lui accole toujours les qualificatifs suivants « financier d’extrême droite » .
Commençons par « financier ». Le financier est celui qui cherche à allouer le capital venant de l’épargne des particuliers de la façon la plus efficace possible. C’est un métier passionnant, extrêmement risqué et que je pratique depuis cinquante ans sans avoir jamais demandé la moindre subvention étatique. Mais je prends le pari que tous ceux qui me traitent de « financier » vivent de subventions, ce qui est hélas la cas de la plupart des journalistes qui m’honorent de ce titre en pensant m’insulter. Se faire traiter de « financier » par des vendus à l’Etat ou à des oligarques est en fait un plaisir rare que seuls des êtres délicats comme moi peuvent apprécier.
Venons-en à « d’extrême droite ». Et là, je pense qu’ils veulent m’assimiler au fascisme ou au nazisme. Ces deux maladies mortelles de la pensée sont nées toutes les deux àl’extrême gauche où elles ont appris à ceux qui les suivaient à ne pas respecter le vote populaire, à s’imposer grâce à des nervis cassant la figure de ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux à refuser la primauté de l’individu sur le groupe, à priver leurs ennemis de tout droit.
Comme je l’ai dit plus haut, je mets quiconque au défi de trouver dans mes écrits ou dans mes interventions une seule occasion où j’aurais soutenu de telles pratiques .
Il m’est arrivé de dire que certaines religions qui étaient hostiles aux droits évoqués plus haut, comme l’égalité de tous devant la Loi, me faisaient horreur, mais je ne pense pas que le petit père Combes ou Voltaire eussent été indulgents avec ces religions. Critiquer une ou l’autre des religions est de toute façon un droit constitutionnel et en aucun cas un signe de dérive fasciste.
Le rôle du journaliste est d’informer et non pas de prêcher du haut de sa chaire. La « reductio ad Hitlerium » est donc l’un de meilleurs exemples de la bêtise au front de taureau qui sévit chez certains demeurés sectaires qui pensent que leur rôle est de dire la morale au lieu d’informer leurs lecteurs et leurs auditeurs.
Venons-en à la troisième idiotie.
La bourse, dans l‘esprit brumeux de certains de ces bovins, serait un casino, organisée par les riches pour ruiner les pauvres.
On retrouve encore une fois le capitalisme spoliateur où les riches prennent aux pauvres dans un jeu à somme nulle.
C’est ce que croit tout bon marxiste, mais qui est bien entendu complètement faux, comme le montre le graphique suivant.
Imaginons que vous ayez eu 40 ans au début de 1997 et que vous touchiez un héritage considérable que je mets base 100 au 1/1/1997.
Imaginons de plus que vous ayez décidé en 1997 de prendre votre retraite à soixante-cinq ans, c’est-à-dire vingt-cinq ans plus tard.
N’ayant aucune idée sur les valeurs individuelles, vous décidez d’acheter l’indice mondial des actions , réinvestissant les dividendes au fur et à mesure qu’ils sont payés. Il existe de multiples ETF vous permettant de procéder à cet achat.
Vingt-cinq ans plus tard, vous vendez votre portefeuille , ce qui veut dire qu’en un quart de siècle, vous avez donné deux ordres de bourse en tout et pour tout.
Quelle a été votre performance, déduction faite de la hausse des prix?
Vous avez triplé votre capital, la hausse annuelle moyenne du portefeuille ayant été de 4 pour cent en termes réels. Le PIB par tête français, sur lequel est indexé peu ou prou votre retraite est monté de 0.9 pour cent par an. C’est-à-dire que vous avez fait quatre fois mieux que votre caisse de retraite, sans rien faire. Ce qui est aussi beaucoup mieux que si vous aviez laissé votre capital dans votre compte en banque en touchant les taux d’intérêts courts, ce qui vous aurait amené à ne rien gagner en termes réels sur le quart de siècle (voir la ligne noire).
Sur le long terme, le marché des actions vous donne à peu près sur n’importe quel quart de siècle entre 3 et 7 pour cent en termes réels. La bourse est donc un jeu à somme positive. Ceux qui nient cette réalité sont sans aucun doute les mêmes que ceux qui nous expliquent que le capitalisme ne marche pas et que la retraite par répartition est supérieure à la retraite par capitalisation.
Et comme ils vont connaître une vieillesse nécessiteuse, je ne doute pas une seconde qu’ils vont essayer de voler l’épargne des autres pour adoucir leurs dernières années. Comme le disait Bastiat, il n’y a que deux façons d’acquérir quelque chose que l’on désire : travailler, ou voler. La deuxième méthode s’appelle le socialisme et a toujours les faveurs de ceux qui ne veulent pas travailler mais qui entendent bien consommer. Dans cet esprit, il vaut mieux aller mourir dans un pays où les droits successoraux n’existent pas, car quand vous disparaîtrez, vous pourrez laisser tout ou partie de ce portefeuille à vos enfants, ce que vous ne pourrez pas faire avec une retraite par répartition.
Venons-en à la quatrième insanité et là encore, elle me concerne : Je me serai toujours trompé sur l’euro, qui est toujours là vingt-deux après ses débuts.
Voilà qui montre que la personne qui me fait cette critique n’a rien compris au film et qu’il est sans aucun doute un membre de la confrérie de ceux atteints par la BAFDT.
Je vais faire bref.
- Premier temps, l’euro est créé et je dis à qui veut m’entendre qu’il ne peut pas marcher. En 2011-2012, cette réalité devient visible pour tout le monde. Ceux qui avaient vendu de la dette Italienne pour acheter de la dette Allemande font fortune (sans avoir rien produit).
- Monsieur Draghi intervient et explique qu’il fera tout ce qui est nécessaire pour que l’Euro survive. Ce qui veut dire que monsieur Draghi se met à acheter à tiroirs ouverts toutes les obligations françaises , italiennes, espagnoles, créant de ce fait de la monnaie pour financer des dépenses sociales qui explosent dans les récessions créés par l’euro dans l’Europe du Sud. Ces achats étaient formellement interdits par tous les traités européens mais personne ne bronche en Allemagne. Je dis à tout le monde de racheter la dette italienne en vendant la dette allemande et de liquider toutes les positions dans toutes les banques en Europe, qui se cassent la figure en bourse comme jamais, puisque des taux à zéro pour cent condamnent les banques à une faillite inéluctable.
- Arrive le Covid. Les déficits budgétaires explosent, et sont dûment achetés par la BCE. Pire encore, la Commission émet des obligations garanties par l’ensemble de l’Europe, ce qui est formellement interdit par les traités. Je dis à tout le monde de vendre les marchés obligataires de la zone euro, qui s’écroulent de près de 30 pour cent et de vendre l’euro qui baisse de 10 pour cent.
- Et tout cela se termine avec la guerre Russie Ukraine, où l’on assiste à un nouveau coup d’état de la Commission forçant les pays sous son contrôle à ne plus acheter d’énergie bon marché aux Russes pour en acheter cher au reste du monde, ce qui va amener à une gigantesque récession en Europe. Je dis à tout le monde de vendre l’euro et tout ce qui touche à la consommation en Europe.
Comme le disait Keynes à un jeune atteint de BAFDT « Quand les choses changent, je change d’avis. Qu’est que vous faites, jeune homme ? »
En fait, l’analyse que j’ai faite en temps réel de l’euro est sans doute le plus grand sujet de satisfaction que j’ai eu dans ma carrière.
Conclusion.
Quand je repense à ma vie, je me rends compte que la bêtise au front de taureau a toujours été mon seul et unique ennemi.
Contre elle, je ne peux rien faire.
Et elle a rarement sévi à un tel niveau dans notre beau et vieux pays.
Je me sens las.