Roselyne, écoutez ces opprimés!
Moi aussi je pense que la culture est en danger depuis un sacré bout de temps, mais je me dis plutôt « Les salles sont fermées ? Tellement de mauvais spectacles qui ne se joueront pas, tellement de classiques revisités, modernisés et déchiquetés qui sont annulés, c’est toujours ça de gagné. Molière et Racine vont enfin pouvoir reposer en paix ! » Oui, je suis mauvais camarade, c’est vrai, mais que voulez-vous…
Pour qui tombe en plein dans ce rassemblement sans en être informé, impossible de savoir à première vue pour quoi on manifeste. Ecriture inclusive sur les pancartes : proteste-t-on contre les violences faites aux femmes ? Deux marionnettes géantes dont une noire qui danse à l’africaine : Marche-t-on une nouvelle fois contre le racisme ?
Le stéréotype de la manifestation
Non, c’est plutôt un mélange de tout cela. On vient défendre son petit beefsteak culturel, mais comme on est « artiste », on rappelle qu’on est gentil, qu’on a des jolis petits sentiments et des larmes prêtes à couler, qu’on n’est pas raciste, pas sexiste, enfin qu’on n’est pas des fachos ! Bienvenue à la fête de l’Huma ! Dans cette manif, tout le monde semblait savoir jouer du djembé et des percussions en tout genre, mais pas sûr qu’on aurait pu trouver quelqu’un sachant dire l’alexandrin. Le boucan des tam-tams aurait-il fait fuir Racine ?
Mais pour que le cliché soit complet, Assa Traoré ainsi que quelques odeurs de saucisses grillées se mêlant à la foule manquaient un peu. Enfin bref, tout ce joyeux petit monde cultureux était là, mobilisé, plein de ferveur, même s’il est probable qu’une simple averse aurait suffi à faire rentrer tout le monde à la maison. Je peux évidemment comprendre qu’ils réclament la réouverture des salles, je n’attends moi-même que de pouvoir remonter sur les planches. Mais qu’on ne me fasse pas croire que c’est pour sauver la culture. Qu’ils soient au moins honnêtes, et qu’ils l’avouent : c’est pour leur fric qu’ils manifestent !
Commerçants du spectacle
On ne voit personne manifester contre le Conservatoire national d’art dramatique de Paris qui n’apprend plus à ses élèves à déclamer l’alexandrin et qui préfère donner des cours de Tai-chi ou former de bons petits militants de gauche (comment pourrait-on être un bon citoyen de droite ?)
Martine Chevallier, la plus grande tragédienne française, a été mise à la porte de la Comédie française il y a peu de temps : où étaient les gardiens de la culture et leurs pancartes ? On ne les voit pas non plus manifester contre la Comédie-Française qui, de conservatoire du théâtre français, est passé destructeur de répertoire ! S’ils se réunissent place de la République, ce n’est évidemment pas pour la culture, encore moins pour l’art, c’est pour leur sécurité. Alors, un peu d’humilité et d’honnêteté.
Oubliez le mot “Culture” comme vous avez oublié le mot Art, et assumez le statut de commerçant du spectacle, qui n’est certes pas très joli, mais plus réaliste, et dans ce domaine-là vous avez toute ma confiance. Allez, musique! Musique! Boum, boum, Tam, tam, en avant les djembés!