Dans un livre de l’abbé Guillaume de Tanouarn (Délivrés, Éditions du Cerf), j’ai trouvé une remarquable citation de Marx sur l’argent. Elle est un peu longue, mais met fort bien évidence le fait que le Marxisme n’a jamais été qu’une pauvre hérésie du Christianisme.
« Ce que je peux m’approprier grâce à l’argent, ce que je peux payer, autrement dit ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, moi, le possesseur de l’argent. Les qualités de l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles en tant que possesseur d’argent. Ce que je suis et ce que je puis, ce n’est nullement mon individualité qui en décide. Je suis laid, mais je puis m’acheter la femme la plus belle. Je ne suis pas laid, car l’effet de la laideur, sa force repoussante est annulée par l’argent. Je n’ai pas d’esprit, mais l’argent étant l’esprit réel de toutes choses, comment son possesseur manquerait-il d’esprit ? Il peut en outre s’acheter les gens d’esprit, et celui qui est le maître des gens d’esprit n’est-il pas plus spirituel que l’homme d’esprit ?
… Je suis méchant, malhonnête, dépourvu de scrupules, sans esprit, mais l’argent est vénéré, aussi le suis — je moi-même, moi, son possesseur.
L’argent est le bien suprême, donc son possesseur est bon ; au surplus, l’argent m’évite la peine d’être malhonnête et l’on me présume donc honnête.
… L’argent qui possède la qualité de pouvoir tout acheter et de s’approprier tous les objets est par conséquent l’objet dont la possession est la plus désirable de toutes. L’universalité de sa qualité est la toute-puissance de son être ; il est donc considéré comme l’être tout puissant »
Ou l’on voit que Marx avait un immense talent polémique pour designer à la foule ceux qu’il fallait tuer de toute urgence pour que le bonheur règne enfin sur terre et que ce n’est pas par hasard si ceux qui ont suivi son enseignement ont fini par massacrer plus de 100 millions de personnes au siècle dernier, le plus étrange étant cependant qu’il a une part de responsabilité non négligeable et dans la Shoah, ses écrits anti Sémite étant au moins aussi virulents que texte que je viens de citer, et dans le Goulag ou les massacres du Cambodge.
Et donc l’on peut dire que le Goulag et la Shoah ont tous deux eu la même mère, la haine de l’argent et le même père, ce cher Karl Marx, ce qui n’est pas assez souligné par la vulgate actuelle. Haïr ceux qui ont de l’argent, voilà une haine largement partagée entre l’extrême gauche et l’extrême droite.
Voilà ce qui arrive quand on fait appel à la haine sans son pendant, l’amour. Mais je m’égare.
Pourquoi citer ce texte va me demander le lecteur. ? La réponse est simple : quand j’ai lu ce texte, un visage m’est immédiatement venu à l’esprit et c’était celui de Georges Soros (GS), que je connais depuis des décennies.
Très curieusement, l’homme qui le premier m’a permis de devenir entrepreneur, Beat Notz, mon cher mentor, un grand diable de Suisse du canton de Berne, est aussi celui qui a donné ses premiers capitaux à Georges Soros quand il a lancé son fameux hedge fund, Quantum. Nous avons donc été portés tous les deux sur les fonts baptismaux de la finance par le même parrain, ce qui m’a toujours amusé tant il était difficile de trouver trois personnalités aussi dissemblables. Notz, un patricien suisse s’entourant de gens de talent pour préserver et faire croître une assez considérable fortune, moi, qui ne cherchait qu’une chose, comprendre ces saloperies de marchés financiers, et Soros qui lui cherchait à gagner de l’argent.
Et donc, j’ai souvent rencontré Georges Soros.
Mais le Georges Soros d’il y a quarante ans n’a rien à voir avec celui d’aujourd‘hui, car cet homme a beaucoup évolué. À l’origine, son but était tout simplement de faire de l’argent et cela, il le fit admirablement. De tous les gérants que j’ai rencontrés au cours de ma carrière, il fut certainement le meilleur. Pendant cette période, il m’est arrivé de le rencontrer assez souvent et il m’interrogeait sur mes convictions du moment. Je sortais de ces interviews absolument lessivé, sans qu’il me dévoile jamais quelles étaient ses convictions à lui. Cet homme était un vrai aspirateur à information et ne rendait rien, ce qui est bien normal si l’on veut garder les meilleures informations pour soi-même.
Fortune faite, quelques années après, il se mit à avoir des ambitions d’abord intellectuelles, ensuite politiques, et c’est là que les choses se gâtèrent. Il écrivit plusieurs livres sur ses succès et ses méthodes. Il en ressortait que Georges Soros (GS) était sans aucun doute un fabuleux trader, mais sans doute aucun un intellectuel de seconde zone.
En fait ses livres me sont tombés des mains tant ils étaient creux et sans intérêt. Je n’ai pas réussi à les finir, ce qui chez moi est très rare. Quiconque veut comprendre les marchés financiers doit lire les ouvrages de Nassim Tayeb, mais certainement pas ceux de Soros, qui n’ont vraiment aucun, mais aucun intérêt.
En ce qui concerne la politique, il commença à peu près en même temps à utiliser son énorme fortune pour répandre ses idées, et là j’ai presque envie de dire : plutôt son absence d’idées.
À l’origine, le but était de financer des universités dans les pays où la liberté de pensée n’existait pas ou peu, ou bien de donner des bourses à des étudiants originaires de ces pays pour qu’ils puissent étudier dans de bonnes universités. … À l’époque, j’avais trouvé ça très bien. Ainsi, Victor Orban fut l’un de ses boursiers, mais éduquer les gens prend un temps fou, notre homme était pressé, il se crut appelé à un destin politique « mondial », ayant été un peu trop acclamé à Davos, où ceux qui voudraient être quelque chose rencontrent ceux qui ont été quelqu’un, et donc il passa à des actions purement politiques qui toutes avaient le même but : déstabiliser les Nations historiques en soutenant un peu partout les mouvements les plus violents pour détruire l’état de Droit dans chaque pays tout en favorisant les mouvements de population d’une zone géographique à une autre.
Et le plus extraordinaire fut qu’il expliqua que cette politique était en conformité totale avec ce que lui avait enseigné Karl Popper, le créateur de la notion de « société ouverte » (voir « La société ouverte et ses ennemis » de Karl Popper), au point que les mouvements que GS finance sont regroupés sous le nom de « open society », ce qui est vraiment se foutre du monde tant tout ce qu’il fait est à l’opposé exact de tout ce que Karl Popper recommandait.
La société que propose GS n’est pas une société « ouverte », mais une société « défaite » où l’anarchie règne et où l’esclavagisme renaît de ses cendres. Et je dois dire que cela m’a beaucoup troublé. Je ne comprenais pas pourquoi GS essayait de détruire avec tant d’entrain ce qui après tout était le fondement même de nos démocraties, et quel avantage, même financier, il pouvait bien tirer de son entreprise de démolition. Et je crois avoir compris en relisant un livre de Scott Peck « Les gens du mensonge » qui avant d’écrire ce livre avait aussi écrit « le chemin le moins fréquenté » qui fut un immense succès mondial.
Scott Peck était un psychologue de terrain qui avait toute sa vie côtoyé de près la souffrance mentale chez beaucoup de ses patients, et il en avait tiré une série de leçons mises en lumière dans son premier livre, qui reste sur l’étage tout en haut dans ma bibliothèque.
Son deuxième livre fut cependant complètement différent et me mit très mal à l’aise. Dans cet ouvrage, il faisait part d’une découverte qu’il avait faite et qu’il avait longtemps refusé de regarder en face : dans sa pratique médicale, il avait rencontré à plusieurs reprises le MAL, c’est-à-dire qu’il avait vu des gens qui savaient qu’ils faisaient le mal et qui continuaient dans cette voie parce qu’ils aimaient cela. En termes simples, il avait croisé à plusieurs reprises des personnes se revendiquant clairement du Malin, comme on l’aurait dit autrefois et qui n’avaient pas la moindre intention de se faire soigner, bien au contraire.
Ce que dit Scott Peck dans son livre est donc tout simplement que le MAL existe, que certaines personnes s’en réjouissent et n’ont pas peur d’utiliser ses pouvoirs. Et il ajoute que le but essentiel de ces gens est de détruire de toutes les façons possibles et la vie et la vérité. Scott Peck dans son livre signale en passant qu’en anglais « evil » est l’anagramme de “live”, le mal étant donc le négatif de la vie, ce qui m’a frappé.
Et j’en suis à me demander si GS ne fait pas partie de ces gens qui collaborent de bon cœur avec l’ennemi.
En tout cas, la vie de GS fut étrange.
- Encore adolescent en 1943-1944 à Budapest, il était avec son père ceux qui avait été chargés par les occupants allemands de designer les juifs qui devaient prendre le train suivant
- Il voulait être un grand intellectuel et il a lamentablement échoué de mon point de vue.
- Il voulait être un politique changeant le monde et toute son « œuvre » est en train d’être mise en pièce par les Trump et Orban de ce monde.
- Tout ce qui lui reste c’est l’argent, et il l’utilise comme Marx le décrivait, pour s’acheter des sycophantes.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à Faust, et dans le fond, j’ai une immense pitié pour Georges Soros qui finalement aura tout raté dans sa vie.