Par Charles Gave 25 juin 2018 Les économistes ont une vieille habitude semblable à celle des médecins de Molière : Ils aiment faire croire au bon peuple qu’ils savent des choses profondes et pour le convaincre de cette vérité, ils emploient des mots compliqués, qui dans le meilleur des cas recouvrent des notions très simples, mais dans la plupart du temps dissimulent simplement leur ignorance. Je m’explique, en prenant un exemple. Je suis sûr que certains lecteurs de l’IDL ont dû voir dans la presse des allusions au fait que « la courbe des taux « aux USA était « en train de s’aplatir », et que cela « était une mauvaise nouvelle pour l’activité économique à venir aux USA ». J’imagine que bon nombre d’entre eux ont dû se dire : « mais de quoi s’agit ‘il » ? De quoi est-on en train de parler ? Quelqu’un pourrait-il me traduire cette phrase en un langage compréhensible ? C’est ce que je vais essayer de faire dans la chronique de cette semaine. Tout commence avec les taux d’intérêt qui relient deux concepts…
Kim Jong-Un : une stratégie « à la chinoise » pour la Corée du Nord
Par Philippe Fabry 22 juin 2018 FIGAROVOX/ANALYSE – La Corée du Nord semble suivre la même voie que la Chine, réintégrée dans le concert des nations après la rencontre entre Mao et Nixon en 1972. Si c’est le cas, il faut s’attendre à une libéralisation économique à Pyongyang, mais pas à un changement de la nature du régime. Philippe Fabry est docteur en histoire du droit. Il a notamment publié Rome, du libéralisme au socialisme. Leçon antique pour notre temps Le sommet de Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-Un s’est achevé par une poignée de main historique, et la signature d’un premier document commun – certes très succinct et vague, mais on ne pouvait guère attendre plus de ce premier contact après des décennies de rupture. Peut-être dira-t-on à l’avenir que seul Trump pouvait obtenir des concessions de la Corée du Nord. Cependant, si le président américain a indéniablement joué une partition décisive, il est peu vraisemblable que l’affaire serait allée si vite si Kim Jong-Un lui-même n’avait…
La question fondamentale
Par Charles Gave 18 juin 2018 Comme me l’avait dit il y a bien longtemps l’un de mes mentors lorsque j’ai commencé à réfléchir sur les marchés financiers : « Charles, la seule question est de savoir s’il y a plus d’idiots que d’argent (les marchés baissent) ou plus d’argent que d’idiots (les marchés montent) ». Le principe est simple et très juste, son application dans la réalité est, et reste, oh combien difficile, hélas. Revenons un peu en arrière, au moment de la grande crise de l’Euro de 2011-2012. La BCE, suivant en cela la Fed décide de jeter son bonnet par-dessus les moulins et se met à acheter des obligations d’état et cet exemple sera rapidement suivi par la banque du Japon. Et donc, de 2012 à 2017, nous avons eu beaucoup plus d’argent que d’idiots et les marchés en conséquence se sont fortement appréciés. Changement de décor en 2017. La Fed annonce qu’elle va réduire la taille de son bilan, alors même que la BCE et la banque du Japon maintiennent…
Le grand retour du peuple et de la nation souveraine
Par Charles Gave 11 juin 2018 Revenons en arrière. Le mur de Berlin vient de tomber et deux thèses s’affrontent assez rapidement. Celle de la « fin de l’Histoire », portée par Francis Fukuyama et celle du « choc des civilisations », soutenue par Samuel Huttington. Le premier avançait que le futur appartenait à la démocratie occidentale et au système de marché libre et que l’Histoire au sens hégélien du terme était finie. Cette idée fut reprise par tous les Trissotins français du type de notre trio infernal, Minc, Attali et BHL, qui d’ailleurs la soutiennent toujours contre vents et marée. Le deuxième, Huttington, montrait que l’opposition entre l’Union soviétique et les USA s’était produite à l’intérieur de la même civilisation – la nôtre – et que les conflits du futur allaient opposer non pas des pays ou des systèmes à l’intérieur de la même civilisation, mais des civilisations entre elles, et en particulier que nous allions tout droit vers un conflit entre la civilisation musulmane et les autres civilisations – dont la nôtre.…
Vous savez quoi ? J’ai la trouille
Par Charles Gave 4 juin 2018 L’une des nouvelles de Stefan Zweig m’a profondément marqué. L’histoire se passe dans une ville de villégiature dans les montagnes Autrichiennes, en été, dans un petit hôtel. La température est étouffante et un orage gronde dans le lointain. Et Stefan Zweig nous décrit la réaction des clients et du personnel de l’hôtel à cette situation. La femme, écrasée sur son lit, éperdue d’angoisse. L’homme, s’emportant contre tout un chacun, le personnel devenant invisible, la nature immobile, les animaux silencieux. L’orage éclate, extraordinairement violent, et une fois passé, tout redevient normal, les choses reprennent leurs cours, les sourires renaissent et tout le monde de descendre dîner tranquillement… Eh bien, comme les lecteurs le savent, depuis un petit moment, je trouve que l’air financier est en train de devenir quelque peu irrespirable, ce qui ne facilite pas la réflexion. J’ai souvent utilisé une image pour décrire les crises financières, en les comparant à la pêche à la dynamite. Vous balancez un bâton de dynamite dans…
Retour sur la Turquie
Par Charles Gave 28 mai 2018 Il y a quelques mois, j’expliquais aux lecteurs de l’IDL que le prochain pays qui allait sauter était la Turquie du bien connu défenseur des Droits de l’Homme, pourvu qu’il réside en Palestine et non pas en Syrie, ce bon monsieur Erdogan. Nous y sommes. Quelques chiffres : Environ $180 milliards de la dette extérieure Turque arrivent à échéance dans les 12 mois qui viennent, et à ce montant il faut rajouter environ 50 milliards de déficits des comptes courants, qu’il va bien falloir financer aussi. La somme des deux correspond à peu près à 30 % du PIB turc tandis que les réserves de change intérieures ou extérieures se montent à un peu moins de 20 % du même PIB. Oops… Voilà qui semble indiquer un problème de « liquidité » à très, très court terme. Et du coup, la livre turque se ratatine ce qui ne fait qu’aggraver le problème puisque la dette est en dollar ou en euro, les taux d’intérêt à court terme sont au…
Lire la presse est dangereux pour votre santé financière
Par Charles Gave 14 mai 2018 Si j’en crois la presse française, l’économie en Grande-Bretagne va mal, très mal, et cela serait dû à la décision de quitter ce havre de paix et de croissance que serait l’Europe, admirablement gérée par nos chères élites technocratiques comme chacun le sait. Nos médias expliquent ainsi que la croissance du PIB en Grande-Bretagne serait en train de s’effondrer. Il est vrai que les chiffres du dernier trimestre n’ont pas été bons. Ce que l’on ne vous dit pas, c’est que cet « effondrement » vient de la quasi-stagnation des dépenses de l’état depuis que les conservateurs sont revenus au pouvoir. Admettons que 50 % du PIB dans un pays soit d’origine étatique et 50 % viennent du secteur privé. Si le secteur étatique cesse de croître, la moyenne des deux va baisser. Celui qui pense que cette baisse est une mauvaise nouvelle croit sans doute que l’Union soviétique a été un immense succès… De fait, depuis le retour des Conservateurs, le poids…
En France, l’État déclare ce qui est de l’art ou ne l’est pas
Par Aude de Kerros. La démission du peintre Rémy Aron de la Présidence de la Maison des Artistes1 est l’occasion d’évoquer une réalité dont le grand public n’a pas toujours conscience : dans le domaine de la création artistique la France est un pays dirigiste. UNE DIVERSITÉ DES COURANTS ARTISTIQUES IGNORÉE PAR LA DOXA ARTISTIQUE DE L’ÉTAT C’est le motif de cette démission : Rémy Aron a tenté de faire reconnaître par l’État la diversité de la création en France, sans succès. Depuis les années 1980, le ministère de la Culture ne tient compte que du seul courant conceptuel – seul « contemporain » à ses yeux. La bureaucratie culturelle a alors rompu avec ce qui a été le fondement de l’identité artistique parisienne : la présence simultanée de tous les courants artistiques d’Europe et du monde2, de l’académisme aux avant-gardes les plus diverses, de toutes les singularités. C’est ce qui a attiré à Paris artistes et amateurs du monde entier pendant plus d’un siècle. C’est encore ce qui est attendu de…
Marx a-t-il changé le cours de l’Histoire ?
6 mai 2018 par Philippe Fabry Puisque c’est le deux centième anniversaire de la naissance de Karl Marx et que l’on nous en rebat les oreilles, et que se battent ceux qui lui attribuent directement les 100 millions de morts du communisme et ceux qui cherchent à l’exonérer de toute responsabilité, c’est l’occasion idéale pour le théoricien de l’Histoire que je suis de rappeler que l’historionomie peut justement permettre de mesurer ce qui relève d’une individualité remarquable et ce qui n’en relève pas. Ainsi, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer très brièvement – la version longue sera, entre autres, le sujet de mon prochain livre à paraître à l’automne – que la révolution « marxiste » de 1917 fut en fait l’occurrence russe du type de révolution nationale affectant tout Etat-nation en construction de taille suffisante. Pour le surplus, je me contenterai de reproduire ici un extrait de mon Histoire du siècle à venir, dans lequel j’avais précisément traité la question du rôle déterminant – ou pas – de Karl Marx.…
L’Homélie du Dimanche
Par Charles Gave 30 avril, 2018 Il y a environ cinq ans, j’avais été invité par des amis anglais a une petite cérémonie qu’ils organisaient dans la « City » en mon honneur pour fêter mes quarante ans de carrière dans la finance. Je dois avouer que j’avais été profondément ému par cette initiative et que du coup, mon petit discours de remerciement avait été un peu tremblotant. J’ai raconté cette expérience dans l’une de mes chroniques du lundi et les lecteurs pourront la retrouver sur le site. Je viens de connaître une expérience un peu similaire, à Paris cette fois. Des anciens de l’Institut de Formation Politique (IFP) m’avaient demandé d’organiser une conférence devant une association qu’ils ont créée et le sujet de la présentation était… moi ! Je devais leur expliquer tout d’abord quel avait été mon parcours personnel et professionnel dans une première partie avant que de développer ce qu’était pour moi le Libéralisme dans une deuxième. Bien entendu, la première partie était de loin la plus…