Depuis qu’Emmanuel Macron a lancé l’idée de troupes françaises au sol en Ukraine, le Courrier des Stratèges vous a expliqué que les déclarations apparemment spontanées du Président étaient en fait sous influence très forte de Washington. De nouvelles informations confirment qu’une décision majeure a été prise aux USA dans la dernière décade de février: pour tenter d’entraver le retour de Trump au pouvoir, le camp démocrate ne veut pas négocier avec la Russie avant l’élection présidentielle. Histoire de faire trébucher l’ancien président en l’accusant d’être celui qui veut négocier. Le pari risqué du clan Biden: l’armée ukrainienne peut faire durer la guerre jusqu’à la fin de l’année. A ce moment-là, on espère avoir fait trébucher Trump et pouvoir aider l’Ukraine à lancer une nouvelle offensive contre la Russie. Bien évidemment, tout le monde à Washington a conscience que le front ukrainien est au bord de l’effondrement; que les pertes sont toujours plus énormes et que les enrôlements sont de plus en plus forcés. C’est là qu’on a joué sur la vanité d’Emmanuel Macron….Ce dernier, trop content de briller, pensant pouvoir utiliser la polarisation – pour ou contre la Russie – en politique intérieure, serait prêt à ce que des soldats français fassent gagner quelques mois de répit à l’armée ukrainienne, en attendant une grande contre-offensive ukrainienne en 2025. Avide de briller, même de façon éphémère, Emmanuel Macron est le pigeon des Américains.
L’Ukraine est devenue un enjeu de politique intérieure dans les pays occidentaux. En Allemagne, Olaf Scholz retrouve un peu d’oxygène politique en refusant d’envoyer des missiles à longue portée aux Ukrainiens. En France, nous vous l’avons expliqué, Emmanuel Macron instrumpentalise la question du soutien à l’Ukraine pour se présenter comme le camp du bien contre “l’extrême-droite”.
A Washington on a décidé de ne pas négocier avec Poutine en 2024
Ce qu’Emmanuel Macron ne vous dit pas, c’est qu’il n’agit en aucune manière spontanément. Trahissant les intérêts du peuple français, Emmanuel Macron accepte de rentrer dans le jeu du clan Biden et du parti démocrate, qui instrumentalisent la question ukrainienne, eux aussi, sur fond d’élections présidentielles.
Deux événements récents ont-ils été mal interprétés: la démission de Victoria Nuland, Madame “F… the EU!” de son poste d’adjointe du Secrétaire d’Etat Anthony Blinken; et la nomination du général Zaloujni, rival de Zelenski, comme ambassadeur à Londres? C’est du moins la thèse que défend Rotislav Ichtchenko (traduction sur le site globalsouth.co):
Dans le contexte d’une rhétorique militariste fortement accrue de l’Occident, menaçant ouvertement d’un affrontement militaire direct avec la Russie en cas de défaite militaire de l’Ukraine (tout récemment, l’Occident a complètement nié une telle possibilité), des personnes démissionnent en Ukraine et aux États-Unis, dont la tâche ( Victoria Nuland) était d’assurer une guerre par procuration avec la Russie, dans le cadre de laquelle l’Occident finance, approvisionne et soutient politiquement tous ceux qui luttent contre la Russie, tout en restant lui-même en dehors du champ de bataille. La tâche principale de ces personnes était de parvenir à la défaite de la Russie et à son consentement à la paix aux conditions de l’Occident, sans entraîner l’Occident lui-même dans un conflit militaire direct avec Moscou. (…)
Les masques tombent, l’Occident se prépare dans un avenir proche à se passer d’un préfixe par procuration. C’est pourquoi Zaloujni a soudainement décidé de devenir diplomate. (…) La cause profonde du départ de Zaloujni est (…) le choix des États-Unis et de leurs alliés de l’OTAN en faveur de la guerre.
Alors que l’Occident hésitait, Zaloujni restait en Ukraine comme l’étendard de l’opposition à Zelensky. (…) Environ un mois a été consacré à un examen général de la situation, à des tentatives de faire pression sur la Russie et ses alliés, à lancer de nouveaux mécanismes de sanctions, à montrer que l’Occident était prêt à un affrontement ouvert et, de ce fait, à amener la Russie à accepter de se satisfaire de concessions territoriales aux dépens de l’Ukraine.
Quelque part dans la dernière décade de février, l’Occident a finalement fait le choix de la guerre. C’est alors que toutes ces permutations ont commencé.
Globalsouth.co, 9 mars 2024
Faire échec à Trump
Pourquoi a-t-on soudain décidé à Washington de ne pas saisir – une fois de plus – une perche tendue par Vladimir Poutine? Dans son entretien avec Tucker Carlson, en effet, le président russe faisait allusion à l’accord de paix entre la Pologne et la Russie, en 1667? Au contraire, aucune pression n’a été exercée par les Etats-Unis sur Vladimir Zelensky, quand il a suspendu les élections présidentielles qui auraient dû avoir lieu ce mois. Rien n’a été fait pour pousser un successeur.
Quelles raisons invoquer pour expliquer cette attitude américaine? Il y a quelques mois, il existait une sorte de “consensus” des observateurs pour penser que le gouvernement Biden avait intérêt à boucler le dossier Ukraine avant que démarre vraiment la campagne des élections présidentielles. Ajoutons qu’il est pour le moins étonnant que la décision de ne pas négocier ait été prise à quelques semaines de la réélection – prévisible – de Vladimir Poutine.
Partons des considérations de politique étrangère données par le directeur de la CIA, William Burns, lors d’une récente audition du “Senate Intelligence Committee” (Commission du Sénat sur le Renseignement):
“Je pense que sans une aide supplémentaire en 2024, vous verrez plus d’Avdeevkas, et cela – il me semble – serait une erreur massive et historique pour les États-Unis. (…) Avec une aide supplémentaire, l’Ukraine peut se maintenir sur les lignes de front jusqu’en 2024 et au début de 2025. L’Ukraine peut continuer à imposer des coûts à la Russie, non seulement avec des frappes de pénétration en profondeur en Crimée, mais aussi contre la flotte russe de la mer Noire. (…) Les États-Unis fournissent une assistance à l’Ukraine en partie parce que de telles activités contribuent à freiner la Chine. Si l’on nous voit renoncer à soutenir l’Ukraine, non seulement cela alimentera les doutes de nos alliés et partenaires dans l’Indo-Pacifique, mais cela attisera aussi les ambitions des dirigeants chinois dans des domaines allant de Taïwan à la mer de Chine méridionale”.
Senate Intelligence Committee , 11 mars 2024
Il y a la part de la démesure impériale en même temps que l’angoisse devant la perte de crédibilité des Etats-Unis. Pour autant, ces explications ne sont pas suffisantes pour comprendre ce qui motive le choix de l’actuelle administration américaine.
Le clan Biden et le parti démocrate sont obsédés par l’apparente inarrêtable remontée en puissance de Donald Trump. Or ce dernier a promis que, s’il est élu, il mettra fin rapidement à la Guerre d’Ukraine. Ses adversaires voient le moyen de réveiller les batailles qui ont permis de mettre des bâtons dans les roues à l’ancien (et peut-être futur) président. Le faire passer pour russophile, et même un agent de Poutine!
En somme, la méthode d’Emmanuel Macron avec le Rassemblement National; mais à l’échelle des USA et du danger, pour l’oligarchie impériale, d’une nouvelle victoire du “candidat du peuple américain”.
Un pari risqué….mais que Macron vient conforter
Evidemment, personne ne peut garantir que l’armée ukrainienne va tenir dans les prochains mois. Les pertes sont de plus en plus gigantesques, comme vient de le confirmer un haut gradé polonais:
le nombre réel de VSU tués est bien plus élevé que le nombre total de pertes estimé par le ministère russe de la défense à 444 000.
Et voici le professionnel qui dit la même chose, et il est de l’OTAN.
Les pertes de l’Ukraine dans le conflit avec la Russie devraient se compter “en millions”, a déclaré l’ancien chef de l’état-major général polonais, Rajmund Andrzejczak. Kiev “est en train de perdre la guerre” et ne dispose pas des ressources nécessaires pour poursuivre la lutte contre Moscou, a-t-il ajouté. Dans une interview accordée lundi à la chaîne Polsat, le général à la retraite a qualifié la situation de l’Ukraine sur le champ de bataille de “très dramatique” et a insisté sur le fait qu’”il n’y a pas de miracles dans la guerre”.
Et voici la partie qui compte :“Plus de 10 millions de personnes manquent à l’appel. J’estime que les pertes se comptent en millions, et non en centaines de milliers. Il n’y a pas de ressources dans ce pays, il n’y a personne pour se battre.”
Blog d’Andreï Martyanov
Le gouvernement ukrainien renforce la coercition. Il s’efforce, de plus en plus, de constituer des bataillons féminins. (Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont inventé le “symmachocide” – le génocide d’un pays allié!)
Dans cette situation dramatique, le gouvernement américain essaie de tenir les deux bouts: d’une part ne pas négocier avec la Russie; d’autre part ne pas porter la responsabilité du désastre militaire qui va devenir de plus en plus évident. Et ceci d’autant plus que les Républicains bloquent, au Congrès, le vote de soixante milliards de dollars pour l’Ukraine.
Le but recherché, depuis février, est de convaincre les alliés européens de reprendre l’intégralité du fardeau. L’enthousiasme est, comme on peut s’en douter, mitigé. Mais la bonne surprise, pour les Etats-Unis, c’est la disponibilité d’Emmanuel Macron à se mettre en avant. La CIA et l’Etat profond américain sont devenus définitivement incapables de gagner des guerres. En revanche, ils ont encore le savoir-faire de la manipulation psychologique!
Il faut dire qu’avec Emmanuel Macron, l’opération n’est pas très compliquée. La cible de la manipulation condense tout ce qu’il y a de pire dans le comportement français: le président français est beau parleur, vaniteux, méprisant avec ses pairs, obsédé de communication et il tend à faire de sa présidence un jeu de rôles. Deux Zelensky valent mieux qu’un!
Depuis la fin février, le président français s’imagine coiffé du bicorne d’un nouveau Napoléon. Comment, vous croyez qu’il n’a pas en tête la retraite de Russie? Mais, plus néronien que napoléonien, Macron se moque bien, au fond, d’entraîner le pays dans un désastre: pourvu qu’il puisse s’enivrer des cours instants où il sera l’Adversaire de Vladimir Poutine.
On voit bien l’intérêt pour les Américains: grâce à la fragilité psychologique d’Emmanuel Macron, ils n’ont pas l’air de lâcher l’Ukraine. Et si le président français va trop loin, il sera toujours possible de le désavouer. Même Donald Trump y verra un intérêt: au lieu d’attaquer les démocrates seulement sur la question de la Guerre d’Ukraine, il pourra utiliser Emmanuel Macron et sa jactance comme des repoussoirs.
Bouffi de vanité, avide d’une gloire éphémère sur fond de profond nihilisme personnel, Macron est devenu le pigeon des Américains.
Emmanuel Macron court au désastre et il se moque bien de nous engloutir avec lui, pourvu qu’il ait deux minutes de gloire – le temps d’un premier Kinjal, qui tuera plusieurs centaines de soldats français d’élite fourvoyés par des chefs indignes sur le sol ukrainien.