Eurabia l’Axe euro-arabe – Format eBook (ePub, Mobi Kindle)

Bat Ye'or

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Collection : Auteur : Pages: 336 ISBN: 9782865531899

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Extrait

Préface
Publiée en 2005 aux Etats-Unis, Eurabia sortit en France en 2006. Dans ce livre je décrivais les orientations prises par le Conseil européen et la Commission européenne pour renforcer les processus de fusionnement et de rapprochement de l’Europe avec les pays musulmans du sud méditerranéen. Ces décisions se conformaient aux résolutions prises par la Communauté européenne après la guerre du Kippour en novembre 1973. Elles déterminèrent un nouveau développement mené de façon officieuse, le Dialogue Euro-Arabe.
La paix séparée égypto-israélienne (1979) provoqua la fureur de la Ligue arabe. Elle expulsa l’Egypte de ses rangs et rompit les tractations du Dialogue avec une Europe accusée de faiblesse. Cette rupture coïncidant avec la prise du pouvoir en Iran par Khomeiny (1979) ramena en Europe la crainte d’une nouvelle crise du pétrole. Anxieuse de se rapprocher du monde arabe, la Communauté européenne promulgua alors la Déclaration de Venise (1980), destinée à compenser et à amadouer le camp arabe. Jusqu’à présent cette Déclaration constitue la base des exigences anti-israéliennes de l’UE. De l’aveu même du ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier de la République fédérale allemande, Hans-Dietrich Genscher, la Déclaration de Venise rétablit les bonnes relations de l’Europe avec les pays de la Ligue arabe et lui ouvrit des perspectives prometteuses (Symposium du Dialogue euro-arabe de Hambourg, avril 1983).
Ce livre examinait les grandes lignes de la politique méditerranéenne de l’UE et de son corollaire, l’immigration islamique. Alarmé par les attentats du 11 septembre 2001 aux U.S.A., le Conseil européen jugeait ces domaines désormais prioritaires pour la sécurité de l’Europe. Cette prudence s’accrût dans le contexte de la guerre en Irak suivie des attaques islamistes terroristes à Madrid (2004) et à Londres (2005). Ces événements, en effet, révélaient l’enracinement, en Europe même, d’une nébuleuse terroriste capable de frapper au cœur des capitales européennes. Le terrorisme ne provenait pas de l’extérieur comme dans les années 1960-80, mais d’individus immigrés bien intégrés.
Le nouveau président de la Commission européenne, Romano Prodi (1999-2004), commandita alors de nombreux rapports préconisant des mesures favorisant une meilleure intégration des communautés musulmanes immigrées et une politique de collaboration et d’association accrue avec les pays arabes. Parmi ces rapports, Le Dialogue entre les Peuples et les Cultures dans l’Espace Euro-Méditerranéen proposait une politique d’accueil des immigrés qui intégrerait leur culture à parité avec celle des autochtones. Afin de réaliser la paix, l’harmonie multiculturelle et la réconciliation entre l’Occident et l’Islam, ce rapport préconisait un conditionnement des populations d’accueil axé sur la culpabilisation pour les Croisades, la colonisation et l’émergence de l’État d’Israël. Un nouvel organisme fut créé, la Fondation Anna Lindh (décembre 2003), chargé de planifier les politiques extérieures de rapprochement transméditerranéen et immigrationistes au niveau interne européen. Ces travaux postulaient à la base la culpabilité des sociétés d’accueil et imputaient à leur racisme l’échec de l’intégration et l’hostilité d’une large proportion de l’immigration musulmane.
Après l’attentat de Madrid une seconde organisation – celle-ci internationale et intégrée à l’ONU – l’Alliance des Civilisations, fut créée selon les mêmes critères et dans les mêmes buts. Une étroite coopération s’instaura dès lors au plan international entre l’UE, la Ligue arabe, l’Organisation de la Conférence/Coopération islamique et l’ONU visant à amener la fusion démographique et culturelle des civilisations occidentales et islamiques. Eurabia décrivait l’origine de ces politiques, leur idéologie, la constitution de leurs réseaux dès 1973, leurs extensions et leur prégnance dans tout l’espace de la Communauté/Union européenne sous l’égide de la Commission européenne travaillant dès 1973 en étroite association avec la Ligue arabe. Commissions et sous-commissions réunissant des parlementaires européens et arabes, des intellectuels, des journalistes, des politiciens des deux rives, émirent un nombre considérable de propositions planifiant les mesures qui nous gouvernent aujourd’hui. Contrairement à la théorie du complot, toutes ces données peuvent être facilement vérifiées avec les noms des responsables et les dates. On peut, à titre d’exemple, consulter La Déclaration de Tunis au Premier Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des Pays du Bassin Occidental de la Méditerranée – Dialogue 5+5 (Tunis, les 5 et 6 Décembre 2003) qui expose bien la politique de voisinage et de partenariat (art. 3).
Aujourd’hui, les conséquences des politiques décidées voici trente ans, aggravées par la crise économique et la mondialisation, soulèvent un vent de révolte et de contestation dans tous les pays de l’UE. Travaillés par la crise des valeurs, inquiets du chômage, les Européens rejettent l’autoritarisme envahissant de Bruxelles pour préserver les prérogatives quasi défuntes de l’État-nation, garant de la démocratie. À ces conflits s’ajoutent la déstructuration des territoires nationaux et les empiétements de la « diversité » dans tous les domaines sociaux, politiques, économiques et culturels. Les impératifs de la réconciliation Nord-Sud, imposés par les réseaux de la Fondation Anna Lindh et de l’Alliance des Civilisations, impliquaient le rejet de l’Histoire, matrice des identités et des valeurs européennes, de leurs disciplines sacrifiées à un narratif imaginaire issue de la diversité et de sa glorification. Or ces modifications profondes des fondations culturelles européennes s’accompagnant d’une campagne agressive de culpabilisation et de dénigrement des récalcitrants, sont aujourd’hui combattues par des intellectuels et des démocrates soucieux de conserver leur indépendance et leur culture historique. Alors que dans les décennies 1970-2010, à l’époque des décisions et de l’élaboration de ces politiques, nul ne s’y intéressait, à présent ces questions sont ramenées dans le débat public.
Ainsi, aujourd’hui, les diverses mesures pour favoriser l’émigration font scandale, bien que les nombreuses commissions et agences Euro-med aient discuté leurs thèmes dans l’indifférence générale et à longueur d’années, avant même la Déclaration de Barcelone (1995) qui les énoncent clairement. Le discours de Jacques Chirac à l’Université du Caire (8 avril 1996) est édifiant à cet égard. La grande politique arabe de la France, « dimension essentielle de sa politique étrangère », y est affirmée. Mais Jacques Chirac y ajoute une ambition majeure et essentielle qu’il veut faire partager à toute l’Europe : « bâtir une communauté méditerranéenne », réhabiliter le patrimoine culturel du pourtour méditerranéen. Sous son égide fut décidée la création à Marseille d’un Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, concomitant avec la fermeture du Musée des Arts et Traditions populaires de Paris, qui fut inauguré en juin 2013.
Toute la politique d’immigration initiée par le mouvement Eurabia et soutenu par la Communauté européenne dès 1973 est désormais ouvertement contestée par des Européens qui récusent l’autocratie de l’UE et la mise au placard des valeurs et des identités européennes. Il est actuellement difficile de cerner exactement les caractères, d’ailleurs diversifiés, des mécontentements portés par la blogosphère et dont l’amplitude inquiète les gouvernements, de gauche comme de droite, par ailleurs consensuels en ces domaines. Or les structures des politiques décidées dès 1973 m’apparaissent si profondément ancrées dans tous les pays de l’UE que leurs modifications risqueraient de provoquer un retour du terrorisme dans un climat de guerre civile. Car il importe de se rappeler que le système d’Eurabia – ainsi désigné par ses propres concepteurs – s’élabora comme une réponse au contexte de terrorisme politique et économique (boycott du pétrole 1973) auquel se plia une Europe encore forte militairement, homogène et riche. Ces trois facteurs n’existent plus aujourd’hui.
Les mouvements contestataires réclament la sortie de l’euro et de l’UE, une refonte complète de la politique d’immigration, le contrôle des milliards d’euros versés à des leaders étrangers corrompus, la fin de la langue de bois, du politiquement correct, qui permirent d’inculper des boucs émissaires pour excuser le terrorisme islamique. Ils exigent le respect des droits des populations autochtones et la fin du déni de la réalité qui orienta l’Europe dans des voies sans issues.
Les défis à relever par nos sociétés sont quasi insurmontables. L’Europe, rongée par le marasme économique, doit se garder de la convoitise qu’éveillent les milliards du pétrole. Démantelés par l’UE, les États-nations qui tentent de se reconstituer pourront-ils récupérer quelque autonomie ? Et comment conserver les acquis positifs de l’intégration européenne ? Pierre fondatrice de l’Occident, l’Église, dans ses diverses dénominations, survivra-t-elle aux innombrables conflits qui l’assaillent ? Enfin comment harmoniser des sociétés devenues des tours de Babel où chacun, enfermé dans son propre langage, ne communique plus.
La politique d’Eurabia – dont on suivra la genèse et le développement dans les pages qui suivent – se fonda sur des critères uniquement économiques, des compromis, des couardises et le déni de la réalité. Même si elle invoqua les droits de l’homme, elle fut essentiellement cynique et intéressée. Aucune voix forte ne s’éleva alors pour proclamer que la seule voie de l’entente entre les peuples est celle de la vérité et de la critique. Bien au contraire, tout discours non conforme à la glorification de l’islam fut écrasé. L’Europe aurait-elle perdu son rendez-vous avec l’Histoire et un islam rénové qu’elle aurait pu aider à naître ?

Bat Ye’or
Février 2014