L’effondrement du niveau scolaire commence à inquiéter puisque beaucoup se rendent comptent que sans une école de bon niveau il ne peut pas y avoir de puissance mondiale. Un effondrement mesuré dans le primaire et le secondaire, mais aussi dans le supérieur. Un effondrement dont les élèves ne sont pas des responsables, mais des victimes. Victimes des méthodes éducatives stupides, du vide des programmes, de la baisse des exigences. Depuis plusieurs années déjà l’Éducation nationale n’arrive plus à recruter, ce qui devient problématique pour remplir certaines classes.
L’argent n’est ni le problème ni la solution
Comme souvent en France, on ne parle que des « moyens ». Il suffirait d’augmenter les salaires des professeurs pour rendre le métier attractif et faire repartir l’école. Une explication bien commode qui permet de masquer les causes réelles de cet effondrement. Emmanuel Macron a donc annoncé près de 10% d’augmentation, soit entre 100€ et 250€ net par mois. C’est toujours bon à prendre et aucun professeur ne refusera cette augmentation, mais cela ne résoudra pas le problème. On trouve encore des personnes pour dire que l’État s’est désengagé de l’école, voire que l’école manque d’argent. Il faut donc sans cesse rappeler les faits : en 40 ans, le budget de l’éducation nationale a été multiplié par deux. Un élève du primaire coûte aujourd’hui deux fois plus cher qu’en 1980. Idem pour le collège et le lycée. Les dépenses intérieures d’éducation sont aujourd’hui de plus de 160 milliards d’euros, soit le premier poste de dépense de l’État. On se demande d’ailleurs où va être trouvé l’argent des augmentations pour un État surendetté avec des taux d’imposition à leurs plus hauts niveaux. On voit fleurir ici et là, notamment sur Twitter, cette rengaine selon laquelle le salaire d’un professeur était de 2,5 SMIC en 1990 et 1,7 SMIC aujourd’hui. Si cela est vrai, c’est à cause de l’augmentation continue du SMIC non d’une baisse des salaires contrairement à ce que pense certains. Ce qui en dit long sur le niveau de connaissance en économie.
Échec de l’école centralisée
Ce n’est pas par manque de moyens que l’école a échoué, mais parce qu’elle est étatisée. Aucune liberté n’est laissée aux professeurs pour mener leurs cours à leur guise, en s’adaptant à la réalité de leurs classes. Les inspecteurs se révèlent pointilleux et procéduriers pour contrôler, punir, recadrer. Désormais, dans plusieurs collèges, on ne met plus de notes mais des couleurs : vert, orange et rouge. De quoi infantiliser les adolescents de 14 ans. Même si le professeur est contre il n’a pas le choix, il doit appliquer ce nouveau système.
Que l’on permette ici quelques propos qui n’iront pas dans le sens de ce que disent les professeurs. Beaucoup se plaignent, à juste titre, de l’ambiance dégradée de leurs classes et de la violence. C’est vrai et cela pourrit de nombreux établissements. Mais qui est en partie responsable de ce pourrissement si ce n’est ceux qui se sont levés à chaque fois que l’on parlait de sanctions, d’efforts, de travail ? Beaucoup de professeurs ont aussi leur part de responsabilité, eux qui ont montré une bien étrange tolérance à l’égard de l’islamisme ou qui ont refusé toute sélection et tout mérite. Beaucoup ont été les porteurs sains d’une idéologie qui a pourri l’école.
Le salaire est un prix
Puisque les professeurs veulent être mieux payés, prenons-les au mot.
Le salaire est un prix : c’est le prix d’achat d’une force de travail. En économie, soit un prix est librement fixé (notamment par la loi de l’offre et de la demande), soit il est administré. Quand les prix sont administrés, les conséquences sont toujours les mêmes et bien connues : baisse de la qualité, disparition du produit. C’est exactement ce qui se passe dans l’éducation nationale. Les prix sont fixés puisque les salaires sont décidés par le Ministère et qu’ils ne sont pas individualisés : ils dépendent des concours réussis, des grades, de l’ancienneté. Mais jamais du mérite du professeur et de ses qualités. Un bon professeur est rémunéré de la même façon qu’un mauvais professeur, ce qui est injuste.
Pour augmenter les salaires, proposons donc des prix libres. C’est-à-dire que les professeurs soient rémunérés sur la base unique de leur mérite ; salaire décidé par le chef d’établissement. Les salaires pourront donc varier selon les régions. Notons d’ailleurs qu’aucun syndicat ne s’offusque qu’un professeur d’Île-de-France ait la même rémunération qu’un professeur d’Auvergne, alors que les coûts du logement n’ont rien à voir. La moindre des choses serait de tenir compte du coût du logement et donc de faire des salaires différents selon les zones géographiques. Il faudrait aussi une variation selon les disciplines, notamment si l’on veut pouvoir recruter des professeurs de mathématiques et de chimie, et donc accepter qu’un professeur de sciences soit mieux rémunéré qu’un professeur de sport. Cette liberté des salaires est la seule façon d’établir une justice qui soit non seulement salariale, mais aussi professionnelle. Elle permettrait également de récompenser les bons professeurs, donc d’encourager chacun à s’améliorer, à mettre à jour ses connaissances, à parfaire sa pédagogie, ce qui serait grandement profitable aux élèves.
Une telle proposition est impossible à mettre en place. L’évoquer suscite immédiatement cris et effrois dans le corps professoral, attaché plus que tout au mythe égalitaire. S’il y a pourtant un lieu où l’égalité n’existe pas, c’est bien dans la réussite scolaire. Eux qui passent leurs journées à noter et hiérarchiser, refusent de l’être. Difficile alors de faire bouger les choses. Pourquoi devrait-on refuser de récompenser les bons professeurs et écarter ceux qui ne le sont pas ? Tout le monde y gagnerait et les professeurs en premier.
De la même façon, il serait normal que les affectations soient beaucoup plus libres et que le recrutement puisse se faire comme dans n’importe quelle entreprise, au lieu d’être aujourd’hui verrouillées par les syndicats qui s’en servent comme d’un levier de pouvoir. Là aussi, les professeurs seraient grandement gagnants. Là aussi, la plupart s’y opposent frontalement. On comprend alors la défiance de plus en plus grande entre eux et le reste de la société, qui ne connait pas ce métier et ses difficultés, mais qui voit un mammouth irréformable où la moindre tentative d’amélioration engendre des blocages.
L’école privée se satisfait grandement de ce système, elle qui a tous les avantages du monopole sans les inconvénients. Leur silence face aux déclarations provocatrices du ministre de l’Éducation est à cet égard éloquent. Aucun chef d’établissement, aucun responsable diocésain n’a réagi à la menace de suppression d’une liberté scolaire fondamentale, celle d’être libre de ses recrutements d’élèves. Le maintien de leur rente scolaire semble être leur seule préoccupation, l’enseignement diocésain étant à bien des égards une petite éducation nationale, souvent en pire.
Pendant ce temps, ce sont les élèves qui trinquent et souffrent et la puissance française qui est écornée et raccourcie. On peut laisser pourrir le navire, mais peut-être faudra-t-il un jour accepter d’ouvrir les fenêtres et de faire entrer un grand courant d’air frais dans cette maison vermoulue.