J’ai deux convictions assez fortes.
Et donc, depuis des lustres, j’essaie de convaincre les hommes politiques français qu’il m’arrive de rencontrer, que je pourrais peut-être les aider, non pas à prendre les bonnes décisions (à l’impossible nul n’est tenu) mais au moins à ne pas en prendre de stupides. L’échec a été complet et total, la réponse étant toujours la même : « Vos idées sont bonnes, mais ne permettraient pas de gagner les élections. » Et donc, mes pauvres propositions ne sont jamais retenues, et « ils » continuent à perdre non seulement les élections mais aussi leur honneur, puisqu’ils défendent des idées auxquelles ils ne croient pas tandis que notre pays continue son lent et inévitable naufrage. Et c’est pour cela que l’IDL fût créé il y a bientôt dix ans, pour parler au citoyen directement puisque les « élites » sont atteintes de surdité dès qu’on leur parle de la réalité économique. C’est dans cet esprit que je vais faire une comparaison entre la France d’aujourd’hui et la Suède en 1992-1995. A cette époque, la Suède, gérée par un parti politique tout acquis aux idées que défend monsieur Mélenchon aujourd’hui, fît faillite, et son rétablissement depuis a été incroyable. Et, toujours optimiste, je me dis que ce qui a marché en Suède pourrait peut-être marcher en France ? Bien entendu, aucun parti ne défendra ces idées aux prochaines élections, et je ne me fais aucune illusion sur les chances qu’elles auraient d’être retenues puisque nos problèmes ne viennent que de l’incroyable incompétence de ceux qui nous gouvernent depuis cinquante ans et que nous venons d’en reprendre pour cinq ans avec eux. Mais au moins, je n’aurai pas déserté. J’ai toujours eu beaucoup de sympathie pour les cadets de Saumur chargeant à cheval les chars allemands en 1940. Venons-en à la Suède. Par un hasard du calendrier de mes visites, le 16 novembre 1992, j’étais dans le bureau du Gouverneur de la banque centrale suédoise (la plus ancienne du monde), et ce jour-là justement, tout le système financier Suédois était en train de sauter : la monnaie était violemment attaquée, le taux de change étant bloqué vis-à-vis du DM dans l’imbécillité Giscardienne qu’était le SME, l’ancêtre de l’Euro, les réserves de change disparaissaient à vue d’œil, les taux cours étaient à 35 %, les taux longs à 12 %, la bourse s’effondrait avec l’immobilier et une panique bancaire d’anthologie commençait puisque tout le monde savait que les banques avaient prêté comme des malades à l’immobilier Suédois. Bref, une atmosphère de fin du monde. Et pourtant, je trouvais le gouverneur de la banque centrale Suédoise parfaitement détendu, voir rigolard. Et il me fit comprendre, en peu de mots (le Suédois est peu bavard) que lui aussi pensait qu’il valait mieux « la fin dans l’horreur qu’une horreur sans fin », l’horreur sans fin étant la combinaison de politiques monétaire et budgétaire débiles combinées avec un taux de change fixe (ce que nous faisons en France depuis vingt-cinq ans). Dans un accès de générosité surprenant pour un banquier central, il me conseilla d’acheter les obligations gouvernementales suédoises indexées sur l’inflation qui offraient un rendement réel de plus de 7 % et qui furent le meilleur placement des dix années suivantes. Le lendemain, ou le surlendemain, la couronne sortait du SME et flottait librement, et les Suédois se mirent au travail, en bon ordre comme d’habitude. Les banques, toutes en faillite (sauf la banque des Wallenberg) virent leurs dépôts garantis par l’Etat Suédois et furent nationalisées, leurs actionnaires perdant tout, et quelques dirigeants de ces institutions mis en prison, pour entretenir le moral des troupes…Quelques années plus tard, les mêmes banques furent privatisées et réintroduites dans le marché des actions et l’Etat suédois fit plusieurs fois la culbute. Les dépenses de l’Etat, à plus de 60 % du PIB, furent coupées fort intelligemment, le principe de base étant que l’Etat devait devenir « prescripteur » et cesser d’être « producteur ». Ce principe fut par exemple appliqué dans l’éducation , les retraites, la gestion des transports publiques, les hôpitaux…et les effets de cette baisse furent remarquables, comme le montrent la bande dessinée que j’ai préparé pour les lecteurs de l’IDL. Suède en bleu, France en rouge.
Ces deux graphiques illustrent parfaitement que, lorsque le poids de l’état est supérieur à 50 % du PIB, si l’on veut que la croissance accélère, alors il faut faire baisser le poids de l’état, l’inverse étant également vrai.
La Suède oscille depuis 1998 entre des surplus (en temps normal) et des deficits budgétaires (pendant les récessions) tandis que la France, depuis cette date, voit son déficit budgétaire augmenter de cycle en cycle et devenir pire de récession en récession. Ce qui amène, évidemment, à notre graphique suivant. A partir de 1999, la dette française en % du PIB devient supérieure à la dette Suédoise. Depuis cette date, la dette Suédoise a été divisée par deux tandis que la dette Française doublait. Et bravo à monsieur Trichet, le Gamelin de l’économie française, grâce à qui les Allemands sont à Paris. Ce qui nous amène, logiquement, au graphique des comptes extérieurs des deux pays. Bien entendu, et avec le délai habituel de quelques années, la hausse du poids de l’état dans l’économie entraine une détérioration des comptes extérieurs puisque peu de fonctionnaires produisent des biens ou services exportables. Mais ils aiment bien importer et conduire des voitures allemandes comme tout le monde, ou prendre leurs vacances en Thaïlande ou aux Baléares. Et donc nos deficits tant intérieurs qu’extérieurs vont continuer à grimper. Et tout cela finira, comme en Suède il y a trente ans, dans une faillite du secteur privé, qui ne pourra plus rembourser ses prêts au système bancaire, qui lui-même sautera comme un bouchon comme son homologue en Suède en 1992. Nous sommes en bonne voie, la moitié du chemin étant déjà parcouru (le cours des banques dans la zone Euro est déjà passé de 100 à 50. Encore un effort ! et nous serons enfin à zéro. Pendant la même période, le cours des banques suédoises était multiplié par six…).
Conclusion. Comme je ne pense pas être invité par le Gouverneur de la Banque de France pour lui prodiguer mes conseils le jour de la crise finale de l’Euro et comme les Suédois ne sont pas des Français, je ne m’attends pas vraiment à ce que les choses se passent socialement aussi bien en France qu’en Suède. Mais les évènements se passeront exactement de la même façon et dans le même ordre. Le coup partira de la monnaie et des marchés obligataires se cassant la figure, alors même que nous serons en récession, et se terminera avec des files d’attente devant les banques qui devront être nationalisées. Que le lecteur se rassure : en France, personne n’ira en prison. Les responsables seront promus et des lampistes découverts et punis sévèrement. La question subsidiaire, à laquelle je ne peux pas répondre, est de savoir s’il y aura des distributions de claques dans les rues, ou pas. En fait, la France étant la France, je compte sur monsieur Mélenchon pour que le scenario français habituel soit respecté. Achetez vos gilets jaunes, je crains une pénurie et vous allez en avoir besoin pour pouvoir passer les barrages quand vous voudrez rejoindre vos maisons de campagne. |