29 avril 2022
Les fragilités de l’économie chinoise se concrétisent de plus en plus et vont affaiblir sa croissance.
Depuis mon article « Quand la Chine s’effondrera » paru dans Les Échos en 2014, le contexte a beaucoup changé et l’admiration excessive pour la réussite chinoise a fait place à une crainte grandissante des Occidentaux face à cette superpuissance. Pourtant les fragilités de l’économie chinoise, que je soulignais alors, se sont en partie concrétisées et, à mon avis, ce n’est pas fini…
Pourquoi la croissance chinoise est en panne
Au début des années 2010, il apparaissait déjà qu’une partie des grands travaux chinois étaient artificielle, du fait d’un mélange d’orgueil planificateur et de corruption : une production hallucinante de logements impossibles à remplir, un maillage de TGV et d’autoroutes disproportionné etc. Au-delà du gigantesque gaspillage de matières premières, cela n’était visiblement pas durable.
Comme je l’avais anticipé en 2014 dans mon article reproduit ci-dessous, la croissance chinoise accuse depuis un très net ralentissement, qui peut encore s’aggraver selon moi, à court, moyen et long terme.
À court terme, l’offensive contre le privé, l’effondrement immobilier et la pandémie
Le secteur privé chinois a très bien réussi, ce qui a fini par inquiéter le parti. La reprise en main a été brutale et plusieurs grandes entreprises chinoises ont perdu une grande partie de leur valeur boursière. C’est un des moteurs de la croissance chinoise qui a été ainsi bridé.
À cela s’ajoute la quasi-faillite d’Evergrande, deuxième promoteur immobilier chinois, survenue en octobre 2021. Cette entreprise a désormais une dette insolvable équivalente à 2 % du PIB chinois (à peu près 260 milliards de dollars). Les banques chinoises sont en train d’essayer de diluer les effets de cette faillite, mais des promoteurs de moindres tailles sont également en difficulté. Rappelons que le secteur de la construction est responsable de 30 % du PIB.
C’est un obstacle au souhait de Xi Jinping de faire passer l’économie chinoise, basée sur l’exportation, à une économie basée sur la consommation intérieure.
S’ajoute à cette situation, la gestion de l’épidémie et la stratégie « zéro covid ». Cette stratégie d’un confinement total de chacun, chez soi ou parfois dans son usine, semble être d’abord un choix politique dans la ligne de durcissement du contrôle de la société par le pouvoir.
Est-ce efficace ? Sur le plan sanitaire ça rappelle la moindre efficacité des vaccins chinois. Sur le plan économique, selon la banque Nomura, 350 millions de personnes sont confinées, réparties dans une quarantaine de villes, représentant 40 % du PIB chinois. On imagine la production perdue, et de nouveaux retards de livraison des produits déjà fabriqués, ce qui freine la production des autres pays du monde.
À moyen et long terme, la diminution de la population active
Tout cela se combine avec la question démographique. Le déclin prévisible de la population chinoise est en train de se concrétiser.
Le président Xi a brusquement pris conscience des dégâts causés par la politique de l’enfant unique. Trop tard : la diminution du nombre de Chinois de moins de 30 ans non seulement handicape l’économie, mais surtout va réduire encore le nombre de parents et enclencher le cercle vicieux à la baisse.
Les encouragements à une reprise de la fécondité ne semblent pas avoir d’effet pour l’instant. La reconversion de la puissante administration de l’enfant unique vers les encouragements à trois enfants va être ardue : il est plus facile de faire pression sur une femme, via son employeur, pour la faire avorter que de déclencher une grossesse supplémentaire. Parallèlement le pouvoir demande aux femmes maintenant très qualifiées de rester au foyer, réduisant encore la main-d’œuvre des jeunes.
À long terme l’effet de l’isolement et de la méfiance réciproque
Le reste du monde commence à prendre conscience des inconvénients pratiques de produire en Chine. S’y ajoutent les menaces politiques tant à l’intérieur avec le contrôle croissant du parti sur les entreprises privées, étrangères comprises, qu’à l’extérieur avec les menaces sur Taïwan et les revendications territoriales au détriment des pays voisins dans la mer de Chine du Sud.
Il en résulte une relocalisation des usines d’assemblage d’entreprises occidentales dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est, mais aussi en Amérique latine et en Europe orientale.
Pour la Chine, c’est une source importante de financement et d’apport de technologies qui diminue et va peut-être disparaître.
À plus long terme s’accentue la coupure des liens humains et intellectuels avec le reste du monde, probablement pour des raisons politiques.
Actuellement la pandémie sert de prétexte pour empêcher les cadres étrangers de revenir travailler dans les entreprises chinoises, mais plus généralement la fermeture d’Internet sur le reste du monde et son contrôle tatillon à l’intérieur sont incompatibles avec les contacts avec des étrangers. D’ailleurs les campagnes politiques contre « la pollution par les idées occidentales décadentes » montrent bien qu’il s’agit d’une attitude générale dépassant largement les questions sanitaires.
Les conséquences de cet isolement ne seront pas mesurables, mais je pense qu’à long terme elles vont peser sur la productivité chinoise.