Philippe Murer
“Sommes-nous à la cour de Versailles ou dans un régime démocratique ?” se demande Philippe Murer devant l’émission de TF1 consacrée au bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron et aux perspectives données à la France.
J’ai assisté hier comme 3,8 millions de Français, à la mise en scène d’un président sortant vantant les mérites de son bilan. Les Français ne s’y sont pas trompés : 3,8 millions de téléspectateurs seulement ont regardé sa prestation. C’est fort peu pour écouter le bilan d’un président sortant et d’un futur candidat à l’élection présidentielle.
Parlons d’abord de la forme. Macron y a livré ses états d’âme et « les résultats de son action » sans la moindre contradiction. Les journalistes étaient souriants et amicaux avec le président, presque tendres, le relançant quand il le fallait, le questionnant sur de nouveaux thèmes quand Macron avait dit ce qu’il avait à dire, ne le mettant jamais face à des mensonges évidents ou à ses promesses non tenues.
Vous parlez d’une bienveillance !
Le candidat Macron avait fait de « la bienveillance » et du « penser printemps » les mots d’ordre de sa présidence. Les Français n’ont pas vu ce printemps présidentiel mais ont subi l’hiver du confinement et des privations de liberté. Quant à la bienveillance d’une présidence qui aboutit à des images jamais vues de policiers qui frappent des pompiers devant les caméras de télévision, de citoyens éborgnés priant le président de comprendre leur détresse face à leurs fins de mois difficiles, d’adolescents et de jeunes empêchés de vivre pendant un an, de soignants applaudis par le pouvoir pour leur courage puis suspendus et laissés sans salaire car ils refusaient de se vacciner… La liste de ces « actes de bienveillance » du président est sans fin.
Macron enfile les mensonges comme d’autres enfilent des perles : le pouvoir d’achat est en hausse, le chômage est au plus bas, la réindustrialisation est en marche, jamais personne n’a autant fait pour l’hôpital public etc.
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L’inflation est selon les chiffres publics d’Eurostat de 3,4% quand les salaires n’augmentent que de 1,8%. C’est donc de pertes de pouvoir d’achat et non de gains de pouvoir d’achat qu’il faudrait parler.
Pour le « record de baisse du chômage », Macron utilise le très manipulable sondage Insee, labellisé implicitement statistique car en provenance de l’Insee. Le problème est que ce sondage affiche aujourd’hui un taux de chômage de 8%. La France comptant 25 millions de salariés, il y a donc 2 millions de chômeurs. Bizarrement, les statistiques dures, celles de Pôle Emploi nous révèlent qu’il y a 3,5 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi dans la catégorie la plus restrictive, la catégorie A. La conclusion logique est qu’il y a 1,5 million de faux chômeurs à Pôle Emploi, faux chômeurs que détecte le sondage de l’Insee ! Le taux de chômage selon le sondage Insee ne devrait même plus être évoqué tant ses variations erratiques révèlent son absence de signification : au deuxième trimestre 2020, en pleine crise du Covid quand les entreprises étaient fermées, les embauches inexistantes et les licenciements massifs, il « indiquait » que le taux de chômage avait plongé de 8% à 7,1%.
Télé-réalité
La réindustrialisation serait en marche et les trente glorieuses seraient de retour mais la production de l’industrie est en baisse de 3,5% depuis l’élection de Macron et n’a jamais amorcé de rebond. C’est la magie de « l’en même temps ».
Enfin, jamais personne n’a autant fait que Macron pour l’hôpital public. Il suffit de lire les chiffres pour s’en convaincre : fermeture de 4000 lits par an et même de 5700 lits pendant l’année 2020, en pleine pandémie.
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À force de flatter le pouvoir, certains journalistes en deviennent ridicules. Nous sommes plus près de la cour de Versailles que d’un régime démocratique. Plus sérieusement, les journalistes interrogeant Macron étant devenus les faire-valoir du pouvoir, l’élection présidentielle ne se fait plus sur la réalité de la situation de la France et du bilan de Macron mais sur ce que Macron impose presque sans contradiction comme la réalité. Devant un spectacle aussi affligeant, je n’ai eu d’autres choix que d’éteindre la télévision. Je ne suis apparemment pas le seul. Nicolas Dupont-Aignan a communiqué sur Twitter pour indiquer qu’écouter cette émission jusqu’au bout était au-dessus de ses forces.
Il est assez difficile de comprendre pourquoi les principaux candidats à l’élection présidentielle le laissent ainsi débiter de tels mensonges ou laissent les journalistes les relayer sur les plateaux de télévision sans les démonter. Ce serait vraiment dans leur intérêt.
En France, la propagande a longtemps joué pour minimiser tous les problèmes liés à l’immigration. Aujourd’hui, la propagande joue dans tous les domaines. Tout ceci est paradoxalement normal. Les élites de ce pays veulent coûte que coûte conserver un logiciel de pensée (et un cadre d’action européen) dont découle le fonctionnement de la société française qui est en échec total : que ce soit sur l’assimilation et les flux d’immigration, la sécurité, l’économie et le social, l’écologie, l’éducation. Dès lors, il ne leur reste plus qu’à mentir de plus en plus pour cacher aux Français le désastre qui sévit dans leur pays quitte à sacrifier à la fois l’avenir de la France et la démocratie. Après tout, ce vague concept importe peu face à leurs intérêts personnels.