FIGAROVOX/TRIBUNE – Le président turc a officialisé aujourd’hui la reconversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée faisant fi de toutes les critiques adressées par l’Occident. Notre incapacité à nous imposer face à Erdogan et à l’islamisme découle directement de notre incapacité à nous penser comme espace civilisationnel affirment Laurence Trochu et Sébastien Meurant.
Laurence Trochu est Présidente de Sens commun et conseillère départementale des Yvelines. Elle est également membre du bureau politique Les Républicains.
Sébastien Meurant est sénateur Les Républicains du Val d’Oise.
Il existe une constante commune à toute l’histoire de la Turquie: celle d’une volonté de purification de tous ses éléments perçus comme exogènes, de l’Empire ottoman (génocide des Assyriens en 1914, des Arméniens en 1915, et des Grecques pontiques en 1916), à la République prétendument laïque d’Atatürk (pogroms anti-juifs de 1934 et expulsion des Orthodoxes d’Istanbul dès 1955). La dernière décision d’Erdogan et de son régime islamiste découle de cette même logique guerrière.
Notre incapacité à nous imposer face à Erdogan et à l’islamisme découle directement de notre incapacité à nous penser comme espace civilisationnel chrétien.
La France «déplore» la décision turque et l’Union européenne la trouve «regrettable». De son côté, le Pape François est «très affligé». Nul doute qu’Erdogan doit trembler. Seule la Grèce a pris la mesure de cette décision en la qualifiant de «provocation envers le monde civilisé».Notre incapacité à nous imposer face à Erdogan et à l’islamisme découle directement de notre incapacité à nous penser comme espace civilisationnel chrétien. Pour lutter contre l’islamisme, il faut d’abord prendre conscience qu’il ne se limite pas au terrorisme et aux actions violentes. Dans son rapport adopté à l’unanimité le 7 juillet 2020, la commission d’enquête du Sénat insiste sur ce point: «Les islamistes cherchent à peser sur la vie quotidienne et le rapport aux autres des Français de confession musulmane et des musulmans étrangers résidant en France, pour leur imposer une orthopraxie, des pratiques vestimentaires, alimentaires, rituelles, mais surtout une norme de comportement et de rapports entre les hommes et les femmes, afin de les séparer du reste de la population française.»
Il est donc capital de cerner la notion d’Islam culturel dont l’emprise sur la manière de vivre est grandissante. Et, à la suite de Rémi Brague dans son ouvrage Au moyen du Moyen-Âge, de distinguer d’une part l’Islam comme religion et d’autre part l’Islam comme culture et civilisation imprégnées par la religion musulmane. Nous parvenons à freiner l’expansion de l’Islam politique et à déjouer ses modes d’action violents. Mais la France reste incapable de contrer le développement de l’Islam culturel qui cherche à régenter les modes de vie et qui se développe en marge du djihad terroriste. C’est ainsi que, petit à petit, la société civile est islamisée et que le séparatisme prend forme.
Pourquoi n’arrivons-nous pas à le faire? Nous sommes paralysés par le mauvais usage que nous faisons de la laïcité. La loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État ne visait qu’à protéger le pouvoir politique de l’influence de l’Église. Force est de constater qu’elle s’est transformée en une loi de vacuité, vidant la France de tout son substrat civilisationnel et culturel chrétien. C’est la raison pour laquelle nous sommes désarmés face à la montée de l’Islam culturel et que nous n’avons plus à lui opposer que des concepts vides tels que le dialogue, le vivre-ensemble, la tolérance et autres concepts creux comme «les valeurs de la République». Nous constatons pourtant tous les jours leur inefficacité à contrer la montée de l’islam politique et culturel, que ce soit chez nous dans «les territoires perdus de la république», ou en diplomatie face aux dérives islamiques de la Turquie.
La loi de 1905 ne visait qu’à assurer la séparation du pouvoir politique du pouvoir religieux et pas à effacer l’identité culturelle chrétienne de la France.
Ce n’est pas le principe de laïcité qui permettra de lutter contre l’Islam culturel, car la loi de 1905 concerne l’État alors que l’Islam culturel exerce une emprise et une influence qui vise la société civile. C’est une approche conservatrice, celle de la réappropriation et de l’affirmation de notre héritage culturel façonné par notre tradition gréco-romaine et nos racines chrétiennes qui peut relever le défi civilisationnel auquel l’Occident est confronté. Le défi se joue aussi sur la capacité de l’Occident à mettre en avant et à transmettre sa propre culture. Cela n’implique pas de remettre en cause les avancées de la loi de 1905. Il s’agirait simplement de rappeler que cette loi ne visait qu’à assurer la séparation du pouvoir politique du pouvoir religieux et pas à effacer l’identité culturelle chrétienne de la France. Car si l’État est laïque, la France, elle, ne l’est pas. Les pleureuses qui assistent impuissantes aux destructions de nos églises et de nos cathédrales ont bien du mal à le comprendre ; il leur faudrait lire le magnifique roman Les pierres sauvages de Fernand Pouillon qui retrace la construction de l’abbaye provençale du Thoronet pour saisir que «dans ses murs vibrent à jamais le génie et la foi.»
Le conservatisme appelle à un réarmement culturel et civilisationnel de la France. Ce n’est qu’en puisant dans notre histoire, ce qui nous définit comme espace civilisationnel aux racines chrétiennes que nous pourrons protéger le mode de vie à la française menacé par l’Islam culturel. Les 44 propositions formulées par la Commission d’enquête sénatoriale pour donner aux acteurs de terrain les moyens de lutter contre le radicalisme islamiste ne seront efficaces que si elles sont portées par la volonté de protéger notre patrimoine culturel immatériel. Si la Turquie a obtenu de l’UNESCO la reconnaissance des festivités du Mesir Macunu comme patrimoine culturel turc, nous devrions bien pouvoir protéger le rite estival des baignades en bikini les cheveux au vent!