Depuis des décennies je réfléchis à un problème qui me tracasse vraiment et dont j’ai souvent parlé dans ces chroniques : Pourquoi la monnaie a-t-elle de la valeur ?
La meilleure explication donnée de ce phénomène étrange le fut par le Christ, à qui un pharisien demandait s’il fallait payer l’impôt à Rome, ce qui était un piège. Jésus lui demanda avec quoi paye t’on cet impôt ? Le pharisien lui montra une pièce. Qui est cette personne sur la pièce ? demanda le Christ. Le pharisien lui répondit « César », et c’est là que tomba la phrase qui annonçait la naissance du monde moderne par la séparation de l’église et de l’État : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu «.
Mais cette phrase dit aussi très clairement (ce que personne ne relève jamais) que la monnaie, c’est l’État, et que cette monnaie sert à payer les impôts. De nos jours l’État représente une nation, c’est dire une volonté de vivre ensemble, et cette nation a besoin d’être défendue contre les ennemis intérieurs et extérieurs, ce qui coûte de l’argent et nécessite donc de lever des impôts. La monnaie est donc une convention règlementée par l’État, telle est l’explication du Christ, et c’est bien sûr la bonne. Tout cela, les lecteurs de l’IDL le savent depuis longtemps
Mais les idées suivantes, qui m’ont été inspirées par ce qui se passe dans le monde en ce moment sont nouvelles, en tout cas pour moi, et il va falloir que le lecteur s’accroche une fois de plus tant elles sont importantes.
Comme chacun le sait, et comme le disait Bastiat, si vous désirez vraiment quelque chose il n’y a que deux façons de l’acquérir : travailler pour pouvoir l’acheter, ou le voler, ce qui prend beaucoup moins de temps, mais ce qui peut être dangereux, sauf bien sur si vous vous faites élire comme socialiste ou communiste et que vous changez la loi pour vous permettre de voler le fruit du travail des autres.
C’est ce que disait aussi, mais d’une façon plus imagée, mon vieux professeur d’économie à Toulouse quand il avançait qu’il n’y avait que deux façons de répartir la rareté, la main invisible d’Adam Smith ou le grand coup de pied dans le derrière de Joseph Staline, et qu’il n’y avait RIEN entre les deux. On ne peut pas « en même temps » être pour la main invisible et le coup de pied dans le derrière.
En bonne théorie libérale, dans un système de marché libre (la main invisible d’Adam Smith), une transaction « juste » a lieu si les deux parties sont d’accord sur le prix et si cet échange est fait librement. Dans ce cas de figure, les deux parties prenantes sont gagnantes et l’économie s’enrichit de la somme de ces deux gains. Et c’est pour ça qu’Adam Smith l’emporte toujours sur Joseph Staline, car le gars recevant le coup de pied dans le derrière a en général du mal à comprendre que c’est pour son bien.
Mais dans cette transaction librement consentie, s’est introduit un piège. J’ai parlé d’un prix librement consenti, libellé dans la monnaie de César, c’est-à-dire la monnaie étatique. Et donc j’ai une immense contradiction à l’intérieur du système capitaliste : la production et les échanges peuvent être régis par la main invisible, MAIS le prix auquel cet échange aura lieu sera lui libellé dans une monnaie qui elle fonctionne à grands coups de pied dans le derrière, puisque la plupart des monnaies bénéficient de ce que l’on appelle le « cours forcé », ce qui revient à dire qu’en France les transactions doivent avoir lieu dans la monnaie de l’État français. Car, quand je fais une transaction en France, elle a lieu dans la monnaie qui a cours LEGAL en France, aujourd’hui l’Euro, demain le Bolivar Vénézuélien, après demain le Mark Allemand… en attendant le troc ou le retour de l’or. Et définir la monnaie qui a cours légal en France est un privilège régalien. Je peux prêter de l’argent a l’État français en Euro aujourd’hui et me les voir rembourser en « nouveau-nouveau « franc français dans 10 ans et je n’aurais rien à dire.
Et cette contradiction pourrit depuis toujours les relations entre le système politique (ceux qui contrôlent l’Etat et doivent trouver les sous pour assurer son fonctionnement et accessoirement leur enrichissement personnel) et ceux qui créent de la valeur en lui donnant un prix car ce prix devra être libellé dans la monnaie de l’État local, ce qui permet bien sûr toutes les entourloupes.
Résumons ce que je viens de dire. Le secteur privé fonctionne au mieux si la main invisible d’Adam Smith est au travail. Mais cela implique que le secteur privé utilise la monnaie, qui elle est contrôlée par Joseph Staline, ce qui veut dire qu’à terme l’oncle Joseph va se servir de son monopole d’émission de la monnaie pour piller le secteur privé puisqu’il a le monopole de la violence légitime, et cela de façon inéluctable.
Que faire ?
Bien entendu et depuis la nuit des temps, l’État va tout faire pour s’’introduire entre les deux parties pour prélever sa livre de chair au moment de la transaction : TVA, droits de douane, octrois, esclavage, spoliation légale, réquisition, service militaire obligatoire, confiscation… la liste est longue et Bastiat, encore lui, les a beaucoup mieux décrits que tout ce que je pourrais faire et je renvoie à ses écrits, dans les « harmonies économiques » par exemple. Mais le plus simple, et de loin, est de se servir de la capacité que l’État a de créer de la monnaie à partir de rien (de nos jours) pour organiser à son profit ce qu’il faut bien appeler des enrichissements sans cause en faisant varier le volume de la monnaie émise pour acheter des actifs du secteur privé par exemple, en les payant en monnaie de singe.
Et là, je dois dire que je suis en train d’assister à quelque chose que je croyais impossible, mais une fois de plus je me trompais sur la capacité de nuisance des hommes de Davos (au fond, je suis un grand naïf). Pour être honnête, j’attendais une contre-attaque de leur part, mais la violence de celle-ci me laisse pantois. Ils ont tout simplement décidé de nationaliser tout le secteur financier, c’est-à-dire la partie du secteur étatique qui était en contact permanent avec le secteur privé.
Pour utiliser une image, le secteur financier, c’est comme une réserve d’eau dans un barrage en montagne qui sert à irriguer les plaines en dessous. Le barrage est géré par l’État et régulé par l’autorité qui contrôle le débit vers le bas (la banque centrale), mais l’eau (l’épargne) appartient au secteur privé.
Depuis 10 ans, « ils » ne payaient plus ceux qui rajoutaient de l’eau (les épargnants) en pratiquant des taux d’intérêts négatifs, mais la semaine dernière ils ont fait très fort : ils ont décidé que l’eau était maintenant à eux et qu’ils payeraient ce qui est en fait une nationalisation par chaque pays de son épargne en imprimant du papier monnaie en guise de paiement pour s’approprier le stock d’épargne qui était en amont du barrage.
Voila qui doit représenter la plus grande nationalisation de l’histoire. Lénine doit se retourner dans sa tombe sur la place rouge devant l’amateurisme dont il a fait preuve en 1917… En une semaine, nous sommes passés, en ce qui concerne la distribution et la collecte de l’épargne, d’un système de marché à un système technocratique, centralisé, et où les faillites sont interdites. Adieu Schumpeter et la création destructrice…
Je dois avouer que j’en suis resté comme deux ronds de flans.
Et cela s’est fait sans aucun vote des parlements, sans aucune révolte des peuples, sans aucune consultation juridique auprès des cours suprêmes et des conseils d’État. Bien pire, les marchés sont montés, tant ceux qui allaient être mis en faillite pour avoir mal utilisé l’épargne qui leur avait été confiée ont été soulagés. En fait, en faisant cela les banques centrales sauvent de la faillite une fois de plus les mécréants du capitalisme de connivence, mais non pas après qu’ils aient fait faillite, comme en 2008, mais avant, ce qui est quand même moins stressant pour eux.
Nous sommes en train de subir le plus extraordinaire coup d’État organisé par la classe technocratique mondiale sans que quiconque ne bronche. Ce coup d’État cherche à sauver la mondialisation malheureuse, qui a ruiné tout le monde, sauf ceux qui étaient proches des banques centrales, au détriment des peuples.
Et le moment choisi, celui de la pandémie, est étonnant d’opportunisme. Car nous avons une pandémie qui s’est abattu sur le monde, et je me souviens de la phrase de Ram Emmanuel, le conseiller d’Obama, qui disait en parlant de la grande crise financière de 2008 : « ce serait dommage de laisser une telle crise inexploitée ». Par là, il voulait dire qu’une crise est un merveilleux moment pour faire bouger les lignes de force dans un système en faveur de ceux qui sont au pouvoir, et qu’il faut taper vite et fort pendant que tout le monde est sonné.
Cette réaction des hommes de Davos (qui peuplent les banques centrales qui ont organisé ce coup d’État) s’est produite en effet à la faveur d’une pandémie et au prétexte de sauver nos vies. Voilà qui me semble un peu excessif. Car après tout cette maladie ne semble tuer que les vieux, l’âge moyen des décès causés par le virus étant en France de 81 ans, et 99 % des morts en Italie ayant eu plus de 70 ans. Il aurait peut-être suffi de mettre en confinement les gens au-dessus de 70 ans et de bien foutre la paix aux autres pour qu’ils vaquent à leurs affaires normalement.
Certes, c’est faire peu de cas apparemment de tous les gens âgés dans des asiles de vieux, mais ils meurent en rangs épais dans les asiles de toutes façons, et aux Etats-Unis un économiste a calculé que sauver la vie d’une personne de plus de 75 ans revient à mettre 4600 personnes au chômage. Combien parmi ces 4600 vont se suicider, combien vont être ruinés, combien vont se droguer ou retourner à l’alcoolisme ?
Certes une vie humaine n’a pas de prix, mais elle en a un si pour sauver une vie visible, on condamne dix personnes à la mort parce qu’elles sont invisibles. Ici on ne parle plus de grandeur d’âme, de compassion mais d’hypocrisie et de lâcheté.
Pour conclure ce papier d’humeur. Je ne crois pas une seconde que les hommes de Davos soient suffisamment intelligents pour avoir organisé ce coup-là. Par contre, je les crois suffisamment cyniques pour sauter sur l’occasion quand une opportunité se présente. Les Peuples grondaient partout et voulaient le retour de la Démocratie et de la Souveraineté nationale. Voilà qui devraient les calmer et ramener les fortes têtes dans les rangs, pensent sans doute ces esprits faibles qui ne connaissent rien en dehors de leur monde.
Je crains, pour eux et j’espère – pour nous – qu’une fois de plus ils ne se trompent complètement. Les Peuples vont se rendre compte qu’ils sont encore plus incompétents qu’ils ne le pensaient et leur fureur va en être décuplée.
- Car ou ils savaient, et dans ce cas ce sont des misérables.
- Ou ils ne savaient pas et ce sont des incompétents dont il va falloir se débarrasser.
Et je pense ici à la phrase de Talleyrand
« Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite »
Hélas pour les petits hommes, aujourd’hui, ils le savent.