Par Charles Gave
13 novembre, 2017
J’ai participé récemment à une émission sur TV Libertés en tant qu’invité et ce fut une expérience instructive. Au cours de cette intervention, j’ai dû expliquer la différence entre une obligation et une action, ce qui n’a pas laissé de me surprendre alors que je pensais que ce genre de connaissance était largement partagée par le public. À l’évidence, ce n’était pas le cas.
J’y reviens donc, en essayant d’y apporter quelques précisions supplémentaires.
Commençons par les obligations. Si le lecteur achète une obligation à 10 ans de l’État français, il acquiert en fait deux choses :
- La promesse que l’État français lui remboursera cette obligation dans 10 ans au prix d’émission. S’il a investi 100, il touchera 100.
- La promesse qu’il touchera chaque année un intérêt fixé à l’origine et qui ne pourra pas changer. Aujourd’hui, le taux sur les obligations à 10 ans de l’État français est à 0,84 %, ce qui veut dire que pour 100 euros d’investis, notre épargnant va toucher 0,84 centime d’euro, ce qui n’est pas beaucoup.
Comment notre épargnant peut-il perdre de l’argent en achetant une obligation ?
De plusieurs façons :
- Si l’État français dans 10 ans se révèle incapable de le rembourser. C’est ce qui est arrivé aux épargnants grecs ou argentins il y a quelques années…
- S’il n’est pas remboursé dans la monnaie dans laquelle il a souscrit, mais dans une autre. Après tout, la dette française est libellée dans la monnaie qui a cours sur le territoire de l’État français. Aujourd’hui, c’est l’euro, demain ce pourrait être le franc (ie Lex monetae).
- Si nous avons dans les 10 ans qui viennent une hausse de l’inflation. Si la monnaie perd 25 % de son pouvoir d’achat dans la prochaine décennie (inflation d’environ 2 % par an, ce qui est le but de la BCE), alors notre épargnant sera certes remboursé 100, mais ces 100 ne vaudront plus que 75 en pouvoir d’achat et des taux d’intérêt de 0,84 % par an n’auront pas suffi à compenser cette perte.
Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il faut être fou comme un lapin pour détenir des obligations européennes en ce moment, tant il est à peu près certain qu’il s’agit là d’un placement « pile je perds, face je perds aussi ». Je ne saurai donc trop conseiller aux lecteurs qui recherchent cette forme de placement d’aller investir dans des obligations russes, chinoises, indiennes, indonésiennes où les coupons couvrent en grande partie les risques mentionnés plus haut.
Venons-en aux actions : quand vous achetez une action, vous achetez une part de propriété, ce qui veut dire que vous n’avez aucune garantie que vous retrouverez vos 100 euros si vous avez investi 100 euros. Vous abandonnez votre capital purement et simplement. À quoi cet abandon vous donne-t-il droit ? (et je ne vais traiter ici que de l’achat d’une action cotée en bourse).
- Vous pouvez la revendre dès que vous le voudrez, enregistrant un gain ou une perte.
- Vous voterez aux assemblées générales.
- Vous aurez droit au dividende éventuel versé par la société à ses actionnaires. Sur le long terme, la hausse des dividendes est un élément très appréciable de la rentabilité totale des actions.
- Si votre société est achetée par une autre société à un prix très favorable, eh bien vous serez gagnant et vous retrouverez soit avec du cash, soit avec les titres de l’autre société, que vous pourrez garder ou pas.
- Si votre société fait faillite, vous vous retrouverez ayant quasiment tout perdu.
La question suivante du lecteur que ce genre de sujet intéresse va être : très bien, mais comment je sélectionne les sociétés que j’achète pour ne pas tout perdre à l’arrivée ? Voici ma réponse et elle contenue dans l’expression « part de propriété ».
Le lecteur sait bien qu’il y a deux sortes d’affaires cotées
- Celles dont l’Etat ne se mêle en rien de leur gestion, je cite au hasard Air Liquide, Schneider, l’Oréal, LVMH etc. Appelons-les « sociétés du secteur capitaliste », soumises aux dures exigences de la concurrence. Si vous êtes actionnaire d’une telle société, vous en êtes vraiment le propriétaire.
- Celles dans lesquelles l’État intervient soit par une réglementation tatillonne, soit en s’introduisant au capital, soit les deux à la fois bien sûr. Citons, EDF, Areva, Société-Générale etc.… Appelons-les « sociétés du secteur étatique », puisque c’est l’état qui fixe les prix et les règles du jeu. Entre actionnaire dans une telle société, c’est être toujours le dernier servi.
Cette nouvelle règle d’investissement est donc toute simple. NE SOYEZ JAMAIS CO- INVESTISSEUR AVEC L’ÉTAT.
Vérifions :
- La ligne rouge représente les sociétés du secteur « libre », dont j’ai calculé un indice en prenant les secteurs où l’Etat n’a pas son mot à dire : consommation, matières premières, valeurs industrielles, pétrole, technologie, pharmaceutiques… Un portefeuille constitué des valeurs « libres » depuis 2010 est passé de 90 à 170, ce qui est nettement plus que l’inflation et en plus son heureux détenteur a touché des dividendes en hausse sensible.
- La ligne noire représente l’indice des valeurs « administrées » et chacun peut voir que depuis 2010, il n’a pas gagné grand-chose… qui plus est, dans ces secteurs les suppressions de dividendes ont été nombreuses. Rajoutons enfin que comme toutes ces sociétés dépendent de l’État, si celui-ci venait à connaître des difficultés financières, il est à craindre qu’elles seraient les premières à faire faillite. Acheter ces valeurs est donc à peu près aussi idiot que d’acheter des obligations de ces mêmes États.
Pour conclure sur les actions : si vous achetez des actions, c’est parce que vous pensez que le capitalisme marche. Il est donc complètement contre-productif d’acheter des sociétés soumises aux foucades et caprices de l’État. Si vous jouez le capitalisme, jouez-le vraiment !
Pour conclure enfin sur les placements en général, j’ai coutume de dire à ceux qui me le demandent qu’il faut avoir en actions 100 moins son âge. J’ai 74 ans et donc je devrais avoir 26 % d’actions, le reste en obligations. Mais détenir ce portefeuille, c’est vraiment être masochiste puisque je suis sûr de perdre sur au moins 74 % du portefeuille puisque le cours des obligations en Europe est complètement manipulé par les banques centrales, sauf en Asie bien sûr. Il faut donc aujourd’hui avoir ses obligations en Asie (et peut être aux USA, qui semblent revenir à la raison) et ses actions dans le secteur libre de chaque pays et uniquement dans le secteur libre, et dans ce cas de figure, le pays a beaucoup moins d’importance.
Et si le lecteur ne peut pas acheter des obligations asiatiques, alors il lui faut avoir plus d’actions et supporter la volatilité de ses actifs, en grinçant des dents…