Par Philippe Fabry
Les difficultés agitent depuis deux semaines la bourse chinoise, qui devraient empirer avec l’annonce des résultats économiques trimestriels le 15 juillet prochain, probablement décevants.
Les gens ne se rendent pas bien compte de ce qu’il se passe : on parle beaucoup de « correction », quoi qu’un peu brutale, des bourses chinoises après une envolée d’un an. Cette idée de « correction » induit l’idée fausse que la baisse va se stabiliser une fois des valeurs normales retrouvées. Parenthèse : lorsque l’on dit que la bourse a perdu 30% mais qu’elle avait gagné 150% en un an, cela ne signifie pas que les cours sont encore 120% plus haut que ce qu’ils étaient il y a un an ; ils sont supérieurs de 70% à ce qu’ils étaient il y a un an, c’est-à-dire qu’ils ont perdu pratiquement 50% de la valeur gagnée depuis un an.
L’idée est fausse parce que cette envolée a été largement financée par l’emprunt : les dizaines de millions de petits porteurs chinois ont financé leurs investissements boursiers en contractant des prêts. Ce qui signifie que la plongée boursière, même si elle se stabilise, va laisser des millions, voire des dizaines de millions de boursicoteurs sur le carreau, traînant derrière eux des milliards, voire des dizaines de milliards d’emprunts qu’ils seront incapables de rembourser. La facture va être très salée pour l’économie chinoise. Nous assistons peut-être à l’équivalent chinois de la crise des subprimes, qui mettra quelques semaines à se manifester pleinement : le deuxième étage de la fusée s’allumera quand des millions d’emprunteurs seront simultanément incapables de rembourser leurs prêts. La cascade de faillites provoquées pourrait coûter 500 milliards de dollars à la Chine, soit le coût de la crise des subprimes pour les Etats-Unis en 2007.
L’essentiel des « victimes » de ce krach étant des particuliers chinois, les troubles sociaux et à l’intérieur du Parti Communiste Chinois (dont sont membres une bonne partie des boursicoteurs) sont à attendre ce qui, dans le climat de chappe de plomb politique instaurée par Xi Jinping, pourraient exploser avec d’autant plus de violence.
Par ailleurs, ces vives difficultés financières frapperont, par contagion, les autres grandes places boursières, notamment aux Etats-Unis où, jusqu’à présent, il n’y a véritablement eu de « reprise » qu’à la bourse. Une nouvelle crise financière montrerait combien de la roi de la « reprise économique » américaine est nue, et plongera dans la récession – ou la fera apparaître comme l’état réel de l’économie US.
La récession économique à venir aux USA, probablement en 2016 (comme déjà annoncé sur ce blog il y a deux mois) sera aggravée par cet effondrement chinois, et l’Amérique sera la courroie de transmission qui amplifiera les conséquences mondiales des difficultés chinoises. Cela ne sera certainement pas de nature à stabiliser la situation dans le monde musulman, dans lequel la crise de 2008 a déjà eu comme répercussion le « Printemps arabe » de 2011.
Dès lors, la montée des populismes, fortement visible en Europe depuis la crise de 2008, devrait connaître un nouveau coup d’accélérateur… est-il besoin d’en donner les implications dans le paysages politique français, et d’en désigner le premier bénéficiaire ?