Cela, Boston ne l’a pas compris. La ville était candidate, mais la population s’est révoltée et a refusé d’organiser les Jeux. Du coup, le maire, Marty Walsh, a dû retirer la candidature en juillet 2015. Il a pour cela utilisé un argument curieux : « Je refuse d’engager la responsabilité de Boston pour des dépassements financiers et de signer une garantie qui utilise l’argent des contribuables pour payer les Jeux olympiques. »
Après Boston, ce sont Toronto, Hambourg, Rome et Budapest qui ont renoncé à l’organisation des JO. Les habitants ne semblaient pas goûter le socialisme festif que prône pourtant la mairie de Paris.
Chacun sait bien pourtant que les Jeux ne coûtent rien puisque c’est l’État qui paye. Cela, Paris l’a bien compris et n’a aucun scrupule à utiliser l’argent des contribuables pour financer les Jeux.
Des retombés financiers qui se chiffrent en milliards ?
D’ailleurs, les Jeux olympiques permettent de très nombreuses retombées financières, comme chacun le sait. Grâce à eux, Sarajevo, Athènes, Montréal, Pékin se sont considérablement enrichis nous dit-on. Même si à y regarder de plus près les Jeux olympiques forment surtout la route des villes ruinées. Mais nul doute qu’à Paris la mairie est beaucoup plus intelligente et qu’elle saura gagner de l’argent là où tout le monde en a perdu. Faisons confiance pour cela à la capitale du socialisme festif.
Les choses ont d’ailleurs très bien commencé. L’espace de trois jours, le centre de Paris fut bloqué à toute circulation pour permettre aux Parisiens de venir jouer sur la Seine où sur l’esplanade des Invalides. Quant à ceux qui travaillent pour payer les impôts qui financeront les jeux, qu’ils se débrouillent.
Les autres ne savent pas gérer leur budget
Toutes les villes organisatrices ont explosé leur budget ; la sécurité étant souvent le premier poste de dépense. C’est que ces villes ne savent pas gérer leur budget, alors qu’en France nous savons, comme en témoigne l’état mirobolant de nos finances publiques. Pas de risque de dépassement donc, d’autant qu’à Paris il n’y a aucun problème de sécurité.
Récapitulons, pour une géopolitique des villes ruinées : Montréal (1976), il a fallu 30 ans pour payer les frais du stade olympique. Londres : des coûts multipliés par deux : 4,8 milliards d’euros prévus, 10,9 Mds€ réalisés. Rio : 9,5 Mds€ budgétés, 33 Mds de dépenses réelles. Un léger dépassement, comme on dirait dans la novlangue socialiste. C’est d’autant plus bête que le stade de Maracana est en train de prendre la poussière. Les équipements de Rio 2020 sont à l’abandon et l’État de Rio en faillite et sous tutelle. Il faut dire qu’ils n’ont pas eu de chance : ils ont dû organiser les JO et la coupe du monde de football.
Dans les faits, le budget des Jeux est toujours 3 à 4 fois supérieur à ce qui était budgété. Paris prévoit un budget de 6,6 Mds€. Cela laisse songeur quant à la dépense réelle.
Tour du monde des éléphants blancs
Non seulement c’est très couteux, mais la plupart des installations ne servent pas en dehors des trois semaines de Jeux. Si vous voulez voir l’herbe pousser au milieu des gradins d’Athènes (2004), le stade olympique d’Atlanta (1996) détruit en 1997, les ruines du village olympique de Sarajevo (1984), la station abandonnée de Munich (1972), faites un détour par ce site où vous aurez des photos immanquables sur les cimetières des éléphants blancs : http://www.demotivateur.fr/article/installations-olympiques-jo-abandonnees-ruines-6853
Même Le Monde le reconnaissait dans un article d’août 2016 : les sites olympiques tombent en ruine. Ce qui n’empêche pas ce journal de servir aujourd’hui la propagande en faveur des JO à Paris.
Car c’est bien d’une propagande dont il s’agit, et à plusieurs niveaux. Le sport se mêle à la politique. Tantôt il s’agit de montrer le renouveau d’un pays où sa nouvelle puissance, comme Pékin ou Sotchi, d’autres fois de capter l’attention mondiale, comme à Londres ou à Athènes. À Paris, la propagande sert un autre intérêt, celui du socialisme festif.
Le stade suprême du socialisme
Le socialisme a la prétention d’organiser l’ensemble des activités humaines : travail, éducation, construction, logement et loisirs. Pour ce faire, il faut se draper dans l’autorité morale de l’État, qui agit forcément pour notre bien, et faire usage de la coercition, d’une part pour prélever des impôts de plus en plus importants, d’autre part pour dresser une liste de normes et de contraintes que les populations doivent respecter. Le socialisme d’aujourd’hui n’a plus la gravité rigoriste d’un Jean Jaurès ou d’un Léon Blum, mais le sourire festif d’une Anne Hidalgo. Il ne s’agit plus d’émanciper les ouvriers, mais de divertir les citadins. Notons au passage le cruel paradoxe de personnes qui se piquent d’écologie et de développement durable, mais qui sont prêtes à bétonner des espaces verts pour créer un bâtiment absolument pas durable.
Le socialisme a donc la prétention de contrôler nos loisirs. Pour cela il organise des compétitions sportives, des jeux olympiques, des fêtes de la musique et autre joyeuseté. C’est ainsi que Martine Aubry avait créé les RTT, pour que l’État puisse mieux gérer les loisirs de la population. Déjà en 1936, sous le Front populaire, Léo Lagrange fut sous-secrétaire d’État aux sports et à l’organisation des loisirs. En 1981, renouant avec cette grande tradition planificatrice, François Mitterrand créa le Ministère du Temps libre, qui dura jusqu’en 1983. Ministère que voulut ressusciter Benoît Hamon, mais que son score mirobolant du premier tour ne lui permit pas de mettre en place.
Organiser le temps libre, parce qu’aucun espace ne doit être laissé au libre choix de la personne. L’État doit donc planifier et imposer le temps de liberté en dehors du travail afin de mieux contrôler l’individu. C’est l’achèvement de la route de la servitude. La géopolitique des villes ruinées par les JO accompagne celle des États absolutistes qui ne veulent laisser aucun répit à leur population. Celle-ci est obligée et contrainte de rire, de s’amuser, de bouger et de communier à la religion du temps libre. Malheur à celui qui n’est pas en faveur des JO : il vient briser le tabou et le mythe d’une société du plaisir et du vivre-ensemble.
Ce socialisme s’accompagne d’un capitalisme de connivence à grande échelle. Personne ne semble s’offusquer que les installations sportives soient construites avec l’argent des citoyens pour que les multinationales du sport (Nike, Adidas…) engendrent d’importants bénéfices grâce à l’organisation de ces jeux. Le contribuable français finance les investissements et les multinationales engrangent les bénéfices. Un partage des rôles tout à fait juste et moral, comme sait l’être toute politique socialiste.
Réjouissons-nous donc et soyons festifs. Le socialisme ne dure que tant que dure l’argent des autres. En précipitant la ruine de Paris peut-être que les JO vont accélérer la destitution du socialisme parisien qui sévit depuis 2001 et qui a fait de la capitale française un désert chloroformé et ankylosé.