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Ouverture des JO: un parcours initiatique du “Queer” à l’esthétique fasciste

Certains lecteurs m’ont demandé de préciser ma pensée lorsque j’ai parlé, samedi, de “l’imagination triste de la caste”, qui se donnait à lire “à livre ouvert”. Je le fais bien volontiers tant le spectacle conçu par Thomas Jolly et supervisé par Emmanuel Macron me semble révélateur de ce que j’appelle “fascisme gris”. Comme souvent, le président français en dit, ou laisse dire trop et il nous facilite le travail de décryptage en nous révélant l’imaginaire de l’actuelle classe dirigeante occidentale.

Dans une analyse publiée il y a quelques semaines, Thierry Meyssan écrivait, de manière provocatrice:

Dans [l’] esprit [de Macron], les prochains Jeux Olympiques seront l’occasion de manipuler les masses pour magnifier les « États-Unis d’Europe » de sorte qu’elles seront spontanément prêtes à la dissolution des États-membres de l’UE.

Lors de son discours programmatique de La Sorbonne, il y a sept ans, il déclamait : « Quelques semaines après les élections européennes [de 2024], Paris accueillera les Jeux olympiques. Mais ce n’est pas Paris qui reçoit. C’est la France et avec elle, l’Europe qui feront vivre l’esprit olympique né sur ce continent. Ce sera un moment de rassemblement unique, une occasion magnifique de célébrer l’unité européenne. En 2024, l’Hymne à la joie retentira, et le drapeau européen pourra être fièrement arboré aux côtés de nos emblèmes nationaux » .

Oui, les Jeux Olympiques de 2024 à Paris seront l’occasion pour lui de mettre en scène sa vision du monde : à chaque victoire d’un État-membre, l’hymne européen devrait être joué, si rien n’entrave ce dessein. Sans aucun doute, l’UE serait alors la puissance victorieuse. Il réaliserait ainsi le rêve du chancelier Adolf Hitler à Berlin en 1936. Il en a d’ailleurs déjà repris les codes. Ainsi, le relais de la flamme olympique, qui n’existait pas lors des Jeux originels, est une survivance du nazisme. Le chancelier allemand avait souhaité magnifier les corps des Aryens et traverser les Balkans, préfigurant ses conquêtes à venir. Le président français entend mobiliser les Français derrière son impossible rêve européen pour mieux les manipuler dans les semaines à venir. Il a d’ailleurs confié la réalisation de la torche à Usinor, désormais dénommé ArcelorMittal, comme son prédécesseur l’avait confiée au groupe d’armement Krupp.

Ne vous inquiétez pas, je ne compare pas Emmanuel Macron à Adolf Hitler pour sous-entendre que le président français serait raciste….

Précisément, continuons la pensée de Meyssan: Emmanuel Macron est antiraciste, cosmopolite, écologiste, inclusif, européiste, mondialiste….C’est tout le paradoxe que j’ai développé à propos du“fascisme gris” qui domine actuellement l’Amérique du Nord et l’Union Européenne, Du point de vue des valeurs, il défend l’exact inverse du nazisme. En apparence: car en réalité, le système qui nous domine est celui d’une caste exclusive, fondée sur un capitalisme de connivence, vivant de “guerres théâtrales”, rêvant de transhumanisme ….

La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques nous donne l’occasion de comprendre les mécanismes mentaux qui sont à l’œuvre et révèle l’envers du “plus inclusif possible”: le projet de domination d’une minorité de l’humanité, totalement indifférente aux croyances, aux sentiments et aux désirs du reste de la planète.

La question de l’antichristianisme

Je ne reviens pas sur le sujet que j’évoquais hier, sauf pour dire que l’hostilité au christianisme est bien entendu central dans l’imagination de la caste. Il est présent d’un bout à l’autre de la cérémonie: de la blague de Djamel Debouze, au départ, qui confond Zidane et Jésus-Christ au très païen hymne à l’amour d’Edith Piaf, en passant par (1) les danses menées autour de Notre-Dame (Lady Gaga, French Cancan, danseurs du chantier) qui manquent singulièrement de respect pour le caractère sacré de la cathédrale; (2) la substitution de Dionysos au Christ sur laquelle il a coulé beaucoup d’encre; (3) La chanson “Imagine” de John Lennon, le plus célèbre des Beatles, qui se proclamaient “plus populaires que Jésus-Christ”; et (4) ce culte du feu néo-païen sur lequel je reviendrai.

La réaction de nombreux chrétiens dans le monde est saine. Que les musulmans se soient joints à eux n’est pas surprenant tant le spectacle est régulièrement agressif, provocateur envers ceux qui pensent qu’il existe une loi naturelle et que la famille est la cellule de base de la société.

Ce qui nous intéresse ici, c’est le fait que la négation consciente du christianisme conduit à celle de l’enfance et de la nécessité de la préserver. les enfants à qui Zidane a donné la flamme, au départ, sont emmenés par un personnage masqué qui conduit une barque à travers les égouts tel Charon emmenant les morts à travers l’Achéron et le Styx. Lorsque les enfants continuent avec lui, sur les quais, il les emmène dans un univers queer puis s’enfuit après leur avoir dérobé la flamme.

Plus tard dans le spectacle, le motif continue: Charon est, rappelons-nous, fils d’Erèbe (l’Obscur) et de Nyx (la Nuit) et Daphné Bürki, l’une des chevilles ouvrières de la cérémonie devenue commentatrice pour France Télévision, nous explique que la séquence appelée “Obscurité” est dédiée aux angoisses de la jeunesse.

Dernière composante du motif antichrétien: la substitution d’une croyance initiatique à cette religion éxotérique qu’est le christianisme. Zizou puis le mystérieux Charon nous font commencer le parcours sous terre. Ensuite, il y a la cavalière, elle aussi masquée, qui porte le drapeau olympique. Le spectacle se finit par le parcours de la flamme du fleuve à la pyramide du Louvre et de celle-ci aux Tuileries.

De Iouri Stouïanov à Philippe Muray, nombreuses sont les analyses sur le surgissement régulier de courants ésotériques en Europe quand le christianisme connaît un recul.

Queer, cringe et mondialisme inclusif

Tout au long, du spectacle, nous avons droit à des tartines de “queer” (affichages des sexualités alternatives). Dans les premières séquences, le rose donne la nausée, tellement il s’étale avec mauvais goût. Ensuite, on a, à satiété, l’affichage de la contagion mimétique si bien analysée par René Girard: au cas où vous ne l’auriez pas compris, on est non seulement dans le “French triangle” mais ce dernier permet aussi toutes les combinaisons bi, trans, homosexuelles…. J’imagine qu’il fallait un certain quota de drag queens pour tenir son rang sur la scène de l’individualisme absolu occidental.

Il y a le queer et puis il y a aussi le cringe, ces moments où la transgression devient lourdingue. Par exemple, Marie-Antoinette tenant sa tête coupée qui chante “ça ira”….

Tout cela est camouflé sous l’inclusivité, ressassée, elle aussi, à en avoir une indigestion. Daphné Bürki a fini la cérémonie en pleurant comme une fontaine mais on la sentait régulièrement “émotionnée” par l’obsession d’inclusivité de Thomas Jolly. C’est normal, “Paris est la capitale de l’amour”. Il y a tous ces gens qui s’aiment, qui s’embrassent, tout ce féminisme, mais aussi les drag queens, le chanteur de rap sourd, Aya Nakamura qui danse devant l’Académie Française, le souci pour la planète etc….

Tout cela, tellement bien dit par les paroles de la chanson “Imagine”….

Le curieux anticapitalisme de Daphné Bürki

 

Imagine qu’il n’y ait pas de pays,
Ce n’est pas difficile,
Aucune cause pour laquelle tuer ou mourir
Pas de religion non plus
Imagine tout le monde
vivre dans la paix…
Tu penses peut
-être que je suis rêveur,
mais je ne suis pas le seul,
J’espère qu’un jour tu te joindras à nous,
Et que le monde ne fera qu’un.
Imagine qu’il n’y ait plus de biens,
Je me demande si tu y arrives
Pas de place pour l’avarice, ni pour la faim,
Une grande famille
Imagine tout le monde
Qui se partage la planète

C’est-y pas beau le mondialisme? Daphné Bürki en a eu un cri du cœur, en commentant la version chantée par Julie Armanet sur une barge où le piano brûlait sans se consumer tel un “buisson ardent”: elle nous a expliqué que c’était “un message de paix dans l’obscurité, antimilitariste, anticapitaliste“.

Interdiction de rire! Il faut quand même oser sortir un truc pareil alors que chaque jour au moins un millier de soldats ukrainien meurent parce que Washington, Londres, Bruxelles, Paris, Berlin, ne veulent pas que Kiev fasse la paix avec Moscou. Tous les dirigeants qui sont aux commandes dans ces capitales ont fredonné “Imagine” à l’époque et, aujourd’hui, ils se comportent comme les pires des bellicistes…..

Le plus beau, c’est sans aucun doute “anticapitaliste”. Alors que plus tôt dans la cérémonie le porteur masqué de la flamme est passé par la Samaritaine où des “artisans français” (sic!) finissaient de fabriquer des sacs Louis Vuitton! Comme Eric Verhaeghe vous le montrait il y a quelques jours, Bernard Arnault a tellement d’influence sur Emmanuel Macron qu’il peut se permettre de privatiser Paris pour la promotion de LVMH. En l’occurrence, la cérémonie d’ouverture des JO lui a offert de longues minutes de publicité (après la Samaritaine on voit des larbins porter des malles Louis Vuitton sur les quais de Seine). Et Madame Bürki nous fait le coup de l’anticapitalisme!

Comment s’appelle un régime qui prêche l’anticapitalisme et pratique le capitalisme de connivence? Qui ne cesse de parler d’inclusivité mais méprise les 9/10 de l’humanité? Qui ne cesse de parler de la planète et est capable d’une débauche d’électricité pour se célébrer lui-même tout en étant incpable de nettoyer la Seine? Qui ne cesse de parler de paix mais offre une protection spéciale aux athlètes d’un pays qui soumet le reste du monde à un chantage sur le mode “Prenez chez vous les gens que nous persécutons, sinon nous les tuerons sur leur terre qui en fait nous appartient de droit”?

En sciences politiques, un tel régime s’appelle “fasciste”. Et il est fascinant de voir que plus le spectacle d’ouverture des JO avançait, plus il a pris les traits d’une esthétique fasciste.

Du queer au fascisme, à la tombée de la nuit

Interminable cérémonie! Mais cette durée signe le tropisme profond d’Emmanuel Macron. Il voulait visiblement le gigantisme déployé. Et cette durée digne d’un spectacle wagnérien. Qu’avait-on besoin de faire retourner la flamme par la Seine vers la Cour du Louvre avant de reparcourir le jardin des Tuileries , sinon pour faire référence au début du règne macronien, lorsqu’il avait émergé de l’obscurité pour s’adresser aux Français devant la pyramide?

Pourquoi cet interminable quart d’heure à regarder la cavalière masquée sur son cheval argenté remonter la Seine d’Austerlitz au Trocadéro? Emmanuel Macron est fasciné par l’obscurité. Il fallait que la fin de la cérémonie d’ouverture se déroule de nuit pour que lui puisse inaugurer les jeux au cœur de l’obscurité.

Emmanuel Macron a-t-il conscience du tour macabre que prend définitivement la cérémonie à ce moment-là? Peu importe, le fait est là: le fascisme est fasciné par la nuit. Le président français ne s’est sans doute pas rendu compte qu’il était assis face à la Tour Eiffel quelques mètres en-dessous du lieu où Hitler se tenait dans Paris occupée au petit matin du 22 juin 1940. Mais c’est un fait que le Trocadéro a tout d’une architecture proto-fasciste. Le 26 juillet 2024 au soir, on ne pouvait s’empêcher de penser aux cathédrales de lumières de Nuremberg en 1936….

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Nous en revenons à ce que dit Thierry Meyssan dans l’article que nous citions en commençant: il y a, dès l’origine, dans le rituel des Jeux Olympiques modernes, un potentiel néo-païen, que Hitler, et pas seulement lui, avait senti et développé.

Nos élites ont beau se croire “antifascistes”, elles sont porteuses d’un néo-fascisme, que j’appelle le ‘fascisme gris”. Pour moi, il s’agit de la réalisation du projet fasciste – que l’orgie de violence hitlérienne avait forcé à interrompre.

Regardez le long chemin entre la Tour Eiffel et la tribune des VIP que doivent emprunter les acteurs de la cérémonie dans le final de la cérémonie: c’est du “Nuremberg revisité”. En même temps que la cavalière masquée avançait sur la scène, on a droit à des images d’archives des JO depuis un siècle; mais c’est bien parce que ce serait politiquement incorrect qu’on ne nous passe pas “Les dieux du stade” de Leni Riefenstahl (l’ancienne réalisatrice fétiche et maîtresse de Goebbels qui se passionna, dans la seconde partie de sa vie, pour la photographie de tribus en Afrique – elle fut un précurseur du “fascisme gris”, avec toute sa bonne conscience inclusive).

Le “fascisme gris”, à livre ouvert, ce 26 juillet 2024

J’appelle fascisme un régime rejetant la Révélation biblique, fondé sur une vision inégalitaire des relations entre les peuples, capable de génocides, possédé par un capitalisme de connivence, tendant à l’oligarchie, ne gardant que les apparences de la démocratie, fasciné par l’eugénisme et le “planning familial”, entretenant une mentalité “pseudo-guerrière” par des conflits toujours renouvelés mais menés contre des ennemis jugés peu dangereux….

Ce type de régime est celui vers lequel l’histoire occidentale tend, depuis le début du XXè siècle. Hitler a un temps détourné l’histoire occidentale de son cours. Pourtant, ses financeurs américains et britanniques lui avaient offert la possibilité de prendre sa place dans la construction d’un progressisme occidental achevé. Mussolini, lui, avait mieux compris en quoi son régime pouvait converger avec l’évolution rooseveltienne de la république américaine. Mais il se laissa entraîner par Hitler dans un aventurisme extérieur qui lui fut fatal.

Après la Seconde Guerre mondiale, la menace soviétique obligea les Etats-Unis – dont Wilson puis Roosevelt avaient, sur le plan intérieur, commencé de réaliser le potentiel fasciste – à rester en grande partie une république démocratique. Et, de même, l’Europe se reconstruisit, entre 1945 et 1990, selon un modèle de nation démocratique.

La fin de la Guerre froide a permis aux USA et à leurs vassaux européens de suivre à nouveau les tendances profondes qui avaient commencé de s’affirmer un siècle plus tôt. Dans des populations vieillissantes, à forte immigration, dont la majorité de la population n’est plus apte à faire la guerre, le fascisme se déploie comme un “fascisme gris”. La démocratie n’est plus qu’apparente. Les peuples s’étiolent. La souveraineté des nations est progressivement vidée de toute substance.

Le fascisme est devenu transnational, il ne cesse de parler “inclusif” et “protection de la planète”. Il place les sexualités alternatives, à commencer par l’homosexualité, au-dessus de la sexualité procréative. Mais tout cela ne l’empêche pas de promouvoir un projet guerrier (Ukraine), éventuellement génocidaire (Gaza) et de mépriser profondément les coutumes, les croyances et la morale des autres aires de civilisation.

Ce qui est frappant dans la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, c’est comment on passe du mépris affiché pour tous ceux qui ne mettent pas les “queers” au-dessus de tout à une fascination proprement fasciste pour l’obscurité, le culte du feu, la mort.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire, peut-être Emmanuel Macron, toute à sa volonté de puissance, en a-t-il trop fait. Est-il bien raisonnable, du point de vue de la capacité de survie du “fascisme gris” d’afficher à ce point comment il fonctionne alors que ce sont les Etats-Unis et Israël qui assurent l’essentiel des dispositifs de sécurité des Jeux Olympiques? Et alors qu’à Gaza ou à Donetsk, des enfants meurent quotidiennement sous les bombes fournies par les Etats-Unis?